La Reine jaune : Le livre de Joseph Macé-Scaron

Journaliste, essayiste,te, chroniqueur de plateau-télé, et maintenant auteur de thrillers historico-ésotériques, Joseph Macé-Scaron est un esprit original qu'on ne sait pas trop où situer. Membre de la Nouvelle Action Française et du G.R.E.C.E. (pour être toutes deux à droite de la droite, ces deux mouvances sont aussi différentes l'une de l'autre que peuvent l'être à gauche le PS et le NPA), mais aussi auteur de la panique identitaire, dont le titre est déjà un programme, collaborateur du grand Journal et de C à vous, converti à l'Eglise orthodoxe puis émule de Dawkins et d'Hitchents dans son essai L'Horreur religieuse, on ne sait trop où le situer. Ses diverses allégeances et sympathies apparaissent peu ou prou dans sa trilogie consacrée aux enquêtes de Paule Nirsen et Guillaume Lassire, où l'on pourra s'amuser à les chercher et éventuellement à les trouver. La critique que j'ai consacrée à La croix des ténèbres concerne les trois romans où apparaissent la chartiste et le gendarme, classique duo d'enquêteurs mal assortis, Mulder et Scully de la police et de la gendarmerie française, comme eux poursuivant un flirt perpétuel sans jamais franchir le pas (*) La série comporte donc pour le moment trois volumes : La falaise des suicidés, La reine jaune, et La Croix des Ténèbres. Il serait peut-être préférable de les lire dans l'ordre de publication, en raison de l'existence d'une intrigue globale qui progresse de livre en livre. Mais La falaise des suicidés est le plus faible, et sa lecture risque de décourager d'enchainer sur celle des deux autres. Alots il vaut peut-être mieux commencer par le meilleur, La croix des ténèbres, paru cette année ; c'est ce que j'ai fait par hasard, ignorant l'existence des autres volumes, et finalement cela n'a pas nuit à ma compréhension de l'ensemble. La falaise des suicidés se passe à Étretat, à l'ombre de l'Aiguille Creuse et de la falaise, qui, selon le livre, attire particulièrement des suicidés (fait présenté comme authentique, mais je n'ai pu le vérifier) Paule et Guillaume y ont passé ensemble leur enfance et leur adolescence, mais ne s'étaient pas revus depuis. Guillaume y dirige la brigade de gendarmerie. Quant à Paule, elle y vient dans l'intention, justement, de se suicider en se jetant du haut de la falaise ; ce suicide (manqué) est un des points faibles du livre, car ni le personnage ni l'auteur ne semblent en connaître la motivation. Son suicide ayant échoué, elle retrouve Guillaume, et ils enquêtent ensemble sur une « épidémie » de suicide qui n'en sont peut-être pas vraiment. L'intrigue est un peu boiteuse, et comporte une de ces scènes d'exposition abominables, où les deux protagonistes se racontent des choses qu'ils savent parfaitement, dans le but d'en informer le lecteur. Cette maladresse n'est pas pardonnable, d'autant que l'auteur n'est pas un débutant. Heureusement on n'en retrouve pas de semblable dans les suivants. Comme les autres volumes de la série, la Falaise des suicidés comporte une volet « dépliant touristique » qui en est peut-être l'une des parties les plus réussies ; Étretat, ses paysages, sa sociologie, l'histoire de la station, sa place dans la littérature, y sont magistralement décrits, et on en ressort avec l'envie de faire un petit voyage sur la côte normande, en évitant la saison touristique (on sait qu'Étretat compte parmi les sites français les plus affectés par le surtourisme) et en ne s'approchant pas trop du rebord de la falaise. Un accident est si vite arrivé... Contrairement aux autres, ce volume ne comporte pas d'éléments ésotérique, le mythe d'Arsène Lupin, de l'Aiguille Creuse et du secret des Rois de France (pure invention de Maurice Leblanc, bien sûr) , juste effleuré, ne pouvant en tenir lieu. Et je l'ai dit, c'est le plus faible de la série. Mais enfin il est en soi tout à fait acceptable,par rapport à la moyenne du genre Pour la deuxième, la Reine Jaune, l'auteur nous fait traverser la France jusqu'à Roquebrune sur Argens, connue aujourd'hui surtout pour Xavier Dupont de Ligonnés, dont l'ombre passe brièvement dans le livre, tissant ainsi une intrigue secondaire. Guillaume est en effet désormais en poste à Roquebrune où il dirige la brigade ; quant à Paule, elle se trouve là en raison de ses compétences en analyse stylistique, qui lui permet d'authentifier des manuscrits anciens. Elle vient justement d'être chargé de l'expertise d'un document traitant d'évènements survenus à Roquebrune, au cours des guerres de religion, attribué à Nostradamus, afin de confirmer ou d'infirmer cette attribution. le texte de ce document est reproduit au début du livre. Sa lecture est une épreuve car Macé-Scaron s'est très mal tiré ; le résultat ne ressemble pas, même de très loin, à quoi que ce soit qui aurait pu être écrit par qui que ce soit au XVIème siècle, et ne pourrait avoir été écrit avant le début du vingtième siècle. Et Paule aurait très mal pris que l'on ose la consulter sur une forgerie aussi grossière. Mais peu importe, car Nostradamus, pas plus que Xavier Dupont de Ligonnès, ne joue de rôle dans l'intrigue, qui concerne la roche de Roquebrune, son histoire, ses légendes et ses mystères. Et surtout une secte qui pratique une antique religion païenne, pour laquellel l'auteur s'est sans doute inspiré du Dieu des Sorcières de Margaret Murray, matiné de la théorie Gaïa ; le tout est lié à une série de morts, paraissant liées à la canicule de l'été 2023, mais qui sont peut-être autre chose. Et c'est là-dessus, bien sûr que Paule et Guillaume vont enquêter. Donc ça part un peu dans tous les sens. D'autant que j'en ai oublié. Comme dans les autres livres de la série, le côté « touristique » est important , intéressant et tentant. C'est à la fin de ce livre qu'est créé l'organisme chargé d'enquêter sur les « X-Files » dont le premier sera La Croix des Ténèbres (et sans doute pas le dernier) (*) Je m'aperçois que ma référence n'est pas nécessairement évidente pour tout le monde.Fox Mulder et Dana Scully étaient les héros de la série X-Files, dont les onze saisons ont été diffusées en France de 1994 à 2003, membres du département du FBI chargés d'enquêter sur les dossiers X, ceux qui comportaient des éléments paranormaux. X-Files a été l'une des premières vraies series de SF diffusées dans notre pays ; beaucoup de ceux qui l'ont suivie en ont gardé un souvenir ému. I want to believe ! Si cela vous dit quelque chose, c'est que vous en faites partie. (**) À ce sujet, on signalera que quatre des "méchants" de la falaise des suicidés sont encartés dans un parti trotskiste... D'ailleurs, méchants, ils le sont vraiment. Et bêtes, en plus.

Je ne savais pas que Joseph Macé-Scaron écrivait aussi des romans, des polars ! Et le pire, c'est que le 2e paru de sa série Paule Nirsen / Guillaume Lassire est inspiré par la disparition de XDDL, et se passe à RSA (Roquebrune sur Argens). Honte à moi ! Moi dont le True-crime est le dada, en particulier les livres traitant de la tuerie de Nantes, pour des raisons personnelles; je lis également tous les romans inspirés de près ou de loin par cette affaire. Dans ce roman, quelques petites allusions à l'affaire XDDL, qui sert de prétexte au développement de l'intrigue. (Dernière image du fugitif le 14/04, il y a 14 ans). Il est question d'une biographie de cet individu, un livre JAUNE AGRESSIF... (clin d'œil ou hommage à Romain Puértolas ??). Il est question d'une dame blanche... habillée en jaune ! Bref le jaune satanique est très présent. Il manque juste un zeste de Ricard. Sinon, une ambiance un peu comme dans la série ZONE BLANCHE, que je vénère, sauf que là on est en pleine canicule meurtrière. La région de RSA est bien restituée et son cagnard également. Un petit polar bien sympathique, qui se dévore. On passe un bon moment.

Au terme de son enquête sur « La falaise aux suicidés », le capitaine Guillaume Lassire est sanctionné pour excès de performance et muté à Roquebrune-sur-Argens, enfer mondialement connu depuis l’évaporation de Xavier Dupont de Ligonnès le 15 avril 2011. En 2023, la brigade est sous les ordres du Commandant d’Enguerrand d’Auligny, fringant Cyrard, oncle de la ravageuse Barbara Carcosa. La localité est administrée par Albert Palmaro, ancien attaché parlementaire de François Léotard, notable au cœur de tous les réseaux depuis des décennies. La canicule sévit en ce mois d’avril et chaque jour les décès par déshydratation se multiplient. Les rares endroits frais sont la bibliothèque municipale où règne Brigitte Saglietto et les archives qui conservent des siècles d’anecdotes et de légendes au pied d’un rocher qui abrite les traces de Sainte Candie une cité antique qui servit de refuge lors des guerres de religion. Quand la bibliothécaire découvre une biographie de Xavier Dupont de Ligonnès, apparemment annotée de la main du disparu, les gendarmes sollicitent l’aide de Paule Nilsen, chartiste et experte en stylométrie. Une auto-stoppeuse disparait, un cadavre est retrouvé au bord d’un cours d’eau, des andouillers de cerfs apparaissent bizarrement. Guillaume Lassire s’appuie sur les constatations du médecin légiste Omar Kateb, Paule Nilsen explore la nature avec Jean Pradel, guide féru de culture locale et photographe reconnu. L’enquête promène le lecteur dans cette superbe région et le guide dans un labyrinthe camouflant sectes maçonniques et écologistes radicalisés dévots du culte de la Terre-Mère … Xavier Dupont de Ligonnès ou la canicule sont-ils responsables des multiples décès qui endeuillent Roquebrune-sur-Argens et troublent la quiétude du Commandant d’Enguerrand d’Auligny ? Rassurez vous un troisième tome, « La Croix des ténèbres », prolonge cette rafraichissante série policière. PS : La falaise aux suicidés

Alors que dans la région les morts accidentelles, supposément liées à la canicule, se succèdent, une biographie de Xavier Dupont de Ligonnès, soigneusement annotée de commentaires, est incidemment retrouvée dans la bibliothèque municipale de Roquebrune-sur-Argens, ville où il a été aperçu pour la dernière fois. La Provence sert cette fois de décor aux retrouvailles du capitaine Guillaume Lassire, en dissension avec sa hiérarchie suite à la résolution peu conventionnelle de l’affaire d’Étretat et de la chartiste Paule Nirsen, sollicitée pour expertiser le dit ouvrage. Au cœur de légendes opaques où s'entremêlent rites païens et superstitions, emprise mafieuse et machinations sectaires, le binôme d’enquêteurs va être mis à rude épreuve. Entre mensonges, sinistres mascarades et duplicités, Joseph Macé-Scaron multiplie les fausses pistes autour de troublantes disparitions, de vielles légendes et de rumeurs spécieuses. L’enquête se présente sous la forme d’un thriller aux ramifications complexes qui au final vont se recouper, le tout enrichi d’une délicate touche de fantastique. En parallèle de l’intrigue on découvre de nombreuses anecdotes relatives à la région comme les nombreux affrontements qui ont opposés catholiques et protestants sur le Rocher de Roquebrune-sur-Argens, forteresse naturelle qui abrite également les ruines méconnues de Sainte-Candie, village mérovingien du V° siècle. Un site archéologique mystérieux baigné de légendes portant sur d’anciens culte sinistres et qui abrite une église antique objet de croyances archaïques. L'atmosphère oppressante et chargée de mystère est parfaitement rendue, tout comme l’inquiétant contexte qui entoure les évènements. Les descriptions sont très concrètes, précises et pertinentes. On peut juste regretter que la psychologie des personnages ne soit pas, comme s’était déjà le cas dans le volume précèdent, davantage analysée ni développée. De plus, l'absence globale d'informations sur les stratégies de la secte, son mode de recrutement, le profil de ses adeptes ou encore l’ascendance de la « grande prêtresse » laisse un sentiment d’incomplétude qui, sans être gravissime, dévalorise l’ensemble. En dépit de ces quelques lacunes, le récit est prenant et rythmé, l’histoire est cohérente et le sujet culturel des plus intéressant. Si « La falaise aux suicidés » pouvait laisser franchement perplexe, « La Reine jaune » en revanche est pour l'essentiel, un ouvrage convenable, distrayant beaucoup plus plausible et même plutôt convaincant. Les futurs aventures de ce duo atypique, envisagées sérieusement par l’auteur, pourraient agréablement nous surprendre.