La discrétion : Le livre de Faïza Guène

Il est rare qu'un livre me parle avec tant de franchise, tant de clarté. Et j'ai beau avoir lu des livres parlant de l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui, aucun.e auteur.e ne m'avait si bien exposé la réalité de la vie de français d'origine Algérienne aujourd'hui. Bien sûr des thèmes se coupent avec "l'art de perdre", des points de vue sont partagés, mais tout de même ça n'a rien à voir avec la transparence et la franchise de l'écriture de Faïza Guène. C'est une manière d'écrire en apparence directe et pourtant très communicative. Il y a des émotions crues et intenses à assimiler. C'est aussi une vraie révélation dans l'étalage de certains points de vue. Le racisme en France est omniprésent mais ici il est révélé, mis à nu et pourtant sans violence ni accusations. Certaines images sont très marquantes, je note notamment l'analogie avec les chiens qui m'a carrément tordu les tripes. L'entrée au Lutecia m'a aussi saisie. C'est très bien écrit, le ton est juste, ces pages de vie sont prenantes. À mettre entre toutes les mains.

Yamina est née en Algérie colonisée. Quarante ans plus tard, elle est mariée, a 4 enfants et vit à Aubervilliers. Nous la suivrons de sa naissance en Algérie à son départ pour la France. L'autrice relate le chemin parcouru et au fil des pages on découvre quelles étaient les idées et les rêves de cette mère courage. Qu'a t'elle transmis à ses enfants à travers ses valeurs et ses ambitions ? L’autrice dépeint le portrait de cette famille avec justesse. Yamina ne veut pas faire de vague, elle reste en retrait et se contente des choses simples. Elle a refoulé ses traumatismes liés au colonialisme, mais ses enfants n’en seront pas épargnés pour autant.... Ils gérent à leurs manières les frustrations et la colère face au manque de reconnaissance et l'injustice qu'ils rencontrent dans ce pays qui les a pourtant vu naître, la terre d'accueil de leurs parents. J'ai apprécié que l'histoire nous soit livrée sans cliché. On ressens l'amour d'une mère pour ses enfants et inversement. Tous les personnages sont touchants et j'aurai aimé lire des pages supplémentaires tant je me suis sentie bien dans cette lecture. Faïza rend un hommage puissant à toutes les mères à travers Yamina, elle leur donne une voix avec humour et émotion. C'est assurément mon roman favori de l'autrice qui m'a touché profondement. Je l'ai fermé avec les yeux humides tant j’ai aimé cette fin. Un livre empli d'humanité et d'humilité, à mettre entre toutes les mains.

Un roman léger mais profond, particulier mais universel. En racontant la vie simple d'émigrés du Maghreb de première et deuxième génération en France, Faiza Guene parle à tout le monde y compris aux français "de souche" dont les parents ou grands parents ont quitté les campagnes du Berry, de Bourgogne, de Bretagne pour atterrir eux aussi en banlieue de Paris ou Lyon et tenter de monter les marches d'une vie meilleure pour eux et pour leurs enfants. Ce roman est une ode à l'exil et à la nostalgie que l'on soit immigré de l'intérieur ou de l'extérieur, c'est aussi un tendre hommage à nos parents qui vieillissent. Faiza Guene est un (le ?) grand écrivain français du quotidien (je le savais déjà!)

Un roman simple mais très touchant et solaire, quelques moments de la vie d'une gentille et humble femme qui a grandi en Algérie et construit sa famille en France. Faïza Guène signe ici un livre remarquable qui devrait se mettre entre toutes les mains.