CHEZ LES FLAMANDS : Le livre de Georges Simenon

Encore un grand Maigret. Notre commissaire bougon préféré arrive à Givet (Ardennes) alors que la Meuse qui traverse cette ville frontalière avec la Belgique est en crue. De nombreuses péniches et autres embarcations sont coincées par le mauvais temps. Nous sommes en janvier. Maigret a, une fois de plus, accepté de rendre service à un membre de sa famille élargie. Une jeune femme, mère d'un enfant non reconnu, a disparu soudainement. Le père est le rejeton d'une soi-disant riche famille flamande, les Peeters, qui tient commerce et café. Ils sont mal vus, soupçonnés de trafics divers et variés. Et le fait que cette famille a pu convaincre un commissaire parisien de mettre son nez dans cette affaire ajoute de l'huile sur le feu du ressentiment... L'enquête sur la disparition de Germaine Piedboeuf est menée par un jeune inspecteur de police encore maladroit. Maigret se rapprochera de lui mais gardera ses intuitions pour lui. Encore un fois, il y a beaucoup d'atmosphère dans ce roman. Maigret boit toujours autant, selon nos critères actuels, avec l'excuse du froid : grogs, bière mais aussi du genièvre à réveiller les morts que la maison Peeters distribue à profusion. Cette enquête répond aussi à une de mes interrogations : comment Diable la hiérarchie de Maigret tolère-t-elle ses fréquentes absences pour motif personnel ? Eh bien il semble qu'elle en soit souvent agacée ! De même que Madame Maigret qui ne peut gérer tous les soucis du ménage sans en référer à Jules.

Chez les flamands, un petit goût de déjà vu, pourtant simenon fidèle à lui même m’invite à rentrer dans son univers où les décors et les ambiances y sont presque perceptibles. Comme à son habitude l’enquête se fait presque oublier mais invite le lecture à se plonger dans l’atmosphère bien particulière

Quand Maigret descendit du train, en gare de Givet, la première personne qu’il vit, juste en face de son compartiment, fut Anna Peeters. à croire qu’elle avait prévu qu’il s’arrêterait à cet endroit du quai exactement ! Dans ce village frontalier des Ardennes, les Peeters ne sont pas comme les autres. Ils sont flamands. Riches, confits en dévotion et on les déteste... Les premières recherches de Maigret n'aboutissent à rien. Mais au cours d'une visite dans son bateau, Maigret découvre le marteau qui a servi au crime et le manteau de la victime. Cependant, Maigret ne l'arrête pas : de plus en plus, il est intrigué par le comportement d'Anna, qui garde toujours la même impassibilité et le même contrôle de soi... Une « pseudo-enquête » de Maigret, appelé au secours par une connaissance d’un cousin. Et là encore, les coupables trop évidents seront vite écartés par un commissaire en dilettante qui, curieusement, se souciera bien plus de comprendre que de juger...

Simenon, qui a d'ailleurs eu sa propre péniche où il a composé quelques romans, aime les fleuves et les mariniers. Simenon aime bien aussi emmener son Maigret vers la Belgique. Ici il s'arrête à la frontière pour nous décrire le portrait vivant d'une ville presque morte, le récit sans temps mort d'une cité pétrie d'ennui. Dans ce monde oublié de tous, où le fleuve impose son rythme à la maigre agitation frontalière, Simenon ne pouvait qu'imaginer un être hors du commun, assez monstrueux et pourtant terriblement humain. Magistral.