La maison du juge : Le livre de Georges Simenon

Je suis toujours happée dès les premières lignes des Maigret une ambiance, une atmosphère, un lieu, quelques personnages, de veilles histoires ... et voilà, tout est dit ! en quelques mots, on y est, on sent la pluie, les odeurs de la mer, la sueur des hommes, celle du feu de bois ... Des phrases magnifiques, il faut le dire, picturales, impressionnistes. J'aime particulièrement les romans qui se déroulent en bord de mer ou de fleuve, le long de canaux... et quand il fait froid et humide, c'est le bonheur. Le Maigret colossal a besoin de la chaleur d'un feu, de son poêle, surtout quand il a les pieds mouillés car il a pataugé en bord de mer, à marée montante pour surprendre M. le Juge se débarrassant du cadavre d'un homme. C'est Didine, vieille femme rabougrie de ... 64 ans qui vient le tirer de sa partie de cartes. Elle sait tout de la vie de ses voisins et particulièrement de celle de M. le Juge Forlacroix. Ce n'est pas sa faute, si ses fenêtres donnent sur la maison du juge qui lui ne ferme jamais les siennes. Alors, ce corps allongé sur le plancher d'une pièce deux jours durant, c'est bien un mort. Elle est sûre qu'il va profiter de la grande marée pour s'en débarrasser. Maigret qui s'ennuie, exilé en banlieue par sa hiérarchie pour une raison inconnue, la suit dans la nuit, en bord de mer et constate que cette "petite vieille" a bien compris et anticipé ce que le petit juge allait faire. Diable, c’est qu’elle connait les horaires des marées parfaitement. Des histoires de famille, sordides, ce juge, si élégant, si bien élevé, tellement distingué, sachant entourer Maigret de toute la douceur d'un Armagnac, servi dans un verre fin, de la chaleur de sa cheminée, de l'élégance de son discours, le juge en cache beaucoup. Une fille à la santé mentale fragile, déséquilibrée, belle, pianiste, comme sa maman qui s'est barrée avec un hollandais roi du chocolat. Un fils aussi rustre que son père est raffiné, a choisi la profession de boucholeur, paysan de la mer. M. le juge cache bien ses secrets et tente de protéger son honorabilité. Si les débuts des romans sont toujours magnifiques, les fins sont moins intéressantes. C'est qu'il faut bien finir un roman et Maigret doit conclure. Et toujours, Maigret et les femmes… de l’empathie, beaucoup pour elles, mais folles, manipulatrices, perdues, vieilles, trop naïves…. Y a que la patiente Mme Maigret, Pénélope du Boulevard Lenoir, son ouvrage et ses petits plats.

Comme dans beaucoup d'autres de ses romans, Simenon plante son intrigue dans l'ouest de la France, où lui-même a vécu. Les deux premiers chapitres sont des bijoux d'inattendu, de burlesque et e mystère et la reconstitution des faits du dernier chapitre, reposant sur une analyse psychologique approfondie par Maigret, sont parmi les meilleures du genre! Le reste m'a un peu moins convaincu, certains faits demeurent à peu près inexplicables (ainsi: pourquoi le juge fait-il certaines révélations sur son passé, auxquelles rien ne semble le contraindre?). Un bon moment de lecture au total, comme toujours avec cet auteur.

Encore un excellent Simenon. Maigret a été placardisé en Vendée. Coup de chance, une enquête sur un meurtre vient le sortir de sa léthargie. Nous voilà une fois de plus plongé dans une atmosphère familiale lourde. Il fait froid, humide et sombre à L'Aiguillon sur Mer... Comme d'habitude, il n'y a pas de gras. Mais une très grand humanité. Ce n'est peut-être pas très réaliste, mais qu'importe, on y croit!

Maigret reçoit la visite de la femme du douanier qui lui apprend qu'elle a vu son voisin, un juge à la retraite, avec le cadavre d'un homme. Maigret se rend sur place et le surprend en train de se débarrasser du corps. L'homme nie être coupable d’un crime et raconte qu'il a trouvé le cadavre chez lui mais qu'il ne connaît pas la victime. Transféré en Vendée, Maigret s’ennuyait jusqu’alors et décide de mener l’enquête en se servant de son intuition. Bien entendu, en ouvrant la boîte de Pandore, bien des choses surgissent du passé. Des secrets qu’on aurait préféré taire le plus longtemps possible. Georges Simenon demeure égal à lui-même, fort de son talent de conteur et avec des idées qui ne fléchissent jamais, il régale le lecteur.