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Avec vue sur la mer
Date de parution : 30/09/2010
Éditeurs :
Nil

Avec vue sur la mer

Date de parution : 30/09/2010

«J'ai fait ce livre pour dire que je n'habite pas une maison mais que je suis habité par elle…»

La lumière du jour avait disparu lorsque la voiture, dont la carrosserie gémissait sous la griffure des fougères, s'engagea sur la route étroite qui, à travers une lande courue de...

La lumière du jour avait disparu lorsque la voiture, dont la carrosserie gémissait sous la griffure des fougères, s'engagea sur la route étroite qui, à travers une lande courue de murets de pierre sèche, dévalait en longues virgules jusqu'au hameau de La Roche. À un virage, juste à l'amorce du...

La lumière du jour avait disparu lorsque la voiture, dont la carrosserie gémissait sous la griffure des fougères, s'engagea sur la route étroite qui, à travers une lande courue de murets de pierre sèche, dévalait en longues virgules jusqu'au hameau de La Roche. À un virage, juste à l'amorce du raidillon de terre qui menait au premier des chalets, le pinceau des phares éclaira, l'espace d'un instant, quelque chose de livide et de furieux. ? C'est la mer, annonça Mme T* du ton à la fois respectueux et embarrassé qu'on prend pour présenter une aïeule acariâtre.Sans doute voulait-elle plaisanter. Car j'eus beau écraser mon nez contre la vitre, je ne vis que les cheveux blancs d'un vieil ogre hurlant sa faim, une gigantesque marmite de vomi en ébullition d'où montait un remugle sauvage et musqué, un charivari de bêtes écumantes qui crachaient au ciel. ? La mer n'est pas du tout comme ça, dis?je avec assurance à la fille de la cuisinière (Baptistine, Bathilde, Bénigne? Un de ces vieux prénoms, c'est sûr…) qui, elle, ne l'avait encore jamais vue que sur des calendriers.Déjà la voiture s'engageait dans une allée envahie par les hortensias qui poussent dans la Hague avec une insolence d'ivraie. Avec sa courte tour trapue et ses gros murs de granit, la maison semblait sortie tout droit d'un roman de Daphné du Maurier dont je venais de lire, avec des frissons de terreur jubilatoire, «L'Auberge de la Jamaïque». On n'imaginait pas y arriver autrement qu'en calèche à capote de cuir attelée à des chevaux squelettiques menés par un cocher patibulaire, tandis que des nuées effilochées couraient devant la lune et que des chiens féroces hurlaient sur la lande. Le menton presque dans la mer ? enfin, dans cette fureur qui tenait lieu de mer ?, le chalet où nous allions loger calait sa nuque contre une falaise pâle qui évoquait irrésistiblement ces canyons sur la crête desquels on voit soudain, dans les westerns, se profiler des silhouettes d'Indiens. D'ailleurs, comme pour forcer letrait, des hordes de chevaux y galopaient en liberté. La fille de la cuisinière (Calixte? Camille? Caroline?…) se serra contre moi. Bien qu'on fût en été, le gardien avait allumé un feu dont les hautes flammes, attisées par le suroît, se contorsionnaient dans la cheminée. Ce n'était pas tant, nous apprit?il, pour assainir la maison restée longtemps inhabitée, que pour empêcher le Diable de descendre par le conduit, tout en rendant service, à peu de frais, aux gnômes des bruyères qui sont toujours en quête de tisons pour rallumer leur pipe. Il était toujours utile, en un lieu aussi éloigné des bienfaits ordinaires de la civilisation, de se concilier les faveurs des gnômes, conclut le gardien du chalet sur le ton le plus sérieux du monde.Les embruns avaient mis sur les vitres des fleurs de sel pareilles aux cristaux de neige. Un volet, quelque part, claquait au vent. La mer était invisible, mais on l'entendait feuler comme une bête féroce.

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EAN : 9782841114146
Façonnage normé : EPUB2
DRM : Watermark (Tatouage numérique)
EAN : 9782841114146
Façonnage normé : EPUB2
DRM : Watermark (Tatouage numérique)

Ce qu'en pensent nos lecteurs sur Babelio

  • Gregorius 01/04/2022
    Un petit récit de plaisir pour saisir la beauté du Cotentin, la fureur de ses tempêtes si éloignée de lameradovil, l'âme d'une maison, fut-elle secondaire, avec vue sur la mer. Il y a un petit côté "Vous plaisantez, Monsieur Tanner" de Jean-Paul Dubois qui n'est pas pour déplaire. Un livre pour les amoureux de Didier Decoin, pour ceux qui aspirent à l'apaisement en ces temps troublés, pour une respiration iodée. Didier Decoin nous offre ce petit présent dans une langue plaisante qui refuse la vulgarité et l'exhibitionnisme des autofictions. Ce récit est aussi une célébration de l'Amour entre un homme et une femme, des amitiés, avec juste ce qu'il faut de cabotinage pour rendre l'auteur attachant. Si les chapitres peuvent parfois ressembler légèrement à un guide touristique, avec célébration de certains restaurants, ils le font avec le talent littéraire de notre romancier. Pourquoi, dès lors, se priver de cet anxiolytique naturel qui fut proposé en 2005 par le Président du prix Goncourt.
  • Fdissou 26/09/2021
    Une région au bout du monde, La Hague. Un couple, (quel couple!), et la Maison, petite et pourtant centrale. "(...) la relation amoureuse qu'on entretient avec elle dépend davantage de la qualité du temps qu'on y passe que de la qualité d'espace qu'on y occupe.(...)" Et puis la mer, la lande, les tempêtes, les parfums, le jardin, les enfants, le chien, le chat, de l'amour de l'humour, de la vie. (Prévert n'est pas loin). A l'instar de Didier Decoin, je partage cet amour inconditionnel de La Hague. Ce livre n'aura eu qu'un effet sur moi : une envie furieuse d'y trouver à notre tour notre petit cocon, sans prétention, juste la joie incommensurable d'être là .... et de s'en délecter.
  • Toscane57 19/05/2021
    J'ai adoré ce livre très court que je prête, perd, offre et rachète... Un vrai remède contre la morosité, une lecture rafraîchissante, conduite avec malice et talent par Didier Decoin qui nous conte avec beaucoup d'humour et d'autodérision ses péripéties pour trouver la maisonnette de ses rêves. On parle aujourd'hui de "feel good book", et bien celui-ci en est un.
  • miriam 01/10/2020
    Voici un livre que j'aurais aimé emporter avec moi lors de notre séjour dans le Cotentin et que je recommanderais si d'aventure j'organisais une virée à La Hague.  Je l'ai lu quelques temps après notre retour et j'ai retrouvé, le village, le phare de Goury, le vent et les dégustations de crustacés et de poisson frais. L'auteur, Didier Decoin jeune marié et prix Goncourt 1977,  décide avec sa femme, d'acquérir une maison "Avec vue sur la mer". A la suite de la construction de l'Usine de Retraitement des déchets nucléaires, les futurs propriétaires imaginent que les prix des maisons sont dévalués et qu'ils pourront s'installer à peu de frais. Quelle erreur! Les normands sont attachés à leur terres et ne vendent pas. Impossible de construire en bord de mer dans des zones protégées par le Conservatoire du Littoral. Il faudra beaucoup de ténacité et de diplomatie pour entrer dans le club très fermé des propriétaires "avec vue sur la mer". Decoin raconte avec humour et pittoresque leurs démarches.  La maison trouvée, il faut l'aménager. Le récit des travaux est aussi divertissant. Ensuite, la routine s'installe avec la bienveillance des voisins, l'acclimatation à un climat particulier, le bateau, le jardin.... Et tout cela fait un livre sympathique, amusant! A lire avant de partir à la Hague, ou en revenant, ou simplement pour donner envie de découvrir cette côte pittoresque! Et comme j'ai bien aimé cet auteur, je vais le suivre au moins avec Les Trois vies de Babe Ozouf qui se déroule dans le même décor.  Voici un livre que j'aurais aimé emporter avec moi lors de notre séjour dans le Cotentin et que je recommanderais si d'aventure j'organisais une virée à La Hague.  Je l'ai lu quelques temps après notre retour et j'ai retrouvé, le village, le phare de Goury, le vent et les dégustations de crustacés et de poisson frais. L'auteur, Didier Decoin jeune marié et prix Goncourt 1977,  décide avec sa femme, d'acquérir une maison "Avec vue sur la mer". A la suite de la construction de l'Usine de Retraitement des déchets nucléaires, les futurs propriétaires imaginent que les prix des maisons sont dévalués et qu'ils pourront s'installer à peu de frais. Quelle erreur! Les normands sont attachés à leur terres et ne vendent pas. Impossible de construire en bord de mer dans des zones protégées par le Conservatoire du Littoral. Il faudra beaucoup de ténacité et de diplomatie pour entrer dans le club très fermé des propriétaires "avec vue sur la mer". Decoin raconte avec humour et pittoresque leurs démarches.  La maison trouvée, il faut l'aménager. Le récit des travaux est aussi divertissant. Ensuite, la routine s'installe avec la bienveillance des voisins, l'acclimatation à un climat particulier, le bateau, le jardin.... Et tout cela fait un...
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  • fanfan50 23/03/2020
    Mettant en pratique cette épreuve nouvelle pour nous de confinement, je relis mes ouvrages de bibliothèque en prenant mon temps et en les savourant. Celui-ci est une pure merveille pour tous ceux qui aiment cette région si belle et si sauvage qu’est le Cotentin. Chacune de ses remarques est juste et il a vraiment fait une déclaration d’amour pour la Hague. Il nous raconte avec beaucoup d’humour son attachement à cette contrée puis son désir d’en faire partie en achetant une maison. Bizarrement aucune ne semble en vente. Il finit par en trouver une avec bien de la ténacité. Au moment de signer l’acte de vente, les propriétaires avaient changé d’avis et préféraient leur verser un fort dédit plutôt que d’abandonner leur pied-à-terre dans la Hague. Le couple est bouleversé. Ils s’écrient : « - Voyons, maître, il faut sauver ces gens-là malgré eux : c’est comme s’ils jetaient cet argent par les fenêtres ! – Oui, reconnut le notaire, mais des fenêtres qui ont une sacrée vue sur la mer »… L’auteur nous fait si bien ressentir l’attachement des habitants à leur terre et leur aversion viscérale des Horsains. Ce livre peut se lire et se relire car tout y est juste. Bien sûr il n’y a pas d’intrigue, pas de suspense, pas de fortes peintures de caractère, tout est en nuance et les descriptions de cette terre où Jacques Prévert a choisi de finir sa vie et qui est si critiquée par le reste de la France : « La Hague, il y pleut sans arrêt, et c’est plein de tout un tas de ridicules petites routes stupides qui ne mènent nulle part. » Et pourtant, il faut y vivre pour l’aimer et c’est ce que fait Didier Decoin. D’autres vont jusqu’en Irlande retrouver cette même beauté de paysage, lui a su rester en France. Mettant en pratique cette épreuve nouvelle pour nous de confinement, je relis mes ouvrages de bibliothèque en prenant mon temps et en les savourant. Celui-ci est une pure merveille pour tous ceux qui aiment cette région si belle et si sauvage qu’est le Cotentin. Chacune de ses remarques est juste et il a vraiment fait une déclaration d’amour pour la Hague. Il nous raconte avec beaucoup d’humour son attachement à cette contrée puis son désir d’en faire partie en achetant une maison. Bizarrement aucune ne semble en vente. Il finit par en trouver une avec bien de la ténacité. Au moment de signer l’acte de vente, les propriétaires avaient changé d’avis et préféraient leur verser un fort dédit plutôt que d’abandonner leur pied-à-terre dans la Hague. Le couple est bouleversé. Ils s’écrient : « - Voyons, maître, il faut sauver ces gens-là malgré eux : c’est comme s’ils jetaient cet argent par les fenêtres ! – Oui, reconnut le notaire, mais des fenêtres qui ont une sacrée vue sur la mer »… L’auteur nous fait si bien ressentir l’attachement des habitants à leur terre et leur aversion viscérale des Horsains. Ce livre peut se lire et se relire car tout...
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