Ciel changeant - Haïkus du jour et de la nuit : Le livre de Pascale Senk

#127776;Chronique#127776; premières heures j'attrape une fraîche envie de vivre Est-ce qu’on peut attraper des bouts De jour et de nuit Est-ce qu’on peut dessiner sur une aigrette Est-ce qu’on ne saisit jamais la magie D’un haïku C’est fou ce qu’une journée a de rendez-vous Chaque heure, sa promesse Chaque petit moment, son potentiel Si seulement on y prêtait attention La poésie peut cela Mieux encore, cette forme de poème Est une célébration de moment présent Qu’on fixe Mais qui nous échappe aussi vite Qu’il est apparu Alors est-ce qu’on peut attraper un haïku Du bout des doigts Et le faire s’envoler à travers vents Quand Pascale Senk s’y essaye On dirait bien que ça marche Et non seulement ça marche Mais ça donne des petits scintillements Preuve ultime que la magie opère Ces petites fulgurances Sont des invitations à la contemplation Au ralenti à l’attention au spontané Mais ces réflexions sont profondes Puissantes incroyablement similaires À nos propres interrogations Qui se jouent de nous A mesure que le cadran fait sa ronde Qu’est-ce qu’on attrape alors? Des roses des pivoines des arc-en-ciel Une posture de chat un temps imprécis Une chaleur ou un paysage froid Une nostalgie ou une envie de voyage Une saison ou une attitude fluctuante C’est tellement doux un haïku Tu t’y perds autant que tu t’y retrouves Et puis comme tout est cyclique Il reviendra ce plaisir, cet instant fugace Parce que le ciel aura changé Parce que la nuit se sera échappée Parce que tout nouveau jour est promesse Il reviendra sous une forme ou une autre Mais l’écrire c’est déjà ne pas l’oublier Capturer ce qui ne se capture pas C’est poser ses yeux, de l’encre Et retranscrire une image pop-up Qui se superpose sur l’ordinaire Et donne une émotion pure A qui la reçoit… Voilà ce que j’ai attrapé des sensations Surgissantes émouvantes palpitantes Sorties d’une contemplation active Et tout Ciel Changeant qu’il soit J’ai attrapé un coup de cœur Un coup d’amour un coup de poème Je ne sais pas comment Faut qu’il me revienne… Mais le jour s’en va déjà et il me tarde L’heure bleue Pour relire encore ce recueil Je ne veux plus rien attraper Que l’essence même De cet haïku… superlune Tous ceux qui veulent briller Tu les éclaires

Beaucoup de livres de haïkus sortent chaque année en France, mais je dois dire que celui-ci a été un petit coup de coeur ! Le concept m’a déjà beaucoup séduit, mais j’ai adoré ce livre du prologue où l’auteure nous conseille d’oublier tout ce que l’on croit savoir de la poésie, jusqu’à la fin. La journée étant divisée en plusieurs moments, ça donne vraiment envie de profiter de la vie, de chaque instant, du réveil au coucher. De regarder autour de nous et apprécier ce que l’on voit, ce que l’on ressent. Des haikus clairement modernes qui m’ont beaucoup plu, parfois touché, parfois fait sourire aussi (notamment ceux incluant un chat, je connais bien ça !).

Pour chaque moment de la journée (aube, petit matin, matinée, etc) Pascale Senk propose des haïkus inspirés de ces différents moments du jour. Chose fort intéressante : chaque chapitre est précédé d'un petit texte qui présente les types d'instants que l'on peut vivre sur la période concernée. Ce qui fait que quand arrive la lecture des haïkus inspirés par ce vécu un lien se créée qui permet de mieux comprendre d'où vient le poème. Dommage que la qualité des poèmes ne soit pas toujours au rendez-vous ce qui fera que je ne garderai pas un souvenir impérissable de cette lecture.

Pascale Senk est entrée dans l’univers du haïku par une petite porte entrouverte. La préface d'une anthologie. Elle est alors journaliste. Et de son texte émane une humilité éclairée, une généreuse curiosité ; et c’est ce texte qui m’invitera plus tard à pousser la même porte. Pascale Senk a, j’imagine, une révélation. Comment, sinon, devenir, en quelques courtes années, la personne qui aura fait le plus pour la diffusion, en France et ailleurs, de cette culture quasi inconnue : émissions de radio, livres, ateliers, podcasts... Et puis vient ce livre : « Ciel changeant, haïkus du jour et de la nuit." Un aboutissement : ses haïkus, dans son regard post-moderne, ont atteint la pureté des origines. Une singularité : le lien entre sa prose et les haïkus ne ressemble à aucun autre, il n’a jamais été vu, ni avant, ni ailleurs. Pascale Senk a appris ce qu'il fallait apprendre. Mais, surtout, Pascale Senk s’est imprégnée des choses, « peut-être les plus importantes », et qu’on ne peut apprendre. Loin de celles et ceux qui, même dans ce genre volontairement appauvri, veulent briller, Pascale peut composer des merveilles comme : dimanche de Pâques les familles à pas lents ballotins en mains Pour ressentir le merveilleux de ce micro-poème (un petit et véritable chef-d’œuvre selon moi), il faudra se défaire de bien des automatismes, il faudra déposer bien des fardeaux, et, ainsi allégé et esseulé au bord d’une route de campagne bordée d’arbres à la chorégraphie agitée, il faudra s’ouvrir… … il faudra s’ouvrir. Et ouvrir ce livre !