Monsieur Amérique : Le livre de Nicolas Chemla
L'épopée tragique et visionnaire de l'anti-Schwarzenegger... et du rêve américain.
" Il se demandait à quoi devait ressembler un roman du bodybuilding ? À quoi ressemblerait une prose sous stéroïdes ? Gonflée, boursouflée, hypertrophiée ?
À la fois ronde et tendue, symétrique et structurée ? Ou bien répétitive et crescendo ? Toute en puissance lourde ou à l'inverse, en mouvements rapides et légers, contrôlés ? Nue ?
Après avoir fait un texte de son corps, écrit avec ses muscles et sa chair un poème de la force virile, il lui fallait trouver le langage qui écrirait le roman du corps. "
Entre 1975 et 1985, dans le monde entier, Mike Mentzer incarna l'homme idéal – un corps spectaculaire, en ce qu'il joignait la perfection des formes classiques et la promesse d'une surhumanité nouvelle.
Il fut l'un des monstres sacrés d'une jeune discipline, le bodybuilding. Avec cette faculté inédite d'être aussi écrivain, théoricien et philosophe. Aujourd'hui encore, ils sont des milliers à tenter de percer son énigme, à vouloir comprendre pourquoi Arnold Schwarzenegger jura sa perte – et même, s'il en fut la cause.
Monsieur Amérique nous fait entrer dans la peau de ce personnage hors du commun pour conter son épopée et celle d'un pays en crise. C'est un roman du masculin, construit et déconstruit, de la chair et de la fonte, un roman du rêve américain et du crépuscule qu'il portait, peut-être, déjà, en germe.
Nicolas Chemla a publié Luxifer, pourquoi le luxe nous possède (Séguier, 2014) et Anthropologie du boubour (Lemieux éditeur, 2016).
De (auteur) : Nicolas Chemla
Expérience de lecture
Avis Babelio
HornMatter
• Il y a 2 ans
Monsieur Amérique, c'est un peu L'étoffe des héros de Tom Wolfe chez les Bodybuilders. Un prodige d'élan, de vitesse et de démesure à l'Américaine, avec, à la place du fracas des tuyères, de l'odeur du kérozène, des explosions, le rythme des entrainements, le ressac des reps, le gout des stéroides aussi. Cela commence pourtant lentement. Cela commence dans la petite ville terriblement américaine d'Ephrata, pas très loin de Philadelphie. Cela commence par l'étrange épiphanie du jeune Mike Mentzer devant le corps prodigieux de Bill Pearl. Monsieur Amérique, Monsieur Univers. Un titan. Une prodigieuse, une antique énormité. De ce moment là pour Mentzer, les choses sont claires. Un jour, lui aussi sera comme ça. Il sera Monsieur Amérique. Ce qui désarçonne d'abord nos préjugés, c'est la personnalité du jeune Mentzer lui-même : son mutisme sévère de bon, de très bon élève, son intelligence déjà spéculative et déjà méthodologique, tout ce dont d'emblée il nimbe sa quête du corps prodigieux. L'énergie de l'auteur nous emporte avec lui dans l'histoire esthétique et politique du culturisme - depuis Milon de Crotone l'Europe de la Belle Epoque, de son retour dans l'Amérique du Nord de l'après-guerre, après quelques zigzags par l'aspiration au surhomme à la quête de l'extase matérielle - par la face sombre de cette quête ou science et sorcellerie se conjuguent pour repousser la finitude humaine, de Frankenstein au cercle du Thulé, à la Guerre Froide, l'effrayant désir de se sculpter soi-même en vivant écrin de la transcendance. Au passage, aussi, l'économie. L'émergence de cet "écosystème" de revues, de manifestations, de coupes et de prix, où le pressentiment des nouveaux marchés qui s'ouvrent met à mal le respect des principes sportifs. La cours du roman est classique d'une quête. Dans la première partie, les premiers pas du héro. Ses premières difficultés - qu'il surmonte (les réticences de son père) - ses succès, sa reconnaissance croissance. A l'aube de l'âge adulte, Mentzer est adoubé, attendu. Il est l'espoir. Le grand espoir. Les parties suivantes, l'adversité. Dans l'étoffe des héros, c'est John Glenn qui joue le rôle un peu ingrat de personnage dont on connait d'avance par le recul du temps la victoire finale, mais dont l'intrigue montre l'ambiguité première, l'ambition, l'homme, ses tics, ses manies, ses laideurs avant que le costume de héro les recouvre. Monsieur Amérique nous confronte à un autre type d'antagoniste, plus déplaisant, mais en quelques sorte plus fascinant aussi. Le nom d'Arnold Schwarzenegger suffit à nous faire comprendre que Mentzer ne gagnera pas. Nous avons le recul, nous connaissons la suite. Et pourtant nous nous laissons prendre. Nous continuons à suivre les efforts de Mentzer, nous le suivons dans ses défis au "Chêne Autrichien". Contre l'intention de l'auteur cependant ou pas, nous nous attachons à l'antagoniste. Il y a quelque chose de néronien en lui, ce mélange de bêtise et de ruse, de perversion et de souveraineté. Et quoique nous en pensions, nous sommes un peu faits de lui. Face à lui, Mentzer nous parait parfois unidirectionnel : rigide, corseté, unidirectionnel. Ses principes et son objectivisme scientifique nous paraitraient presque déplaisants, hostiles tout du moins. Les pages se succèdent sans nous lasser. Elles mènent à un premier triomphe de Mentzer : un score parfait lors du concours Monsieur Univers de 1978 à Acapulco. Entretemps, Mentzer a développé ses propres principes d'entrainement, la méthode Heavy Duty qui limite la quantité d'entrainement pour viser l'effet maximal avec le minimum de répétition. Jusqu'ici l'histoire ressemble à d'autres histoires que nous connaissons de la tradition : Galillée, Darwin, Pasteur. Après l'adversité, après la traversée du désert du héro, la vérité finira par s'imposer. Mais Mentzer lui-même doute parfois, sinon de lui, du moins d'avoir choisi la bonne histoire. Nous sentons que nous allons à l'échec : ce sera le concours Monsieur Olympia de 1980. Et nous entrons alors dans une phase d'errance et de déclin, ou l'enjeu n'est plus la lutte de la vérité contre les falsifications humaines. Mentzer n'est plus Galillée, mais le Sutter de l'Or de Blaise Cendrars, un être ébréché que tous se renvoient maintenant comme une boule de flipper, et qui ne se soutient qu'en se cramponnant aux rêves équivoques des autres. Une fin qui dure, moins linéaire, plus touffue que le trajet en épopée qui nous y a mené. Le roman tient par l'énergie avec lequel il plonge dans ces phases malconnues de l'histoire américaine et y poursuit - y grossit, y révèle - l'aliment spirituel et métaphysique sous la surface du Pulp. Certains motifs reviennent sans cesse de page en page - la masculinité, la nouvelle masculinité - trop au gout de certain. Dans Murnau des ténèbres, de la même façon, l'auteur accueillera l'obsession de son personnage pour le jeu de la lumière et de la réalité. Il fait partie, ce roman - je n'ai pas pu m'empêcher de le penser - de ceux qui rendent peut-être la mort moins ignoble et scandaleuse, quand on les a écrits. Pourquoi ? Moins pour la perfection des phrases ou l'intensité des formules que pour la force qui y est mise et le sentiment d'unité, d'intégrité, qui en ressort. Monsieur Amérique est un roman qui vit, une écriture faite corps, un roman sans coutures, sans fatigue, qu'on sent avoir vécu en son auteur, qu'on sent avoir ravi, habité, emporté son auteur.
Abilio79
• Il y a 4 ans
De nos jours les gens se pincent le nez en entendant le mot "culturisme" - ou pire - "bodybuilding" tout en s'investissant de manière inculte et naïve dans des régimes d'entrainements prétendument "sains" et "intelligents". Pour inévitablement perdre leur argent, leur temps et leur santé. Mike Mentzer a voulu défendre cet aspect primordial : l'humain entretient et développe son corps grâce à l'apprentissage et l'expérience cognitive. Mais il a échoué car il n'a pas su négocier avec son égo et augmenter son pragmatisme social. Là où Arnold Schwarzenegger a réussi à être le parangon de l'américain : l'homme d'affaire et l'animal politique "opti-mâle". Mike Mentzer n'était pas l'homme de sciences qu'il croyait être : son talent inégalé pour le culturisme venait avant tout de dons génétiques surexploités par la puissance de la chimie hormonale. Cet ouvrage nous raconte tout cela et, comme tout les bons ouvrages sur le sport, nous fait comprendre l'envers du décors et l'exercice des pouvoirs.
Florian007
• Il y a 4 ans
Du très lourd... Un titre un peu facile, mais je dois reconnaître que je suis plus qu'emballé par ce livre. Qualité d'écriture, gros travail de documentation, sacrée galerie de personnages. Magnifique bouquin, merci.
MadameTapioca
• Il y a 6 ans
Je viens de me taper 600 pages sur le bodybuilding et croyez-le ou non, j’ai aimé ça . Oui vous avez bien lu, le bodybuilding ! Et c’est bien la fille qui n’a pas fait de sport depuis l’épreuve du bac qui vous parle ! Il y a 3 explications très simples à ce soudain amour pour les corps musclés et huilés: cette biographie de Mike Mentzer est passionnante, documentée à l’extrême et magistralement écrite. Pour faire une bonne biographie, il faut un personnage hors du commun et un destin atypique. Mike Mentzer est un sujet parfait. 1978, après des années de travail Mike est sacré Mr Univers à Acapulco. Pour en arriver là il lui aura fallut soulever de la fonte depuis des années et surtout imposer sa philosophie de l’entraînement et de la nutrition. Car ce type n’est pas simplement un corps, c’est un p... d’intello qui fait des études, lit Nietzsche et médite. Il va tenter de révolutionner son sport grâce à son esprit rationnel et scientifique au risque de fâcher le géant Arnold Schwarzenegger (d’ailleurs si par le plus grand des hasards vous avez de la sympathie pour l’actuel gouverneur de Californie, ce livre va vous faire changer d’avis vite fait). Se basant sur la science il va atteindre les sommets avec des méthodes nouvelles (entraînement court + régime équilibré). Quand les autres s’entraînent 24 heures par semaine et ingurgitent des steacks géants, Mike se contente de 30 minutes de travail intense 3 fois par semaine tout en raisonnant son alimentation. Il n’aura de cesse de déconstruire les mythes de son sport, les mensonges et les croyances. Livre sur le masculin surdimensionné, sur le culte du corps, portrait d’une Amérique en recherche de gigantisme, Monsieur Amérique se lit comme un roman. On suit Mike depuis son adolescence et ses débuts dans ce sport balbutiant jusqu’à la désillusion. C’est une plongée fascinante dans un monde inconnu avec ses côtés sombres (stéroïdes, tricherie, sexe). Alors oui c’est dense et oui ça demande du temps mais vous risquez d’être fasciné par l’intelligence et l’intégrité de cet homme.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Français
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- EAN
- 9782840497752
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- Collection ou Série
- L'Indéfinie
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 608
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- Dimensions
- 212 x 152 mm
Nous sommes ravis de vous accueillir dans notre univers où les mots s'animent et où les histoires prennent vie. Que vous soyez à la recherche d'un roman poignant, d'une intrigue palpitante ou d'un voyage littéraire inoubliable, vous trouverez ici une vaste sélection de livres qui combleront toutes vos envies de lecture.
24,00 € Grand format 608 pages