Court toujours : Celle qui reste : Le livre de Rachel Corenblit, Régis Lejonc

Qu'est-ce que j'ai pu en lire, des textes sur Antigone, quand j'étais en licence de Lettres Modernes ! Faut-il croire que ça ne m'a pas assez lassée parce que j'y suis retournée avec "Celle qui reste". La quatrième de couverture indique que c'est une réécriture époustouflante de ce morceau de mythologie qu'est le drame de la malédiction d'Œdipe. Je dois bien avouer que ce texte est beau. Il mélange à merveille l'efficacité de l'écriture décrivant la brutalité de la révélation des liens consanguins de la famille d'Œdipe et les sentiments d'une Antigone égarée qui ne sait plus comment se positionner vis-à-vis des siens. En un éclair, nous assistons à une crevaison d'yeux, une pendaison, une discussion avec une femme absente, un début de duel pour le trône et à un moment d'égarement dans le jardin après consommation d'alcool. Comment réagir face à cette tragédie ? Antigone nous le raconte. Et pas besoin d'alexandrins ampoulés pour être emportés par le tonnerre dans sa tête. Ce que nous perdons en lyrisme versifié, nous le retrouvons dans les illustrations faites d'aplats de couleur rouge, d'une grande sobriété. Elles fonctionnent diablement bien avec ce qui est écrit, illustrent le sang qui a coulé dans ces pages.

Une famille, un secret dévoilé. Les membres d'une famille, ici les célèbres Labdacide et leur secret : l'inceste. Ce récit est une réécriture du mythe d'Antigone. L'écriture de Rachel Corenblit est belle, belle mais ardue. Cette écriture qui n'est pas facile d'accès ralentit la compréhension du texte et donc du propos. Sinon l'histoire est belle même si nous la connaissons déjà. Ce qu'apporte cette réécriture c'est le flot d'émotions en plein yeux que l'on prend à la lecture. Les émotions vécues de différentes manières, chacun réagit à sa façon à la révélation d'un secret de famille explosif - raconté par un des membres qui semble extérieur ou simple témoin de la situation. Quel sera la place d'Antigone dans cette réécriture contemporaine du mythe révélateur de secret ?

La collection Court toujours des éditions Nathan se diversifie. Outre les couvertures qui sont depuis récemment illustrées, dans Celle qui reste, le texte est illustré. J'aime beaucoup cette collection et cette réécriture du célèbre épisode de la mythologie grecque sur Œdipe, Antigone et leur famille. Le texte est aéré, de par ses illustrations (par ailleurs très belles), mais aussi de par sa forme. On lit une prose qui tend vers de la poésie et des vers libres. Une petite heure pour (re)découvrir Antigone.

Avec "Celle qui reste", Rachel Corenblit et Régis Lejonc se proposent de pumper la tragédie grecque sans la simplifier. On retrouve donc tous les fils de l'histoire d'Antigone et de son père Œdipe (qui est aussi son demi-frère). En 51 pages et six actes allant à l'essentiel, l'auteure fait le tour de ce drame familial et de ses protagonistes. Entre tristesse, peur du qu'en dira t'on et sollicitude, les émotions humaines ne sont pas sacrifiées au principe de la collection Haut et Court ("une histoire à dévorer en moins d'une heure"). D'autant que les illustrations de Régis Lejonc marquent durablement la rétine. Certes il manque des enjeux annexes, des doutes et des dialogues. Mais ce roman a le mérite de mettre la tragédie grecque à la portée de tous. Et peut-être même - espérons-le - de donner envie d'aller lire d'autres pièces classiques.