Phèdre : Le livre de Jean Racine

Phèdre est pour moi LA tragédie des tragédies avec le Cid (et Cinna aussi). Phèdre reste au-dessus parce que... et bien c'est Phèdre. Cette femme qui se consume secrètement pour son beau-fils serait-elle une cougar avant l'heure ? Blasphème quand tu rôdes dans mes parages... Blague à part l'écriture est absolument parfaite, exquise, ciselée, pure. Tout est juste dans cette pièce. Un moment de lecture ou l'on sent planer les muses qui ont inspiré J. Racine. C'est beau, c'est profond, c'est implacable et absolument indémodable. Ou comment l’on peut explorer l'âme humaine, ses lumières et sa noirceur. Phèdre c'est la maîtrise absolue de tout à commencer par l'écriture.

Un classique à lire ou à voir, on notera le bel équilibre de l'alexandrin de Racine et la profondeur psychologique des personnages, Phèdre et son amour coupable, sa servante si clairvoyante, Œnone... Je ne l'ai jamais vue représentée, malheureusement.

"Phèdre", tragédie en cinq actes écrite en alexandrins par Jean Racine et représentée pour la première fois en 1677, est l’une des œuvres majeures du théâtre classique français. Inspirée de la tragédie grecque Hippolyte d’Euripide, elle réunit tous les ingrédients du théâtre racinien : passion destructrice, langage épuré, tension dramatique intérieure et fatalité écrasante. L’intrigue repose sur un amour interdit et dévastateur : Phèdre, épouse de Thésée, se consume de désir pour son beau-fils Hippolyte. Ce sentiment, qu’elle réprouve mais qu’elle ne peut taire, l’entraîne dans une spirale de mensonges, de culpabilité et de souffrance. À la rumeur de la mort de Thésée, Phèdre laisse éclater sa passion, mais le retour inattendu du roi précipite le drame. La tragédie se noue autour d’un malentendu fatal et de la manipulation d’Œnone, nourrice de Phèdre, qui pousse sa maîtresse au mensonge. Ce n’est qu’au terme de l’histoire que la vérité éclate, trop tard pour réparer les ravages. Ce qui fait la force de "Phèdre", c’est l’intensité psychologique des personnages, et en premier lieu celle de l’héroïne. Phèdre est un personnage complexe, déchiré entre le devoir moral, la honte, la passion irrésistible et le besoin de vérité. Elle incarne la tragédie de l’être humain confronté à ses pulsions et à la loi, à la fois divine et sociale. Son combat intérieur, sa culpabilité et sa quête de rédemption donnent à la pièce une profondeur morale saisissante. Hippolyte, quant à lui, incarne la droiture, la réserve et l’honneur, mais il se trouve lui aussi pris au piège d’une mécanique tragique qui le dépasse. Thésée, le père autoritaire, agit sous l’emprise de la colère et de la jalousie, sans avoir toutes les clés en main, ce qui accentue le sentiment d’injustice qui règne dans la pièce. Le style de Racine est d’une limpidité remarquable. L’alexandrin classique y est porté à son apogée : concis, rythmé, musical, il transmet avec puissance les tourments intérieurs de chaque personnage. La langue, sobre et maîtrisée, crée une tension continue. Les émotions, bien que contenues dans la structure rigide du vers, sont d’autant plus intenses qu’elles sont exprimées avec retenue. Racine montre ici son génie : celui de faire ressentir l’inexprimable avec une économie de moyens remarquable. "Phèdre" pose aussi des questions fondamentales sur la condition humaine. Le poids de la fatalité, la lutte entre raison et passion, l’impossibilité de fuir sa nature, sont autant de thèmes universels qui traversent la pièce. On sent l’influence du jansénisme dans cette vision pessimiste de l’être humain en proie au péché, incapable de s’en libérer seul. Mais l’œuvre est aussi profondément moderne dans son exploration des mécanismes psychiques : le refoulement, le désir inavouable, la parole libératrice ou destructrice. En somme, "Phèdre" est une tragédie exemplaire, tant sur le plan littéraire que moral. Racine y développe une dramaturgie sobre mais implacable, centrée sur l’intime, sur les conflits intérieurs plus que sur l’action extérieure. La beauté du texte, l’universalité des thèmes, la construction rigoureuse et la profondeur des personnages font de cette œuvre un sommet du théâtre classique, qui continue d’émouvoir et de faire réfléchir les lecteurs et les spectateurs d’aujourd’hui.

Un drame intense porté par la beauté du vers Avec Phèdre, Racine nous plonge dans une tragédie où la passion devient poison, où les mots claquent comme des coups de tonnerre dans le silence des cœurs brisés. Comme souvent avec Racine, il faut un petit temps d’adaptation pour entrer dans le rythme des alexandrins, mais une fois la musicalité apprivoisée, la lecture devient étonnamment fluide. Les vers coulent avec une précision redoutable, chaque mot pesé, chaque silence chargé de tension. Phèdre est un personnage fascinant, à la fois victime et bourreau, consumée par un amour interdit qu’elle ne parvient ni à fuir ni à taire. La tragédie se joue en huis clos, dans les remous de l’âme, et c’est ce qui fait la force du texte : pas de grandes batailles, mais des guerres intérieures qui déchirent. On ressort de cette lecture secoué par la puissance des émotions, impressionné par la maîtrise du langage, et avec l’étrange sensation d’avoir assisté à quelque chose de grand, de classique et pourtant intemporel. Un drame à redécouvrir, surtout si on n’a pas peur de se laisser porter par la poésie du désespoir.