Hissez le grand pavois : Le livre de Evelyn Waugh

Je suis repartie dans la quête du Evelyn Waugh qui m'avait émue plus qu'autre chose dans ma jeunesse (c'était hier). Je l'ai trouvé, c'était bien ce petit bijou de Grand Pavois. C'est drôle pourtant. La WWII vient d'être déclarée, et on suit par le petit bout de la lorgnette les préparatifs des uns, les engagements des autres, tout ça dans un quotidien, des quotidiens qui ne seront plus jamais les mêmes, "après". Le destin foutraque de Basil, trublion tête à claques qui fait n'importe quoi - avec la vie des autres notamment. Les destinées de ses femmes, sa mère sa soeur et sa maîtresse - puis des époux d'icelles. L'autre destin disséqué, celui d'Ambrose bientôt has-been, qui tente de surnager malgré son âge, ses amours passées, son mode de vie tout sauf adapté au grand remaniement du monde. Pouah la modernité, pouah la guerre ? Plutôt un adieu à la période richissime en excentriques cultivés à la sexualité fournie autant que bigarrée, ces privilégiés de la haute, ces zinzins pour qui toute extravagance est bonne à prendre. Ils n'auront brillé que quelques décennies entre deux guerres, dans un empire britannique perdant peu à peu ses possessions. Il faudra donc se contenter de ce qu'on a, à présent. La vie. Parfois une famille. Parfois une demeure refuge. La guerre va remettre les compteurs à zéro… … et l'auteur, au moins lui qui a connu le monde déjanté de l'entre-deux-guerres, a bien le droit d'être nostalgique, surtout avec son humour à tout casser autant que raffiné. Drôlatique et effrayant, le passage des enfants Connely, trois monstres de gosses dont personne ne sait que faire. Drôlatique, l'administration et ses travers, les bureaux qui ne servent à rien, les titres ronflants sur des vacuités abyssales. Et cette collection de grottes de Cédric… Qui peut inventer un concept aussi surréaliste ? Certainement pas un Breton austère, à la rigueur un Dali mais qui ne serait pas radin, oui bien sûr c'est un Anglais, de ceux qu'on aime, les prophètes du non-sens, oh my god heureusement qu'ils existent sur cette terre… Et à la fin, on referme le livre, empreint de mélancolie. Ce monde n'existe plus. Ce monde dans lequel Virginia Wolfe est entrée dans une rivière pour s'y noyer, les poches pleines de pierres, ce monde pas forcément rose pour les gosses de la Hight, ce monde qui déjà luttait contre les cruautés de l'âme humaine, mais si gracieusement, si drôlement, si cocassement. Bien sûr, quand Sa Majesté la beloved Queen Elizabeth fait semblant de sauter en parachute avec James Bond pour les JO de Londres 2012, on retrouve cet esprit, au plus haut niveau. Tout n'est pas perdu. Mais beaucoup. Ainsi va la gloire du monde britton…