Ecritures carnassières : Le livre de Ervé

Quand on vit dans la rue, le temps est long et il faut savoir le tuer. C’est ce que fait Ervé en lisant, beaucoup, en écrivant, beaucoup aussi. Un jour il rencontre Guy Birenbaum lors d’une signature et ils deviennent amis. Très vite le journaliste et écrivain l’encourage à poursuivre son travail d’écriture. Un projet de livre se dessine qui trouvera accueil aux éditions Maurice Nadeau et qui vient d’être publié en avril dernier. Ervé a cinquante ans et éprouve la nécessité de relater sa vie : « … je me suis regardé. J’ai voulu aller chercher mes souvenirs pour les raconter, les confier aux gens sans jamais dénoncer, sans que jamais, insiste-t-il, ce soit un livre à charge. » Enfant sans parents – « Qu’est-ce que ça fait d’avoir un père ? » –, enfant de la DASS, il grandit dans une enfance maltraitée. Il se retrouve livré à lui-même à l’âge de dix-huit ans sans repères suffisants pour gagner son autonomie. Il devient SDF. Écritures carnassières, c’est le récit de cette existence au ras du bitume. Suite de textes courts, de textes éclats pour dire les heurts et les malheurs de cet univers de la rue qui use prématurément, qui confronte à la violence, à la misère, à l’alcoolisme. Face à cela, il a le trio que forment ses deux filles, « ses deux poumons », et leur mère. Des amis accueillants, des compagnons, les chiens. L’un d’eux lui donnera l’idée de son pseudo, Croisepattes, sur Twitter. Et quelques voyages comme des échappatoires. Ervé a une plume qui n’a rien d’exotique. Pas d’anecdotes gratuites, pas d’esbroufe, pas de témoignage larmoyant ou exhibitionniste. Une solide culture d’autodidacte et un vrai style personnel. Si dure que soit son existence, l’écriture lui confère un sens à ce point qu’un autre livre se projette déjà. Dans un billet de blog de Mediapart, Frédéric l’Helgoualch écrit : « L’ouvrage ne se déguste pas : il se dévore, se bouffe. Si les écritures sont carnassières, leur lecture est compulsive. Sauvage. Où se planquait-elle, cette plume irradiante qui renvoie chacun à ses propres peurs et démons (…), mais aussi à la beauté des petits gestes, des regards signifiants ? » Entre solitude recherchée et empathie pour autrui, entre errance et insécurité, entre les prisons du quotidien, les illusions perdues et les aspirations à la liberté, c’est le parcours d’un homme devenu un authentique écrivain.

ECRITURES CARNASSIERES de ERVE Ervé vit dans la rue. Cette vie, il ne l'a pas forcement choisie mais elle s'est imposée à lui du fait de son passé. Enfant de la DASS, il a été balloté de foyer en foyer, de famille d'accueil en famille d'accueil et a connu la brutalité et la violence. Son désir a toujours été de fuguer vers un ailleurs qu'il espère à chaque fois meilleur. Son chemin de vie est tortueux. Au fil des rencontres, il est devenu père et pense en permanence à ses deux filles qu'il appelle ses "poumons". Boit-il pour oublier ? Cela ne l'empêche pas de penser et il éprouve le besoin de lire mais surtout d'écrire... Un récit donnant la parole aux personnes en situation de grande précarité, ces "invisibles" que l'on croise sans les voir vraiment, Un texte fort, authentique, sincère, à la fois violent et pudique, Un style poétique comme une mélodie nostalgique mais sans pathos. Chaque chapitre est un fragment de vie parfois douloureux, parfois tendre et plein d'espoir. Ecrire permet à cet homme de laisser une trace, de faire connaitre au monde des fragments insignifiants de sa vie, c'est brut et bouleversant. Beau témoignage, à lire sans faute

Il y a des écrits qui nous marquent, sans que l’on sache pourquoi. On n’a pas besoin d’avoir vécu la même chose ni de connaître l’environnement. Ce texte d’Ervé en fait partie. Cet homme a connu des galères dès son plus jeune âge : abandonné, placé en foyer, puis livré à lui-même dans la rue. Mais il a su trouver une échappatoire, et pour lui, ça a été les mots. Il les utilise d’une manière incisive et directe pour nous livrer des pans de sa vie, à travers plusieurs chapitres qui parleront à chacun. J’ai particulièrement apprécié le côté positif qui en ressort, malgré les thèmes douloureux et difficiles. L’auteur a bien conscience de la chance qu’il a eue car il a rencontré des personnes qui lui ont tendu la main pour l’aider. Surtout, il explique le rôle qu’ont joué dans sa vie sa compagne et ses deux filles. Ce texte est très beau et, en même temps, touchant par ses thématiques.

Il y a des livres qui parfois vous remettent les idées en place. Ici c'est le cas, et bien comme il faut. Ervé vit dans la rue, et avant ça, c'était dans un foyer de la DDASS. Alors autant vous dire que la galère, la vraie, il connaît. Dans ce récit, il livre ses pensées, son parcours, ses espoirs et ses déboires. Rien n'est épargné au lecteurs et certains passages sont vraiment difficiles à lire (alors imaginez à vivre !). On le suit dans la rue, fourmis au milieu d'autres, au mieux ignoré, au pire insulté. Et puis un jour il y a l'amour, qui va donner naissance à la vie, ses deux filles, ses deux "poumons". Mais quel exemple leurs donne-t-il ? Comment peut il aimer lui qui ne l'a jamais été ? Comment être stable lui qui tourne en rond ? C'est une écritures carnassieres, qui transperce, qui bouscule, qui ne laisse pas indifférent. Et pour l'instant, c'est mon favori pour le #grandprixdeslecteurs