Herland : Le livre de Charlotte Perkins Gilman

Herland de Charlotte Perkins Gilman. Le synopsis m'avait appâtée : un pays uniquement composé de femmes, vu par des hommes mi-curieux, mi-anthropologues, entièrement développé et construit par des femmes se reproduisant par parthénogénèse... Cela avait de quoi m'interroger, et ayant bien aimé La séquestrée, je me suis lancée. Trois hommes donc tombent par hasard sur un pays uniquement composé de femmes, qu'ils renomment Herland. S'y introduisant, ils y découvrent une société paisible, prospère, propre, sororale... Mais sous le joli vernis, n'y a-t-il pas des travers cachés ? J'ai énormément accroché à ce roman, tant je trouvais le propos intéressant ! Notre narrateur, Van, sociologue, nous raconte avec beaucoup de détails et de recul cette expérience que fut la découverte de Herland, les périphéties de nos trois amis, comment leurs relations ont subi les lois et la philosophie de ce monde de femmes. Comment des femmes, créatures faibles et fragiles par excellence, ont réussi à construire une société entière, sans maladie, sans guerre, sans pauvreté... Sans vice. Herland donc sonne comme un paradis sur Terre, sans domination masculine, sans mœurs masculins, sans rapport de force dans cette société monosexuelle. Et si le problème, c'était les hommes finalement ? C'est là que Herland est un roman fort, car Gilman évite justement ce raccourci facile et accusateur en nous présentant le revers de la médaille : eugénisme assumé, mise à l'écart des femmes manquant d'intelligence, de créativité, d'ingéniosité, maternité élevée au rang de devoir divin et donc ancrée comme une évolution naturelle et quasi obligatoire... On est loin d'une société critique, car ignorant tout du monde, repliée sur elle-même, obéissant à ses propres codes et à ses propres croyances. Sous la bienveillance, on ressent un certain malaise face à ce peuple centré sur la maternité, et seulement cela. J'ai énormément apprécié la dualité entre nos protagonistes avec leurs idées, leurs convictions, leurs rites et coutumes ainsi que leur vision de la femme (la femme-mère, esclave à la maison, trop faible pour voter mais pas assez pour enfanter, quelle ironie !) et les femmes de Herland, incapable de comprendre ces idées, ces rites et ces coutumes. De par leurs réflexions, on s'interroge également sur la légitimité de ce que nous considérons comme naturel : et si ce que nous pensons normal était si normal que cela ?

En 1915, Charlotte Perkins Gilman publiait un roman utopiste et "matristique" du nom de Herland. Avec une plume visionnaire, elle fait découvrir aux lecteurs cette société cachée du monde où ne vivent, depuis 2000 ans, que des femmes ! Merveilleux prétexte pour aborder, sous la forme attrayante du roman, des questions de fond comme le pouvoir, le sexisme, l'éducation, la santé, l'écologie (oui, déjà !)... Herland fait partie de ces livres qui nous rappellent que l'on peut rêver en grand des modèles de sociétés plus justes plutôt que de verser dans l'habitude et la résignation à des systèmes iniques et combien frelatés...