Les caves du Majestic : Le livre de Georges Simenon

Mon premier Simenon ! Un polar à l'ancienne comme je les aime qui déroule une intrigue dans les règles de l'art. En préambule, je précise que "Les caves du Majestic" a été publié en 1942 donc évidemment avec des yeux de 2025, il y a certains passages qui ont fort mal vieillis. Cela donne une idée de la misogynie ambiante de l'époque : les personnages feminins sont toutes vénales, pénibles voire hystériques ou alors trop "enrobées"! Bref, ceci étant dit, ce qui m'a beaucoup intéressée c'est comment Simenon parvient avec maestria à nous embarquer dans cette enquête feutrée avec des phrases courtes et affûtées. Je suis toujours fascinée par les auteurs qui parviennent à nous plonger très vite dans une ambiance particulière avec si peu de mot. On suit donc le commissaire Maigret dans les entrailles du palace Le Majestic où une femme a été étranglée. Très vite les soupçons se portent sur un cafetier qui ne sort quasi jamais des sous-sols du palace.... Le contraste entre les phrases "cut" et le flegme de Maigret fonctionne très bien et donne un faux rythme qui m'a fait penser à celui des séries anglaises (que jadore). Derrière le polar, une critique sociétale s'installe fustigeant les inégalités entre les classes sociales. Les employés coincés au sous-sol, le traitement de faveur accordé au riche mari de la victime, etc. Et le plus important : je n'ai pas deviné le/la coupable avant le dénouement !

2 univers qui ne croisent pas, celui d'un haut, des étages,celui des riches clients de cet hôtel de luxe et celui du petit monde qui les sert, en bas, au dessous ou derrière des portes que l'on ne voit pas, qu'on ne doit pas voir. Maigret passe de l'un à l'autre par les portes cachées, par des escaliers dérobés, traverse les frontières et observe ; mais bientôt, le juge d'instruction ne le pense pas assez distingué, pas assez diplomate et retenu pour mener cette enquête auprès de riches américains. Alors, à lui le petit peuple des serviteurs, concierges, cafetiers et danseur professionnel. L'épouse du richissime américain est retrouvée morte, étranglée dans le vestiaire des employés. Mais qu'allait elle faire "en bas" ? Mauvaise pub pour le grand hôtel. Maigret enquête, suit les gens comme à son habitude, à vélo, en train et en voiture. De Paris à Cannes, d'hôtel de luxe en bar louche, il renifle les mauvaises alliances, les secrets d'alcôve, fouille loin des évidences, suscite les confidences, placide et résolu, sans tenir compte de l'avis du juge qui tente de lui faire entendre raison. Encore un très bon Maigret! Certes, les femmes ne sont jamais à leur avantage sauf cette sainte Mme Maigret...

Les Caves du Majestic, est une intrigue policière qui, en apparence, semble presque banale – un meurtre dans un grand hôtel parisien – mais qui, au fil des pages, se transforme en une véritable radiographie des âmes humaines. Avec Simenon, c’est toujours pareil : on se dit que c’est un polar classique, et puis, patatras, on se retrouve face à des personnages pleins de failles, rongés par leurs secrets, leurs faiblesses. Simenon savait rendre l’atmosphère oppressante avec si peu de mots. On se sent presque prisonnier de ces sous-sols luxueux du Majestic, on entend les murmures, on devine les regards en coin. Maigret, fidèle à lui-même, est là, imperturbable, il observe tout. Il n’est jamais dans l’héroïsme ou dans le spectaculaire, non, il avance lentement, méthodiquement, et à la fin, c’est toujours lui qui gagne. Mais le vrai mystère, ce n’est pas seulement le meurtre, c’est ce qu’il dénude chez les personnages. Sous les apparences, se cachent souvent des histoires bien plus sordides. Ce roman est aussi un portrait sans fard de la bourgeoisie de l’époque. On sent bien que Simenon aime à gratter cette façade de respectabilité pour en révéler les fissures. C’est sombre, c’est humain, et surtout, c’est d’une efficacité redoutable.

Un palace, c'est le luxe et la belle vie. Enfin quand on est client. Parce que pour les employés, c'est moins rigolo. Prosper Donge appartient à cette seconde catégorie, condamnée à passer la journée dans les sous-sols du Majestic. On y retrouve le cadavre d'une Américaine. Enfin, américaine... À y regarder de plus près, elle était entraîneuse dans un bar à hôtesse (pour parler poliment) de Cannes avant de mettre le grappin sur un riche Amerloque. Ce roman nous offre un aperçu de la vie des employés d'un grand hôtel et il présente une particularité. On y voit en effet Maigret frapper l'assassin, ce qui rompt un peu avec les habitudes de ce commissaire qui cherche à comprendre sans juger.