Garde tout, surtout les gosses ! : Le livre de Guillaume Clicquot

Garde tout, surtout les gosses est la novellisation (ré-écriture sous forme de roman) du scénario du film Papa ou maman (2015) écrit en 2009. Avec quelques modifications cependant, qui donnent selon moi encore plus de sel au récit. Dans ce roman, les héritiers ne sont plus des enfants mais des adolescents, ce qui les rend plus ingrats, mais aussi plus autonomes dans leur riposte. Les stratégies du père (prénommé ici Denis) et de la mère sont donc plus délicates à conduire, et requièrent encore plus de machiavélisme. Lorsque les enfants grandissent, la femme reste prisonnière de son statut de maman, même si son rôle se réduit à un soutien logistique. Abusant de ce confortable état de fait, l’époux s’octroie toutes les excuses pour se défiler et déléguer les basses oeuvres à madame : responsabilités et horaires à rallonge souvent justifiés par un salaire plus élevé. Dans cette infernale quête de la perfection, désireuses d’ « assurer » sur tous les fronts, les femmes s’attribuent tous les manquements en redoutant que le voile ne soit un jour levé sur l’intimité de leur vie ingrate. C’est compter sans la promotion professionnelle qui va agir comme un détonateur : Florence (et Denis qui n’entend pas céder une once de terrain) vont devoir faire preuve d’inventivité pour s’affronter ET déjouer les ripostes ourdies par les trois intéressés. Sous le prétexte d’une histoire absolument burlesque (refiler COÛTE QUE COÛTE la garde des enfants à la partie adverse), l’auteur questionne les problématiques liées au travail des femmes, à la « répartition des tâches » et à l’éducation. Alors certes les personnages sont caricaturaux, le roman bourré de clichés et le propos poussé à l’extrême, dans une surenchère de stratagèmes et de coups bas visant à piéger l’ennemi. Mais c’est ce qui fait tout le charme de cette lecture hilarante, jubilatoire et féroce dans laquelle les poncifs du patriarcat en prennent pour leur grade. Garde tout surtout les enfants est la garantie d’un savoureux moment de lecture, par le machiavélique auteur de Prenez-moi pour une conne.

Jubilatoire .... et tellement bien vu ! Le livre retourne avec brio le conflit "classique" des divorces quant à la garde des enfants et renvoie chacun à ses propres égoïsmes. Le ton est drôle et enlevé, le livre se lit avec plaisir Derrière la description truculente et très juste des ado et des adultes, l'auteur développe une réflexion très juste sur l'individualisme qui menace de nous submerger. Le film qui en a été tiré n'a pas réussi à capter toute la finesse du récit ....

Comme pour Poivre et Sel j'ai accroché dès les premières lignes. Par contre il me scotche, sa perception du monde, des "gens", des situations, est tout simplement extraordinaire. A-t-il vécu déjà toutes ces situations ? a-t-il vécu dans le corps d'une femme, d'un ado ? C'est tellement crédible que cela en est déroutant. Au début je me suis même dit "ce n'est pas possible une femme lui souffle les réponses ou il lit dans l'esprit de la gent féminine", c'est un truc de fou, totalement incroyable. Il se met parfaitement à la place de "l'autre". On pourrait penser que cela sent le vécu, mais je crois que tout simplement Guillaume Clicquot a une psychologie extrêmement fine de l'humain. Bon maintenant je vais avoir peur d'échanger avec lui, va-t-il percevoir mes pensées les plus secrètes ? En tous les cas, il m'a emporté dans un récit prenant à mourir de rire et d'une pertinence incroyable. L'auteur a une imagination délirante dont je suis totalement fan. Jubilatoire, décalé et savoureux, le scénario file à toute allure et je m'en suis délectée jusqu'à la dernière ligne. Un vrai coup de fouet parmi mes lectures.

Malgré une idée relativement ingénieuse de ces parents qui, à l'aube de leur divorce, font tout pour se faire détester de leurs enfants afin qu'ils décident de rester avec l'autre et les idées toutes plus inventives les unes que les autres, ce roman demeure assez commun, simple... J'ai de très loin préféré le second roman de l'auteur "Poivre et sel" (devenu depuis "Joyeuse retraite !) qui a également donné naissance à un film.