La vraie Vie : Le livre de Adeline Dieudonné, Adeline Dieudonné

Quelle claque que ce roman ! Voilà une lecture qui m’a accrochée jusqu’à la fin et bouleversée. D’une plume simple mais acerbe, avec de l’humour parfois et beaucoup de délicatesse toujours, l’autrice nous plonge dans la vie d’une famille de classe moyenne lambda, vivant en pavillon dans un quartier résidentiel indéterminé. La jeune fille et son petit frère semblent vivre une vie normale et heureuse, un tragique accident survient, et tout bascule d’un coup, mais les évolutions apparaissent subrepticement. On découvre peu à peu la violence d’un père, la terreur des enfants, l’emprise dont est victime une mère battue, la noirceur imprimée par le trauma d’enfance jamais traité, le silence de tous. J’ai adoré la personnalité de l’héroïne, que l’on voit se déployer au fil des ans, sa résilience et ses stratégies de résistance. J’ai frissonné avec elle des épreuves qu’elle a dû traverser, j’ai compris son abyssal besoin de reconnaissance et d’amour, j’ai résonné avec sa manière de s’extraire de son quotidien par l’esprit. J’ai tellement été en empathie pour son petit frère … Vraiment, ce court roman est une perle absolue et m’a fait vibrer.

Ce livre est d'une violence inouïe, de celle qui vous tord le bide et vous tire les larmes et pourtant, je l'ai dévoré. Son héroïne, la narratrice, petite fille que l'on suit pendant 4 ans environ, est le témoin et la victime de la folie meurtrière d'un père abominable. Sa mère, soumise, terrifiée et transparente n'est d'aucune aide à ses enfants. Pourtant, cette "grande petite fille" tient, surtout pour l'amour qu'elle porte à son petit frère. Elle est portée par la mission qu'elle s'est donnée de le sauver, non pas des griffes de son père mais du traumatisme d'un accident qui a figé et emprisonné son sourire et ses émotions. Elle est brillante, observatrice, volontaire, incroyablement courageuse et on ne peut qu'aimer et admirer cette gosse pour qui on vibre à chaque page.... j'ai été totalement embarquée. Bouleversant.

Je suis très partagée quant à ce livre. Je me suis surprise à le lire d'une traite, entraînée par le récit de vie de cette jeune fille volontaire et intelligente. L'histoire est sombre, cruelle. Cette gamine de dix ans porte un désir fou de liberté et un oeil critique sur sa famille : une mère soumise, amorphe, un frère qui devient sadique, et un père, une vraie caricature, tyran chez lui, qui ne connaît que la violence. Pour l'aider à survivre, un prof de physique, une voisine New-Age, un couple d'enseignants et sa petite chienne. Bien sûr, l'histoire est glauque, mais elle peut traduire une certaine réalité. Cependant, au moment où cela bascule dans le grand-guignol, j'ai décroché. Cette chasse dans la forêt a été le point de non-retour pour moi. Tout finit dans une apothéose ridicule et invraisemblable. Dommage, le personnage de Monica la voisine aurait pu être plus creusé, ainsi que l'éveil à la sexualité de l'héroïne. J'ai donc refermé ce livre sur une déception.

Dès les premières pages, La vraie vie m’a happée. L’écriture d’Adeline Dieudonné est d’une précision chirurgicale, tendue comme un arc. Pas de fioritures. Chaque mot claque, chaque phrase perce. L’histoire, racontée à hauteur d’enfant, est d’une lucidité glaçante. On y découvre une héroïne qui n’a rien d’une victime passive : elle observe, elle encaisse, elle rêve de modifier le passé. C’est cette tension entre le réel insupportable et l’élan de vie qui m’a bouleversée. Ce roman, c’est la chronique d’une révolte silencieuse. D’une enfance qui se fissure, d’un monde d’adultes absurde, violent, et d’un instinct de survie qui prend toute la place. Impossible de le lâcher. Et encore plus impossible de l’oublier. Un premier roman noir, cruel, mais aussi lumineux par endroits. Une claque. Une vraie.