L'OMBRE CHINOISE : Le livre de Georges Simenon

Lire une enquête du commissaire Maigret, c'est avant tout rentrer dans une atmosphère. En quelques phrases, quelques descriptions, on se retrouve propulsé au côté du commissaire penché sur le mort tout frais, point de départ de l'investigation. Et on va en croiser du monde, du beau et du moins beau, du cupide, de l'ingénue, du veule. Maigret s'immerge dans cette ambiance délétère, va jusqu'au bout du misérabilisme pour trouver la vérité qui n'est jamais belle à voir. Très bon opus de Simenon, je recommande.

Place des Vosges à Paris, un industriel est retouvé assassiné dans son bureau, en outre, une forte somme gardée dans son coffre-fort a été dérobée... L'ombre chinoise est un Maigret exemplaire. Le commissaire, à l'image de Simenon écrivant son livre, mêne son enquête sans se presser avec une économie de moyens et d'effets mais avec une efficacité imparable ! Les romans de Simenon que cela soient la série des Maigret ou ses fameux romans durs, présentent souvent des personnages tourmentés, sombres, pas toujours sympathiques mais toujours profondément humains. Nous en avons encore un bel exemple avec Mme Martin, une femme aigrie, littéralement rendue malade par sa cupidité, sa jalousie, sa rancoeur... L'ombre chinoise, est une très belle réussite de Simenon, un roman à conseiller sans hésitation à ses lecteurs comme à toute personne voulant découvrir sa prose.

Le commissaire Maigret, est surement le policier le plus connu de la littérature policière française. Cela s'explique en partie par l'oeuvre prolifique de l'auteur , les multiples diffusions des aventures à la télévision et la qualité d'une partie de ces romans. Une partie, parce que je trouve l'oeuvre très inégale, j'en ai adoré certains et trouvé d'autres sans aucun intérêt . Je n'aime pas le commissaire Maigret , je ne le trouve ni sympathique, ni attendrissant dans ses défauts comme peuvent l'être des personnages tels que Poirot ou Sherlock Holmes. C'est un homme ordinaire, bougon, désagréable avec ses subordonnés, qui aime profondément sa femme, mais d'un amour ordinaire, comme si il appréciait plus le confort qu'elle lui procure que sa compagnie. Je n'aime pas le commissaire Maigret, mais c'est ce côté très terre à terre, très ancré dans le réel qui procure sa force aux récits et rend plus tragiques encore les destinées de ceux qui gravitent autour des morts. Ce roman en particulier , par le nombre de destinées tragiques ou dérisoires qu'il dessine, est un des plus cruel . Aucun des personnages n'est épargné, entrainé dans un destin inexorable, sans que l'on puisse se dire que les choses auraient pu être autres. Pas le plus connu, mais un très grand Simenon

Lire Simenon (ou plus exactement un Maigret par Simenon), ce n'est pas tant se laisser happer par une intrigue policière, relativement secondaire, que se plonger dans l'atmosphère d'une époque révolue. Dans L'Ombre Chinoise, Simenon nous emmène dans le Paris petit bourgeois des années 30. Un paris où se côtoient encore dans un même immeuble des beaux quartiers (place des Vosges) des classes populaires diverses, qui s'épient les unes les autres. Un Paris de grisettes et de faux semblants où les relations familiales sont présentes et souvent pesantes. Dans ce roman, Simenon va comme toujours à l'essentiel. C'est cette absence de gras qui fait la qualité littéraire de l'œuvre, et a permis la quantité. Un roman vite lu, dont le coté poisseux des personnages nous colle à la peau une fois le livre refermé. Et on en redemande...