Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon : Le livre de Jean-Paul Dubois, Jacques Gamblin

Mais oui, il y a des prix Goncourt qui sont mérités ! Et même amplement ! Quel bonheur de découvrir cette histoire à nulle autre pareille avec ces personnages qui paraissent tout droit sortis d'un roman de John Irving et restent en même temps fidèles à l'univers de l'auteur avec ses prénoms récurrents (Paul, Anna), les références à sa ville natale de Toulouse, la place dans le foyer des animaux familiers. Au début du livre, on est bien loin de la ville rose, puisque le malheureux héros Paul Hansen, croupit dans une glaciale prison québécoise partageant sa cellule avec un biker violent qui inspire une salutaire terreur à ceux qui le croisent. Au fil des mois de détention qui se succèdent, Paul Hansen va tromper l'ennui et la solitude en évoquant sa vie passée et ceux qui lui furent tellement chers qu'ils semblent l'accompagner au quotidien. Fils d'un pasteur protestant danois et d'une méridionale chaleureuse exploitant un cinéma d'art et d'essai, il grandit à Toulouse et ses souvenirs font revivre toute une époque avec les bouleversements de Mai 1968, la libéralisation des moeurs dans la vie et dans le cinéma. Alternant ses souvenirs avec le récit qu'il nous fait de sa vie carcérale, le héros nous conduit au Canada sur les traces de son père devenu pasteur dans une petite ville minière désolée, puis à Montréal où il passe 26 ans de sa vie en tant que gestionnaire et homme à tout faire d'une copropriété huppée. Jean-Paul Dubois sait parler avec lyrisme d'une nature sauvage et inviolée que son personnage découvre à bord d'un avion-taxi piloté par son épouse bien aimée mais aussi de la chienne Nouk avec une tendresse inouie. Voila peut-être pour quoi j'aime tant Jean-Paul Dubois, c'est qu'il est vraiment "un homme à chiens " un de ceux qui les aime, les respecte et en parle avec tant de justesse. Ce n'est qu'à la fin du roman que l'on finit par apprendre pourquoi le gentil Paul Hanses s'est retrouvé en prison... Au fil des pages , on a aussi appris à voir son co-détenu d'une autre manière et j'ai refermé ce livre avec le sentiment comblé d'une magnifique rencontre littéraire avec un auteur dont l'écriture ciselée est souvent traversée de touches ironiques mais surtout d'une formidable bienveillance qui restaure la confiance (écornée ?) en la nature humaine .

Au commencement… Paul Hansen est un homme ordinaire, qui partage une cellule de prison avec Patrick Horton, lequel est accusé d’avoir participé au meurtre d’un Hells Angel. Outre certains aspects de la cohabitation carcérale, le lecteur découvre, en rétroactes, l’histoire de Paul Hansen : sa relation avec son père (pasteur danois marié à une productrice de films pornographiques), sa vie passionnante d’ « homme à tout faire » au sein d’un immeuble résidentiel, ainsi que l’origine de son incarcération. Ce que j’en retiens... J’ai découvert l’auteur, avec enthousiasme, à travers la lecture de son roman le cas Sneijder (2011). Un enthousiasme un peu moins marqué lors de cette lecture. J’ai apprécié globalement, je me suis attaché au personnage ainsi qu’à son père pasteur, j’ai aimé l’atmosphère mélancolique, l’esprit d’humanité et de tolérance qui traverse l’œuvre (ainsi que son titre), mais je me suis régulièrement senti perdu lors de multiples digressions. Une citation soulignée... « Cette manière si simple et tellement nordique qu’il avait de vous faire ressentir que tout ce qui nous entoure n’est que vie, que chaque chose a son sens et son prix, et qu’il suffit de prêter son attention et son regard pour comprendre que nous faisons tous partie d’une gigantesque symphonie qui, chaque matin, dans une étincelante cacophonie, improvise sa survie ». Autour du roman… Prix Goncourt 2019.

Encore une fois un auteur qui aura su faire montre de sincérité et de simplicité dans l'art de nous conter. L'intrigue se dévoile de manière très classique, au fil des pages, pour nous donner à comprendre, ni trop vite ni trop lentement. Mais là n'est pas l'intérêt de ce livre. Il me semble que l'histoire est avant tout un habile prétexte pour aborder les grands thèmes de la vie que sont, la mort, le temps qui passe et nous file entre les doigts, ou encore l'Amour. L'Amour entier, inconditionnel, sous ses diverses formes. L'amour pour cette femme remarquable. L'amour de la nature ou celui porté à l'animal de compagnie. L'amour pour un père. Et de manière plus universelle l'aptitude à aimer à travers la bienveillance (le personnage d'Horton est si attachant), mais aussi à travers le temps. Force magique qui fait toujours vivre nos disparus! C'est plein d'attention de discrétion, de respect porté à autrui. L'humour est présent aussi !! Bref, un régal. Vous vous surprendrez à ralentir votre lecture pour en profiter plus longuement.

Le thème m’intéressait (prison, parcours de vie), mais les longueurs descriptives sur la vie d’avant, la présentation tardive des « morts » évoqués dès le début dans un suspens qui n’apporte pas grand chose, m’ont perdue à plusieurs reprises. La fin reste plutôt agréable, davantage dynamique et source d’émotions, mais finalement en refermant le livre, j’en viens même à me demander ce qu’apporte tout ce parallèle passé/présent, avec le sentiment que c’est bien peu de chose. Un livre de mes vacances que j’ai trainé à finir.