Maigret : Le livre de Georges Simenon

Chronologiquement, je ne sais pas comment Simenon se débrouillait mais dans cet opus écrit en 1934, Maigret est en retraite du côté d'Orléans. Bien peinard, l'ancien commissaire à lire son journal au coin du feu ou à partir à la pêche. Jusqu'à ce que son neveu, qu'il avait fait rentrer dans la police, débarque en pleine nuit pour solliciter son aide. À partir de là, retour à la capitale et les vieux réflexes reviennent assez vite, heureusement car ses anciens collègues de la police judiciaire ne le voit pas revenir fureter dans leurs affaires d'un très bon œil. Il m'est toujours aussi agréable de retrouver ce Paris des années 30 sous la plume de Georges Simenon, cette ambiance des cafés, des hôtels miteux et du 36 quai des Orfèvres. Une enquête lente, faite de réflexion, Maigret acculé s'en sortira par un coup de bluff. 103 enquêtes à son actif, je suis loin d'en avoir fini avec le fameux commissaire.

Publié en 1934 chez Fayard, cette dix-neuvième enquête clôt la première série des Maigret débutée en 1930. Le commissaire profite d'une retraite bien méritée sur les bords de Loire. Mais, en pleine nuit, il est réveillé par son neveu Philippe Lauer, jeune policier impliqué dans un scandale quand le dealer Pepito Palestrino, qu'il surveillait, est assassiné au « Florida » et que l'inspecteur est aperçu revolver au poing par un témoin. Maigret, pour innocenter son neveu, monte à Paris, en direction de la rue Fontaine, observer la faune qui occupe le « Florida ». En discutant avec Fernande, une prostituée occasionnelle, il soupçonne Romain Cageot et sa bande. Mais comment un retraité peut-il conclure une enquête et mobiliser ses anciens collègues du Quai des Orfèvres ? Chef d'oeuvre de psychologie, ce polar dessine le Montmartre de l'entre guerres, ses maisons closes, ses brasseries, ses salles de jeux, une époque où les rues étaient encombrées par des charrettes tirées par des chevaux, où l'électricité allait prochainement illuminer la villégiature des Maigret, où le téléphone filaire ménageait quelques surprises. Une époque où les condamnés finissaient au bagne.

Dans les années 1970, il y avait une série télévisée dont le personnage était Jules Maigret, interprété par Jean Richard et je n'ai pas du tout accroché. Plus tard j'ai eu l'occasion de lire mes premiers "Simenon" et le personnage de Maigret m'a vraiment séduite. De plus, l'auteur a modelé son personnage sur un authentique policier, le commissaire Guillaume. Jules Maigret est un homme imposant, large d'épaules, à l'allure bourrue, qui prend son temps pour résoudre une enquête. Amateur de blanquette de veau, aimant le vin et les alcools , fumeur de pipe invétéré, il aime humer l'atmosphère, s'imprégner des événements, pour ressentir ses enquêtes. Il étudie la personnalité des différents protagonistes, tout en se fiant à son flair de policier, ou son instinct tout simplement. Jules Maigret nait à Saint Fiacre, fin du 19ème siècle. Son père est régisseur du château de Saint Fiacre et sa mère meurt en couches lorsqu'il a 8 ans. Il part vivre chez une tante où il finit par rester puisque son père meurt à son tour 5 ans plus tard. Jules veut devenir tout d'abord médecin et entreprend des études pendant 2 ou 3 ans. Suite au décès de sa tante, il part pour Paris où un de ses voisins de palier, policier, lui propose de passer le concours afin d'entrer dans la police, ce qu'il fait. Ensuite sa destinée est lancée jusqu'au jour où il devient le commissaire Maigret. Il se marie avec une dame qui devient "Madame Maigret" mais qu'on ne voit jamais et le couple n'a pas d'enfants. Jules Maigret sera le héros de nombreux livres écrits avec succès par Georges Simenon et son personnage bourru est finalement très sympathique. Pour en revenir aux séries télévisées, je trouve que c'est Bruno Kremer qui incarne le mieux ce personnage. Comme dit précédemment je n'aimais pas l'interprétation de Jean Richard et même Jean Gabin, plus près du personnage que Jean Richard, n'obtient pas le même effet réaliste que Bruno Kremer qui est Jules Maigret, dans sa nonchalance, dans son apparence bourrue, dans son calme, dans sa manière de fumer sa pipe ou d'interpeller ses inspecteurs. Dans une précédente critique, j'avais écrit que David Suchet était Hercule Poirot et bien pour moi le défunt Bruno Kremer sera éternellement Jules Maigret.

"D'habitude, vous vous mêlez à la vie des gens ; vous vous occupez davantage de leur mentalité et même de ce qui leur est arrivé vingt auparavant, que d'indices matériel." Voici comment un collègue de Maigret lui résume sa méthode. Et voilà comment Maigret va résoudre une nouvelle énigme pour secourir sa propre famille. Maigret est un Simenon à la tonalité plus policière que d'autres. Peut-être parce qu'il met notre commissaire, fraichement retraité, en lien direct avec la pègre. On sent la tension monter régulièrement dans cette intrigue très "cinégénique" qui se conclut avec une scène d'une originalité incroyable pour un roman écrit en 1939. Maigret est un excellent cru!