Correspondance avec sa mère : Le livre de Marcel Proust

Lire cette correspondance, c’est entrer dans la chambre la plus intime de Proust. Les lettres oscillent entre le besoin vital d’écrire à sa mère et l’angoisse d’être envahissant. On y retrouve la fragilité d’un fils qui s’excuse sans cesse d’écrire trop, et qui pourtant ne peut pas se retenir. Cette tension entre débordement et culpabilité rend ces pages à la fois touchantes et parfois épuisantes. Ce qui frappe, c’est la vivacité de Jeanne Proust. Ses lettres ne sont pas de simples réponses, mais des morceaux d’esprit, ironiques, souvent drôles, parfois durs. On comprend d’où Marcel tenait son sens de la formule et cette capacité à transformer le quotidien en matière littéraire. Mais la lecture peut devenir pesante. Certaines lettres tournent en rond, se répètent, ressassent les mêmes inquiétudes, comme si la dépendance affective, palpable, empêchait toute respiration. C’est une relation puissante, mais pas toujours saine, et ce déséquilibre transparaît dans les pages. Il y a pourtant dans ces échanges une clarté crue sur l’amour filial, sur ce lien dont on sent qu’il façonne à la fois l’homme et l’écrivain. Ce n’est pas une lecture facile, ni toujours agréable. On passe de la tendresse la plus fine à l’agacement devant des redites sans fin. Mais ce contraste dit quelque chose de vrai, de brut, qui vaut plus qu’un roman poli.