Un été chez Jida : Le livre de Lolita Sene
Enfant, Esther passe ses vacances chez sa grand-mère Jida, regard intimidant et canines en or, dont le pavillon modeste, une fois la porte fermée, transporte en Kabylie. Les chants, les odeurs, la cuisine, les danses, les traditions... Tout rappelle le pays d'où la famille a émigré, après la guerre d'Algérie, en passant par des camps de réfugiés. Il y a du monde, une agitation permanente. Esther évolue au milieu de ses tantes, ses oncles, ses cousins, ses cousines.
Et parmi eux, il y a Ziri. Le fils chéri de Jida, qui aime trop les enfants.
Régulièrement, Ziri demande à Esther d'aller l'attendre dans une chambre à l'étage. Elle se demande si personne ne se rend vraiment compte de rien. Comme elle se demande, plus grande, pourquoi sa grand-mère et une partie de la famille s'évertuent à protéger cet homme qui lui a fait tant de mal.
Un été chez Jida raconte une famille de harkis, son héritage d'une richesse profuse et d'une violence terrible. Il raconte aussi l'obstination poignante d'une jeune femme à faire entendre sa voix, se battre contre des mœurs archaïques délétères et tenter de se réapproprier sa culture.
" Il s'agit, surtout, point aveugle au milieu de ce chatoiement, de dire
la douleur d'être une femme dans un monde où la religion et les moeurs imposent un secret ravageur. Dans sa grâce et sa brutalité,
Un été chez Jida est le beau roman d'une mémoire en morceaux."
Le Monde des livres
De (auteur) : Lolita Sene
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
michel.carlier15
• Il y a 2 jours
Un été chez Jida , ou la difficulté de s'exprimer sur des agressions sexuelles à répétition , quand la tradition familiale impose le silence . La victime doit garder pour elle l'humiliation , la honte et la douleur , il ne faut pas nuire à l'image de la famille , encore plus si cette image est déjà ternie . On pourrait dire : c'est une culture patriarcale propre à l'Afrique du Nord (l'histoire se déroule d'abord en Algérie) , mais c'est une constante dans toutes les sociétés : la victime doit se taire , et ce n'est pas la police qui va l'aider , surtout s'il y a prescription pour le viol . Il s'agit d'inceste , c'est un oncle qui viole sa nièce de huit ans . Tout le monde ferme les yeux , y compris la grand-mère , Jida , chez laquelle se produisent les faits . "Tout le monde le savait . Personne n'a rien dit" . Ce n'est pas le viol et les attouchements sexuels qui intéressent l'autrice , c'est le silence de la famille , une sorte d'omerta pour cacher des actes ignobles . Encore heureux qu'on n'accuse pas la victime d'avoir séduit son oncle , qu'il a été quasi forcé de passer à l'acte . Elle n'est hélas pas la seule à avoir subi les assiduités de l'oncle , sa cousine Esther finit par porter plainte , bien des années plus tard . C'est ce silence de la famille qui est insupportable : quand on referme ce premier roman , on en a gros sur la patate , non seulement pour l'ignominie et l'impunité du violeur , mais surtout sur l'aveuglement de la famille qui n'a rien voulu voir , rien voulu savoir . Lu dans le cadre des 68 premières fois .
hcdahlem
• Il y a 1 semaine
L’été qui broie l’enfance Dans son premier roman, Lolita Sene explore la difficulté de briser le silence après une agression sexuelle. Par son écriture sensible, elle interroge les traditions, le patriarcat et la mémoire blessée avec une ferme volonté d’émancipation. Dans la grande maison de Jida, quelque part dans le sud, chaque été ramène le même cortège : les rires, les enfants, les plats qui mijotent, les voix en kabyle, l’odeur du henné et celle du couscous. Une maison bruyante, pleine de gestes, de pudeur, de fatigue aussi. C’est là qu’Esther, huit ans, passe ses vacances, entourée de ses cousines, de ses oncles, de cette grand-mère aux canines dorées qui règne sur le foyer comme un pilier de l’ancien monde. Tout semble à sa place. À sa juste place. Jusqu’à ce qu’un appel retentisse, presque anodin : « Viens dans la chambre, Esther. » Il ne faudra que quelques pages à Lolita Sene pour faire basculer son roman, sans crier gare, dans une autre temporalité. Celle de la mémoire, de la honte, du silence. Sans effet de manche, sans grandes phrases, elle installe une tension sourde, insoutenable. Entre l’oncle et sa nièce, cette visite n’a rien d’un jeu : « Ma bouche s’assèche, il caresse mes cuisses, mon ventre – ses doigts glissent à l’intérieur, s’y éclatent en brisures et en silence. Le noir m’enveloppe. Je ne vois plus rien. J’aimerais mordre sa main pour qu’il la retire, mais je reste crispée sur le drap. » Ce n’est qu’à l’âge adulte que la narratrice peut tenter de comprendre ce qui s’est tu si longtemps. « Tout le monde le savait. Personne n’a rien dit. » La phrase revient, comme une scansion, une ritournelle de plomb. Ce qu’Esther a subi, on ne le saura jamais tout à fait. Ce n’est pas le sujet. Le cœur du livre, c’est le silence des autres, l’enfouissement, l’arrangement collectif avec la vérité. La petite fille qui apprend qu’il ne faut pas faire de vagues et qui enterre ce qu’elle a subi au plus profond, là où ça fait mal, là où ça ne se dit pas. Et l’été se poursuit, comme si de rien n’était, dans les rires, les chants, les repas. L’odeur du khobz mêlée à celle de la peur. La force du récit tient dans la manière dont Lolita Sene restitue la langue de l’enfance, ses sensations, ses incompréhensions, ses intuitions fulgurantes. Ce faisant, elle nous offre un contraste saisissant avec la partition que jouent les adultes : la grand-mère qui protège son fils adoré, les mères occupées à nourrir, les cousines qui se taisent. Personne ne voit, ou fait mine de ne pas voir. C’est peut-être cela, le plus insupportable. Jida, la matriarche, incarne l’aveuglement volontaire, l’ordre ancien, la loi du silence. Esther, elle, finit par parler. Tard, bien plus tard. C’est peu, mais c’est déjà beaucoup. Car l’écriture de Lolita Sene devient alors une lame. On pense à Annie Ernaux pour cette manière de dire sans expliquer. À Kaouther Adimi pour la question des racines. Mais Lolita Sene n’imite personne. Elle a sa propre voix, sèche, précise, presque chirurgicale. Elle n’accuse pas. Elle expose. Et dans cette exposition nue, quelque chose se joue : une libération ? une réparation ? Le mot serait trop fort. Disons plutôt une tentative d’élucidation. Dans un geste littéraire sobre et courageux, elle délie la mémoire, sans pathos ni démonstration. Elle montre comment une famille peut fabriquer du silence, même sans méchanceté, par habitude, par loyauté, par refus de voir. On referme le livre avec une boule dans la gorge, car la résilience ne saura pas recouvrir la souffrance endurée. NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
Martine26
• Il y a 1 semaine
C'est l'histoire d'Esther qui va passer l'été de ses 9 ans chez sa grand-mère maternelle, Jida. De ce court séjour, la fillette va ramener l'incompréhension, la sidération, l'oubli impossible et la force d'aller au bout de sa démarche, la seule qui lui permettra d'exister enfin. Esther est la fille de Leyla, elle-même une des neuf enfants de Jida et de Mohand, Kabyles, harkis ayant connu l'exil, l'accueil en baraquements en 1962, après la guerre d'Algérie, leur pays quitté en catastrophe. Bien qu'omniprésents, ce passé, cette culture, ce lourd héritage ne constituent pas le seul poids avec lequel Esther doit grandir. Celui qui l'étouffe, l'écrase, l'engloutit est bien pire encore. Sa seule "faute" ayant été d'être une fillette gaie, enjouée, à la beauté singulière, contrainte d'obéir à Ziri, cet oncle charmeur, dernier-né de Jida, petit protégé de la famille qui aime beaucoup trop les enfants et a fait jurer à Esther de garder secret ce qui se passe à l'étage, là où pourtant elle ne doit pas aller. Cette histoire, c'est celle d'une famille, de ses souffrances, de ses révoltes, de ses croyances, victime d'une tradition qu'on voudrait croire oubliée et qui continue néanmoins de peser sur la vie de ceux qui l'entretiennent, même malgré eux. Au cours de cette lecture, faite dans le cadre des 68 premières fois, j'en ai voulu à Jida, à Leyla, à toutes celles et ceux qui savaient et n'ont rien fait, encore moins dit. Parce qu'on ne touche pas au fils, au frère, à l'homme, même s'il se révèle le plus abject. Et, paradoxalement, plus j'avançais dans ce récit signé Lolita Sene, plus je comprenais. A mon corps défendant, en dépit de tout ce que je peux penser. C'est là, il me semble, que se trouve toute la beauté de ce roman, la sensibilité qu'y a glissé Lolita Sene, sa dureté, son cynisme et, en même temps, son acceptation, ce constat, toute la difficulté à ne pas juger trop vite mais à essayer de comprendre. Pas simple mais essentiel.
ANNIE94
• Il y a 1 semaine
Ce premier roman COUP DE COEUR explore avec finesse les blessures et les silences familiaux. Esther passe ses vacances chez sa grand-mère Jida. Lolita Sene dépeint avec minutie les scènes de la vie quotidienne, les chants, les odeurs, les danses, les traditions, toute la richesse culturelle de la Kabylie. L'écriture de Lolita Sene est très précise et exprime des émotions complexes avec une grande justesse. Elle aborde des sujets très difficiles, les abus sexuels, le silence familial, mettant en lumière les conséquences dévastatrices de ce silence imposé aux victimes. Le récit est construit autour de la voix d'Esther qui raconte ses souvenirs avec une sincérité bouleversante. D'autres thèmes sont explorés : l'identité, la mémoire, les difficultés des familles issues de l'immigration, la complexité des héritages culturels. Livre difficile à lâcher, lu pratiquement d'une traite, je recommande vivement.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Français
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- EAN
- 9782749177960
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- Collection ou Série
- Littérature Française
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 176
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- Dimensions
- 215 x 145 mm
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18,50 € Grand format 176 pages