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La minute lecture: Le Roman de Vassilis par Basile Panurgias
Publié le 16/09/2025 , par Laurence Caracalla

Elle tombe, et le monde de Vassilis tombe avec elle. Quand cet architecte parisien fait monter sa femme, Léa, tout en haut de son nouveau chantier, il n’imaginait pas qu’elle pourrait accidentellement chuter. Il raconte, froidement, sidéré : « Le choc, le boum, j’ai entendu, pas vu. »
Vassilis est seul, perdu. La culpabilité ne le quitte plus. Il part pour la Grèce, un pays qu’il connaît bien, sa mère, une ancienne gloire du cinéma, en est originaire. Dans sa petite maison d’Athènes, dans le quartier des Anafiotika, il espère retrouver un semblant de sérénité. Mais il n’en sera rien, bien au contraire, sa colère, jusqu’ici rentrée, explose : qu’a-t-on fait à son Parthénon ? Son pourtour est bétonné ! Une opération réalisée en catimini, pendant la crise du Covid-19. L’un des plus beaux sites du monde défiguré, et n’allez pas lui dire qu’il s’agit d’améliorer l’accès aux fauteuils roulants, Vassilis a bien compris que cette « verrue » est un moyen de faciliter l’entrée du tourisme de masse. Il refuse d’en rester là et s’en plaint auprès de la jolie Dido, une jeune archéologue, agacée puis amusée par cet énergumène furieux. Elle ne le laissera pas indifférent.
Athènes, sa ville, lieu de fantasmes et de gloires passées a bien changé. Vassilis, encore une fois, perd toutes ses illusions. Et se console en jouant au sport national : le backgammon.
Mais Basile Panurgias refuse de sombrer dans un discours maussade. Il préfère user de l’ironie et de l’humour pour mieux enfoncer le clou. Ainsi, sa mère, personnage haut en couleur, est bien plus armée que lui devant ces terribles changements. Ainsi, son voisin américain, Alkis, comme lui d’origine grecque, moins regardant sur le patrimoine de la ville, et transformant sa bicoque en Airbnb pour influenceurs au grand dam de ce pauvre Vassilis. Demeurent quelques anciens, vivant encore chez eux, mais jusqu’à quand ? Et comment se reconstruire quand on ne peut plus se raccrocher à ce qu’on croyait éternel ?
En se promenant avec le narrateur dans une Athènes devenue factice, ou presque, l’auteur saisit avec brio l’atmosphère du « berceau de la civilisation », d’aujourd’hui et d’hier, s’amuse avec une certaine mélancolie du règne de la consommation, se souvient de ce joyeux foutoir que fut la ville et de la mondialisation qui a pris le pouvoir. Son héros, vaguement fétichiste des pieds, se verra recevoir un cadeau empoisonné : un orteil issu d’une statue antique. Ce petit bout de marbre l’entrainera dans une aventure inattendue et quelque peu dangereuse. Mais cet appendice est-il un vrai ou une simple copie ?
Basile Panurgias remonte le cours de l’histoire de ce pays tant admiré, partage avec nous ses connaissances historiques et culturelles, rappelle des anecdotes peu connues sur l’Antiquité, la Seconde Guerre mondiale, la dictature des colonels, mais aussi sur l’architecture contemporaine et son évolution.
On referme le roman plus joyeux qu’on ne l’aurait cru. Avec une furieuse envie de déguster un ouzo bien frais à l’ombre d’un citronnier, tout en contemplant le plus divin des panoramas. Vite, avant qu’il ne soit trop tard.