Missions spéciales : Le livre de Boris Akounine

Dans ce cinquième volet de son épatant roman-feuilleton, Boris-Akounine propose deux épisodes fort différents qui forment une suite très réussie. Eraste Pétrovitch Fandorine est à présent conseiller aulique, chargé des Missions spéciales auprès du général gouverneur de la ville de Moscou, le prince Dolgouroukoï. Et Il a un nouvel assistant, au physique ingrat, le jeune et sympathique Anissi Pitirimovitch Tioulpanov en plus du très efficace japonais Massa. Dans le premier épisode Eraste vit avec Ariadna Arkadenia une comtesse mariée haute en couleurs. Dans le second il est en ménage avec la douce et dévouée Angelina... Il n'est nul besoin d'avoir lu les épisodes précédents pour comprendre les deux nouvelles. Comme dans chaque Fandorine, l'histoire est très bien contée et se lit d'une traite. Et puis elle est truffée de pastiches, d'allusions littéraires et de clins d'oeil au lecteur. Le Valet de pique se déroule à Moscou en 1886, principalement pendant la semaine festive de Maslenitsa (fête du gras et carnaval) . La nouvelle est légère et pétillante comme du Champagne. Eraste est aux prises avec Momos, un escroc fort sympathique aux faux airs d'Arsène Lupin. le titre fait clairement référence au Sept de coeur de Maurice Leblanc croisé avec la Dame de pique de Pouchkine. La nouvelle est racontée du point de vue du jeune assistant Anissi Tioulpanov (Tulipe) qui en pince pour Mimi (l'acolyte de Momos) puis de l'escroc lui-même qui tourne en bourrique le bon Eraste et sa riche comtesse. le Valet de Pique est un escroc raffiné qui a escroqué des milliers de roubles aux riches habitants de Moscou, dont le propre patron de Fandorine, le prince Dolgoroukoï, en personne. Pour l'attraper, Fandorine et Anissi, doivent revêtir presque autant de déguisements que l'escroc lui-même. La fin est excellente avec une dernière pirouette de l'escroc. Changement de ton et d'atmosphère dans l'épisode suivant. le Décorateur se situe trois ans plus tard en 1889. Des crimes similaires s'enchaînent dans les bas-fonds moscovites au moment même où sa Majesté Impériale doit séjourner dans l'ancienne capitale. le maniaque démembre et dépèce au scalpel les organes de ses victimes, des femmes de petite vertu, pour les purifier. Lors d'une réunion officielle Fandorine qui rentre d'Angleterre évoque la figure de Jack L'Eventreur… « Le Décorateur » est principalement raconté du point de vue du jeune Anissi Tioulpanov, avec des sections en italiques inspirés par l'esprit du maniaque. La nouvelle est crépusculaire. Elle se déroule dans les ruelles sombres, les cimetières et dans la salle du médecin légiste où les organes des victimes sont exposés au regard comme un décor de théâtre. La nouvelle ressemble à un thriller moderne mais situé dans l'aristocratie russe décadente en totale déliquescence. Les mises en scène macabres, le portrait psychologique du tueur, les tentatives pour comprendre ses motivations sont très modernes mais l'atmosphère est fin de siècle avec un Fandorine dépassé par les terribles événements qu'il a contribué à provoquer. La fin est très émouvante. A suivre...

Peut-être le meilleur Fandorine ! J'aime toujours autant le style russe de l'auteur. Les 2 histoires sont excellentes et très différentes, l'une plus noire et l'autre plus amusante. L'auteur ne ménage pas son héros qui a maintenant de tempes grisonnantes ses amis non plus d'ailleurs....