Un furieux silence : Le livre de Charlotte Dordor

Le passé éclaire le présent. Cette maxime pourrait résumer à elle seule l’essence du dernier livre « Un furieux silence » de Charlotte Dordor, où les fantômes du passé hantent les personnages et façonnent leurs vies, parfois de manière invisible… mais toujours tragique. Paul, un homme d’une cinquantaine d’années, est un père dont les enfants lui échappent. Emilia, sa fille adolescente, souffre d’anorexie, tandis que son fils Léonard, plus jeune, est encore dans l’ombre de ce lourd héritage familial. Après une violente dispute qui l’a contraint à quitter La Boissonnière, la grande maison familiale, Paul revient pour la première fois en trente ans. Il y vient non seulement pour la vendre, mais aussi pour affronter les souvenirs enfouis qui le lient à son passé. En écoutant les voix de ses frères et sœurs, d’Huguette la domestique et des autres membres de la famille, il tentera de comprendre pourquoi ses parents ont été si distants et pourquoi, finalement, les apparences d’une vie bourgeoise parfaite ont masqué tant de douleurs. Charlotte Dordor nous livre ici un roman choral captivant et poignant, qui s’ancre dans l’intimité d’une famille bourgeoise en proie à des secrets de plus en plus lourds à porter. À travers les voix multiples des personnages — les enfants et la gouvernante Huguette — l’auteure parvient à plonger le lecteur dans une atmosphère étouffante, où les non-dits et les ressentiments s’accumulent pour aboutir à une révélation finale aussi frappante qu’inéluctable. Le récit prend son origine dans la maison familiale, La Boissonnière, où Paul, le fils prodigue, revient après des années d’absence. Ce retour aux racines ravive de douloureux souvenirs d’une enfance marquée par l’absence émotionnelle d’un père autoritaire et une mère déconnectée, laissant les enfants à la merci de leurs bonnes et de leurs traumatismes. La diversité des voix qui se succèdent - celle de Paul, de sa sœur Françoise, de son frère Henri et d’Huguette - est particulièrement appréciable : chaque personnage ayant une personnalité propre et des perceptions distinctes qui font la richesse du récit. Pour autant, la dimension chorale du récrit est parfois maladroite et a tendance à se perdre dans des répétitions qui alourdissent le texte. Certaines voix, notamment celle de Paul, reviennent fréquemment sur les mêmes réflexions, ce qui nuit au final à l'intensité de l'intrigue. Si la tension monte progressivement pour mener à une révélation finale marquante, le rythme du récit pâtit parfois d'une certaine longueur. Une réduction de cent pages aurait permis d'épurer le texte et d'accentuer la force du message. De plus, si l'alternance des voix est habile, le mélange des époques et des points de vue peut se révéler quelque peu déroutant à certains moments, ce qui crée un léger malaise dans la lecture. Malgré ces bémols, « Un Furieux Silence » est un roman à la fois profond et bouleversant, qui saura toucher les amateurs de récits familiaux, de secrets enfouis et de tragédies silencieuses. Le talent de Charlotte Dordor pour créer une atmosphère oppressante et pour interroger les dynamiques familiales est indéniable. Un roman choral intense, riche en émotions et en secrets familiaux. Diablement efficace malgré quelques longueur et certaines répétitions qui nuisent à l’impact du récit.

J'ai beaucoup aimé le style d'écriture et le sujet des secrets de famille (que j'adore). C'était simple mais dynamique grâce aux différents narrateurs/POV. En fait, j'ai vraiment retrouvé le principe de juste "raconter une histoire", c'était pas un truc métaphysique, ni un exercice de style. En revanche, j'ai trouvé que les derniers 15-20% du livre tiraient en longueur une conclusion évidente. Ca reste un bon moment de lecture.