Au-Dedans : Le livre de Will McPhail

Etonnant album, léger et aérien par son trait presque sans couleur, aux cases aérées et parfois presque vide, dans une ambiance qui se traine et où rien ne se dit, mais dont le fond est lourd et grave. Une alchimie qui semble étrange mais qui fonctionne, je trouve. Et je suis assez surpris d'avoir été plongé autant dans cette BD lorsque je vois les écueils qu'elle porte. Le début de m'a lecture m'a rapidement surpris, notamment avec la représentation des yeux. Mais très vite, je m'y suis fait et je me suis laissé porter par le ton du récit, intimiste et léger dans le traitement. C'est souvent muet et rempli de petits détails (notamment tout le délire autour du café), et parsemés de quelques petites phrases qui permettent de tout comprendre. Une vie simple, ordinaire d'un type lambda dans une ville américaine. Et très vite, s'installe la question de la solitude, de cette mélancolie de la vie. Il n'y a rien d'extraordinaire ici, juste une vie qui se détaille avec des évènements graves, tout en continuant sur son ton doux et calme. C'est indolent, une balade dans la vie et ses hauts et bas. Mais la BD est surtout une mise en scène de la solitude contemporaine. C'est très bien fait, et je trouve que ce personnage est excellent dans son parcours, puisque progressivement il est intéressé par découvrir ses proches, avec des questions parfois saugrenues mais qui mettent en lumière l'envie de découvrir l'autre, son intimité et sa vie qu'il ne connait pas. D'ailleurs les interactions qu'il a avec sa famille sont très mignonnes, en peu de mots on sent l’amour qu'ils se portent mais aussi le fait qu'ils se connaissent très bien. Une BD étonnante, donc, porté par un dessin dont on sent le caractère dessin de presse, notamment avec ces planches d'une seule cases qui permettent de résumer une idée en un coup, tout en présentant une histoire intimiste mais qui peut toucher tout le monde. Les questionnements d'un jeune homme ressentant la solitude dans une ville moderne, c'est sans doute pas si rare que ça et ça touche. Franchement, lecture recommandé !

Excellent !! Une histoire sur les émotions et le partage de celles-ci. Oui on en a beaucoup lu, OK ?! Mais celle-ci a beaucoup raisonné en moi. C'est amené très finement, on prend vraiment le temps de ressentir les émotions du personnage principal qui doit se refléter en beaucoup de personnes. Une métaphore très belle, poétique et très graphique : les intéractions sincères nous donnent accès au monde intérieur de la personne avec laquelle on échange ..

Nick est un jeune illustrateur faisant face à un profond mal-être. Il n'est pas heureux, mais il n'est pas malheureux non plus. Rien ne le satisfait vraiment, un vide s'est installé en lui sans qu'il n'en connaisse la cause. Alors il erre de bar en cafés afin de coller au stéréotype des hommes tristes. Mais ce qui l'accable le plus c'est le jugement permanent qu'il pose sur lui-même et qui l'empêche d'être naturel. Cette lecture m'a touchée. Lorsque l'on est quelqu'un d'anxieux, il est facile de s'identifier à Nick et au jugement qu'il porte sur lui-même. La façon dont il se rend compte qu'il ne connait et n'écoute pas sa famille (notamment sa mère) est criante de vérité. Le personnage de Wren est sympa et vient apporter un peu de lumière à cette histoire loin d'être joyeuse. Le rire passe également par les devantures des bars et cafés où Nick se rend qui reflètent avec humour l'état d'esprit du personnage. Enfin, les illustrations en couleurs sont magnifiques, un vrai plaisir pour les yeux. Malgré tous ces points positifs, je trouve que la BD manque d'explications sur la fin de l'histoire et la faculté de Nick à changer ou non son comportement.

Nick est illustrateur et mène une vie citadine, passant d'un coffeeshop à la mode à un autre, tentant de croquer des passants dans la rue ou les transports, ce qui peut lui valoir certaines déconvenues. D'ailleurs, c'est bien "déconvenues" qui semble le mieux décrire chacune de ses interactions sociales, qu'il s'agisse d'un échange avec un barman ou de la relation à sa mère. Nick éprouve des difficultés à communiquer de manière authentique et s'interroge même maintenant sur ses facultés à ressentir... J'ai beaucoup aimé le trait, délié et gris comme un dessin délicat au crayon papier, et le surgissement par moments d'autres techniques graphiques. Le rendu des visages et des regards m'a rappelé la précision du dessin de Posy Simmonds dans "Gemma Bovery". Ici aussi le narrateur tente d'en savoir plus sur son entourage, et cette quête va se resserrer sur les quelques membres de sa famille, en abordant des thèmes plus graves, donnant un tour très touchant à ce récit. "Au-dedans" se lit d'une traite et réussit un parfait équilibre entre tranches de vie et événements de la vie, entre sourires désabusés et vérité des émotions.