Un pays de fantômes : Le livre de Margaret Killjoy

S’il n’est pas un coup de cœur, « Un pays de fantômes » de Margaret Killjoy n’en demeure pas moins un roman de fantasy plutôt atypique et très intéressant. Dotée d’une plume sobre allant tout droit à l’essentiel, l’autrice centre son histoire autour de son personnage principal, un jeune journaliste nommé Dimos Horacki, originaire d’un empire expansionniste et de son périple en territoire ennemi peuplé d’anarchistes. Je n’ai pas le bagage nécessaire pour débattre de l’une et de l’autre de ces deux notions (colonisation et anarchie) et mis à part affirmer mon opposition absolue à toute oppression d’un peuple par un autre, je ne vous dirais pas grand-chose. Pourtant, grâce à Dimos Horacki, nous allons découvrir une façon de vivre pour le moins déconcertante qui va bouleverser ses convictions… et pourquoi pas les nôtres. Mais le roman ne se résume pas non plus à un voyage-découvertes, surtout lorsqu’une guerre se profile à l’horizon. Dimos ainsi que ses compagnons de route auront donc fort à faire pour fédérer les habitants de Hron contre l’envahisseur. Petite précision qui peut avoir son importance pour certains, à savoir que Dimos Horacki est homosexuel. Cependant, si vous achetez ce roman pour ce seul détail et ce qu’il peut impliquer en terme de luttes, de revendications ou de piment (hum, j’avoue que ce fût un peu mon cas), vous risquez d’être déçu. Dimos préfère les hommes ? OK, mais aucune raison d'en faire tout un plat a dû penser Margaret Killjoy en écrivant son histoire avec toute la simplicité et la sérénité nécessaire. Et tout comme dans ma critique de la série « Polar Park », j’aime ce sentiment de normalité qui, malgré les obstacles encore nombreux dans nos propres sociétés, gagne tout doucement du terrain. Passons maintenant à la raison pour laquelle ce roman n’est pas un coup de cœur. Je trouve que tout à sa volonté de nous faire découvrir un monde anarchique idéal, l’autrice en oublie de nous faire vibrer avec ses personnages. En plus de Dimos Horacki, certains d’entre eux sortent du lot, mais la plume tout en sobriété et en retenue de l’autrice les a dépourvues de cette petite touche d’humanité essentielle à mes yeux. Je ne dis pas que le texte m’a laissée froide, mais les émotions n’étaient pas forcément au rendez-vous. Pour conclure : « Un pays de fantômes » fait figure de voyage initiatique avec ses aventures et ses drames parfois brutaux et cruels, mais avec une tonalité un peu trop froide à mon goût. Il n’en demeure pas moins un livre que je conseille à ceux qui veulent découvrir une fantasy intelligente et qui n’hésite pas à sortir des sentiers battus. De mon côté, je suis curieuse de savoir si le ton donné est propre à ce roman ou révélateur du style de l’autrice. Il ne me reste donc plus qu’à tenter un autre ouvrage pour répondre à ma question, ce que je ferai avec plaisir. Bonne lecture.

#x1f434 Points positifs : je suis contente d'avoir pu percevoir une autre façon de s'organiser, l'anarchie n'est clairement pas ce que l'on tente de nous faire croire... j'ai aimé la liberté qui émane de ces sociétés mais aussi le sens de la solidarité et de la responsabilité vis à vis des autres. Malgré un récit succin, l'autrice arrive à planter le décor rapidement et à nous entraîner dans la découverte de ces nouvelles civilisations au côté de Dimos. #x1f434 Points négatifs : ce n'en est pas vraiment un mais j'ai trouvé que cette lecture exigeait un peu de concentration, à cause des mouvements politiques et des tactiques militaires évoquées. Mais en même temps ce n'est pas rebutant car le récit est empreint de la façon de voir la vie des différents personnages. #x1f434 En bref : c'est une belle découverte de lecture engagée! Ça m'a renforcé dans ma façon de voir les choses.

Gros coup de cœur ! Une narration à la première personne, de la main donc de Dimos Horacki, journaliste et sujet Borolien, envoyé par son patron sur le front, dans les Cerracs, pour écrire un article sur le héros de guerre Dolan Wilder. Dimos n'est pas dès le début un patriote. D'ailleurs, assis dans le train à côté d'une jeune femme qui le prend à partie, reprochant à son pays les ravages causés dans le sien, il répond : "Je ne suis pas fier de tout ce qu'a fait la Borolie !", ce à quoi son interlocutrice, satisfaite, répond "c'est bien". Ce passage d'apparence anodin est cependant capital pour Dimos, qui sur le coup, s'empresse de l'oublier, et rejoint comme prévu l'armée. Là, le malaise commence. Il accompagne Wilder partout où il va, et se retrouve malgré lui et à son grand écœurement témoin des exactions et des cruautés qu'il s'amuse à infliger à la population. Contrairement à ce qu'il avait promis à son chef, il décide alors, non d'écrire les louanges attendues sur le héros national, mais la vérité. Et ce second élément aussi est capital pour sa destinée. Alors qu'il est emmené en mission avec un groupe restreint d'hommes, ils sont pris dans une embuscade, et si Dimos va continuer à suivre la guerre, ce sera désormais du point de vue adverse. Il va apprendre à connaître ces hommes et ces femmes, découvrir leur culture et leur mode de vie, ce qui va susciter chez lui beaucoup de questions et de prise de conscience. En effet, à Hron, pas d'argent, pas de pouvoir : troc et anarchie, les décisions sont prises collégialement et chacun a voix au chapître ! Dimos va donc être entraîné dans la guerre, et nous découvrons avec lui les événements de cette guerre et la société anarchiste de Hron. Ce roman est à la fois un roman d'aventures, et Dimos est un personnage plutôt attachant (il m'a rappelé par certains côtés le héros de 1984), et une sorte d'ode à l'anarchie, qui m'a beaucoup plu ! Et pas une seconde d'ennui !

J'ai beaucoup aimé ma lecture. J'avais retenu de l'anarchisme ce que mon père m'en disait quand j'étais adolescente, à savoir que c'est un système sans foi ni loi, où n'importe qui peut tuer n'importe qui sans avoir à en affronter les conséquences. Quelle horreur ! Avec ce roman, j'ai découvert une autre conception de l'anarchisme, basé sur la liberté, la responsabilité, le vivre ensemble et le respect mutuel (en plus écrit par quelqu'un qui a vécu dans une communauté anarchique, ça change tout). J'ai beaucoup aimé lire ce roman, que j'ai trouvé très pédagogique et prenant. En fait j'ai tellement aimé l'intrigue, que j'ai été frustrée qu'il soit si court. Je trouve qu'il gagnerait amplement à être développé. Il y a trop d’ellipses !! :)