LA BOULE NOIRE : Le livre de Georges Simenon

La boule noire de Georges Simenon Walter Higgins tondait sa pelouse comme beaucoup d’autres en ce samedi matin mais son esprit était occupé par un appel téléphonique qu’il devait recevoir tard dans la soirée de Bill Carney qui dirigeait le drugstore en face du supermarché dont il était le gérant. Walter attendait le résultat du vote qui devait lui ouvrir les portes du country club. Une formalité lui avait dit Bill après que sa candidature eut été repoussée une première fois l’année précédente. Mais de nouveau il va apprendre qu’une boule noire s’est glissée au milieu des boules blanches lors du vote, signe du rejet de sa candidature. Dépité Walter pensa »je vais les tuer ». Mais c’est lors de la réunion à la mairie du comité pour la construction d’une nouvelle école que le «nouveau Higgins » se manifesta, peu importe qu’il fut marié père de quatre enfants et un cinquième en cours, quelque chose avait changé en lui, mais serai ce durable? Pas franchement inoubliable ce Simenon qui fait plus dans l’introspection que dans le roman noir. Peut on aller contre le courant de l’ordre social? Vaste question à laquelle Walter va se trouver confronté.

Ce soir Walter Higgins est nerveux. Il attend de savoir s’il va enfin être admis au Country club, consécration de sa réussite sociale. Si chaque membre aura bien déposé une boule blanche dans l’urne. Car une seule boule noire…et sa vie s’effondre. Higgins est parti de rien, originaire des quartiers les plus misérables d’Oldbridge dans le New Jersey, élevé par une mère alcoolique qui le laissait seul des semaines entières. A force de travail il est devenu une personne respectable, directeur d’un supermarché, propriétaire d’une belle maison à Williamson, Connecticut, marié à Nora, une femme dévouée qui lui a donné quatre enfants et en attend un cinquième. Il est également trésorier du groupe scolaire à titre bénévole, fréquente une église baptiste, est apprécié de tous. Mais malgré tout il ne se sent pas totalement à sa place, comme s’il était parmi des étrangers dont il ne ferait qu’imiter la façon de vivre… Et quand le verdict tombe, c’est l’effondrement. Une petite boule noire le condamne : il ne fait pas partie de la communauté des notables, ils ne veulent pas de lui, il est marqué à jamais par ses origines. Sa fille aînée semble le mépriser, il ressent un profond désir de vengeance contre tous ces hypocrites qui n’ont pas voulu de lui, l’envie de les tuer tous… Et peu à peu on assiste à la métamorphose de ce bon père de famille américain qui a joué le jeu de l’american way of life, et qui est emporté dans les tourments d’une grave crise existentielle. Très bonne analyse de Simenon dont la conclusion, si elle est surprenante, suit malgré tout une logique implacable.

Quand l’écoute d’une baladodiffusion sur France Culture me rappelle une très ancienne lecture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/la-boule-noire-d-apres-georges-simenon-9615821 La Boule noire de Georges Simenon, écrit en 1955, au cours de ce que les critiques littéraires appellent sa période américaine. L’histoire de Walter Higgins, un self made man, qui vit avec sa famille dans l'élégant quartier de Maple Street et qui rêve d’être admis au Country Club, le cercle très fermé où se retrouvent tous les notables éminents de la cité. Hélas, à chacune de ses tentatives, lors du vote des membres, une boule noire sanctionne sa candidature. Ce rejet cristallise alors toute son amertume et ses désillusions. Malgré son travail acharné, ses débuts tout en bas de l’échelle sociale, sa promotion au rang de directeur d’une succursale d’une importante chaine de supermarché, malgré son implication dans la vie communale, malgré sa réussite sociale et familiale, cette boule noire lui montre les limites du rêve américain. Ce désaveu le déstabilise au moment où il perd sa mère, alcoolique et kleptomane, dans des conditions tragiques. Revenant, sur les lieux de son enfance, il éprouve alors un sentiment d’échecs et de solitude exacerbé. Un excellent roman, des portraits psychologiques très fouillés.

Ce petit roman commence comme un roman noir en posant les prémices d’une histoire de vengeance : Walter Higgins est un citoyen parfait (du moins il s’y efforce) mais une blessure d’ego vient empoisonner son esprit , modifiant son regard sur sa communauté , sur sa famille et sur lui-même . Remarquable analyse psychologique et sociologique mais le final laisse le lecteur un peu sur sa faim (le lecteur veut du sang c’est bien connu…)