Seules les vignes : Le livre de Lolita Sene

Ce roman est court, seulement quatre chapitres, mais ils en disent bien plus que les mots écrits. Chaque chapitre donne tour à tour la parole au couple que forment Antoine et Nathalie, à leur passé et à ce qui les a amenés à devenir vignerons. Un autre chapitre est consacré à un personnage connu du couple, appelé "Le Jeune". Lui aussi exerce la même profession qu’Antoine et Nathalie, mais sa situation est plus fragile. Enfin, le dernier chapitre parle de la vigne, comme si elle s’exprimait pour décrire son environnement. Dans les différents chapitres, on sent la dureté du métier, que ce soit lié aux aléas climatiques ou aux conditions de travail. La question de l’argent est omniprésente dans le texte, car on comprend bien que c’est un métier où les contraintes financières sont constantes. Malgré la production de vin, il faut aussi gérer tout le quotidien de l’exploitation. C’est un roman qui nous en apprend un peu plus sur ce milieu très méconnu. On connaît généralement les problématiques des agriculteurs, mais celles des vignerons s’en rapprochent fortement.

J'ai terminé au début du mois de janvier "Seules les vignes" de Lolita Sene, mon premier livre de l'autrice que j'ai adoré ! Elle emploie un vocabulaire riche qui nous fait ressentir l'âpreté, autant des raisins qui croquent sous les dents que de la vie des paysans. On commence au printemps, avec Arnaud, qui a décidé de vivre cette vie tournant autour des changements de la météo et de la modification du pH avant de poursuivre en été avec sa femme qui stresse tout autant de l'humeur fluctuante de son mari que des saisonniers qui envahissent un peu trop sa maison. En automne, c'est "le jeune" qui nous donnera son point de vue, et en hiver la vigne nous parlera des paysans qui vont et qui viennent… J'ai bien aimé cette lecture, très rapide, qui nous plonge vraiment au cœur de cet univers difficile, entre euphorie et dépression et qui nous fait enfiler d'autre bottes que les nôtres...

Les femmes qui grisent sont dangereuses. « Seules les vignes » : plus délectable qu’une étude sociologique, plus efficace qu’un discours technocratique et très éloigné des rêves de dégustations sur papier glacé. Lolita Sene, écrivain vigneronne ou vigneronne écrivain, met en scène les héros quotidiens de la vigne dans le Sud-Est de la France et, au-delà, adresse un fraternel salut à la condition paysanne. Après « Un été chez Jida », déjà édité au Cherche-Midi et sélection du grand site d’actualité littéraire Mare Nostrum, elle signe son deuxième roman à l’écriture aussi puissante que le vin naturel qu’elle produit autour de Rochefort-du-Gard. Une vraie fête du vocabulaire. Savez-vous faire « la différence entre un sarment et un courson, un rouleau Faca et un griffon, une barrique et un foudre » ? Le foisonnement de mots techniques, oubliés ou ignorés mais toujours gouleyants glisse entre les pages des senteurs de thym et des arômes de vin fait. A l’évocation du climat, parfois rude, les lecteurs de l’Uzège et du Gard reconnaîtront leur territoire et son évolution, au-delà même de celle de la vigne. Les autres se prendront aussi à aimer le récit, étendu sur les quatre saisons, de l’affrontement physique et mental de deux vignerons, l’un aguerri, l’autre plus jeune, entre l’homme et la terre. Sous le clavier de Lolita Sene, comme naguère sous la plume de Giono, cette tragédie revêt une dimension universelle. L’écriture, alerte, vigoureuse, épamprée se mue parfois en prose libre pour rompre la cadence et nous faire mieux entendre le vrai parler. Mais oui, main à la plume vaut main au sécateur !

C’est l’histoire d’Arnaud, Nathalie, Le jeune et bien d’autres. Tous ceux qui vivent de la terre, qui scrutent le ciel et qui frissonnent devant Dame Nature. Tous ceux qui se battent chaque jour pour que le prochain soit plus clair, plus doux, plus rassurant. Tous ceux qui survivent dans nos campagnes, qu’ils aient ou non choisi d’être là, au cœur de leurs vignes… Seules les vignes de Lolita Sene est un roman touchant sur deux couples, mais aussi sur le monde des viticulteurs. Exerçant elle-même ce métier, on sent toute la tendresse et les difficultés quotidiennes que demandent ce travail. Arnaud était prof et a choisi de vivre de la vigne. Il exerce au Clos de la Chouette. Aguerri, il sait que sa terre ne reviendra pas à ses enfants, qui ont choisi d’autres chemins. Nathalie, son épouse, est à ses côtés. Elle non plus n’était pas du métier, mais elle se bat vaillamment pour que chaque jour soit plus léger que le précédent. Et puis il y a Le jeune, qui appelle chaque jour, pour ne pas sombrer devant toute cette pluie et ce mildiou. Avec une écriture fine, les paragraphes courts donnent du rythme au récit, à l’image peut-être de tout ce qui passe dans la tête de ces vignerons. Pour anticiper, pour affronter, pour tomber et se relever…