Avant la fin du monde : Le livre de Laurent Decaux

A n’en pas douter, Laurent Decaux a hérité de son célèbre père un talent certain pour nous conter l’histoire de manière romanesque. Il s’agit ici de découvrir l’épopée des marins génois qui voyagerent en direction du comptoir de Caffa en Crimee pour libérer la citée assiégée par les Turco-mongols et qui ramènerent dans leurs soutes le bacille de la Peste noire en Europe, prélude à la "fin du monde" qui débuta en 1347 et ravagea une grande partie de la Chrétienté. Ces hommes-là furent dès lors désignés comme les premiers "semeurs de peste". En réalité, l’essentiel du roman se focalise sur le voyage aller, à bord d’une galère, sorte de nouvelle Odyssée à travers la Méditerranée. L’auteur restitue avec force détails les conditions éprouvantes qui règnent à bord du navire où les gabiers côtoient la chiourme et où la promiscuité engendre violence et insalubrité. A cela s’ajoute la crainte grandissante parmi l’équipage du fléau dont les échos se font entendre à mesure que l’expédition se rapproche de la mythique Constantinople puis une fois franchi le détroit des Dardanelles. On sent bien que Laurent Decaux a puisé aux meilleures sources pour nous embarquer avec lui dans ce périple digne d’Ulysse. C’est aussi une très belle histoire initiatique entre un père et son fils, liés par un amour puissant par delà les épreuves de la vie. Une agréable découverte après la déception du "Roi fol".

Ce roman historique nous fait traverser toutes les mers de la méditerranée sur une galère marchande génoise à l'aube de la grande peste. Je n'imaginais pas le rayonnement que la république de Gênes avait sur toute la méditerranée au moyen âge, j'en ai pris conscience en lisant ce livre. Je ne regarderai plus les tours qui se dressent tout autour de la Corse de la même façon.... Décidément, la péninsule italienne est d'une richesse historique incroyable. J'ai adoré ce roman. Comme son père, Laurent Decaux sait raconter les histoires. Ce roman nous tient en haleine du début à la fin. Vivement le prochain!

Avant la fin du monde, de Laurent Decaux Passionnante plongée dans l'histoire avec ce roman qui raconte, en trame de fond, une épidémie de peste, mais pas seulement. Nous sommes en 1347. Gênes est un état cité dont le pouvoir s'étend sur les terres d'Orient. La ville de Caffa, qui lui appartient, se trouve menacée. Une flotte est envoyée pour la sauver. Les Mussi, père et fils, charpentiers de marine, vont embarquer sur un des navires. Connaitre de nombreuses péripéties. Et, déjà, une rumeur monte. Une épidémie mystérieuse frappe l'Orient. C'est un très bon récit, bien écrit qui invite le lecteur à en lire un peu plus. Il n'y a pas de temps mort et les 600 pages du roman se lisent très bien. On se plonge très vite dans l'histoire. On est happé par ce texte historique qui nous apporte sa dose de suspense et d'émotions. Le procédé narratif est assez commun. Le héros principal, sentant l'âge avancé, décide de prendre la plume et d'écrire sur son passé. Cela fonctionne très bien. Et des aller retour nous permettent de mieux rentrer dans les pensées du narrateur. On s'attache assez facilement aux différents acteurs de cette superbe représentation. Pour les passionnés de romans historiques, c'est un régal. Pour les autres, une belle façon d'aborder l'histoire.

« L’histoire est un roman qui a été; le roman est de l’histoire qui aurait pu être. » Cette citation des frères Goncourt mise en exergue donne parfaitement le ton à ce formidable roman historique que je pourrais aussi qualifier de roman d’apprentissage. Lorsqu’une blessure à sa jambe s’infecte et que la gangrène gagne peu à peu du terrain, Vittòrio de Mussi se décide à jeter sur le papier ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Aidé en cela par un journal de bord retrouvé dans ses coffres, le vieil homme relate avec frénésie les cruciaux mois de navigation de l’an 1347 passés aux côtés de son père, le capitaine du Pompée, Daniele de Mussi. Une année de tous les dangers, car c’est aussi l’arrivée de la peste noire sur les bords de la Méditerranée. La fin d’un monde ou la fin du monde, la maladie mortelle embrase tous les esprits, certains y voyant la main de Dieu, d’autres y perdant tout simplement la foi. Le roman m’a lentement mais impitoyablement entraînée dans cette aventure insensée qu’était la navigation aux étoiles, sans moteur et sans instruments, ne relevant que des vents dans les voiles et qu’aux bras musclés de la chiourme. Basculée littéralement dans une autre époque, un autre temps, je me suis laissée porter par l’écriture stylisée et combien évocatrice de Laurent Decaux. Le contexte historique parfaitement rendu achève de donner au récit toute l’intensité qui incite le lecteur à suivre les péripéties de ses personnages, admirables de loyauté et de fausseté tout à la fois, crédibles dans leurs failles et leurs forces.