La Danse des damnées : Le livre de Kiran Millwood Hargrave

Bienvenue à Strasbourg, été 1518. Une canicule sévit sur la ville, laissant penser aux locaux qu'ils subissent une sorte de punition divine. Les gens meurent de chaud, de faim, les bébés sont noyés. Dans sa ferme, Lisbet attend son premier enfant. Enfin plutôt son 12e enfant, après toutes les fausses couches qu'elle a vécu. Son mari Heinrich est apiculteur. Elle l'assiste avec les ruches, auprès des abeilles, pour lesquelles elle s'est découvert une vraie passion et une vraie vocation. La soeur de Heinrich, Nethe, va bouleverser leur quotidien, en revenant de 7 années d'exil. La raison de cet exil ? Apparemment nul ne la connait, ou du moins, personne ne souhaite lui en parler. Quelle relation va-t-elle bien pouvoir nouer avec sa secrète belle-soeur. C'est alors qu'une épidémie de danse va encore une fois bouleverser leurs repères tous frais. J'ai aimé, dans ce roman, les personnages. Des femmes fortes, secrètes, sensibles et aux destins plutôt extraordinaires. De Lisbet, Nethe ou encore Ida, la meilleure amie de Lisbet, dur de dire laquelle a eu ma préférence. Elles m'ont toutes trois bouleversée, et c'est avec frénésie que j'ai tourné les pages pour arriver au dénouement final. Il s'agit d'un roman, sur une période historique ayant réellement eu lieu à Strasbourg, ma ville. C'est peut-être ce dernier point qui fait que je n'ai mis que 4 étoiles plutôt que 5. On sent tout de même que c'est très romancé, avec parfois quelques imprécisions, malgré un travail de recherches conséquent (on y parle notamment DES flèches de la cathédrale de Strasbourg, quand on sait qu'elle n'en a toujours eu qu'une seule, et ce genre de détails m'ont un peu bloquée malgré tout) C'est pourtant un très très bon roman, que j'ai aimé découvrir et qui m'a quelque peu guérie de ma panne de lecture.

« La musique les soulève, les rapproche comme dans un baiser, mais au moment où les prêtres arrivent pour évacuer cette femme, le sort en est déjà jeté. La femme lui a transmis la musique et Gepa la retient, aussi vive et ardente qu’une étoile tombant du ciel, pour en redistribuer des fragments à quiconque lui prendra la main. » Ne vous attendez pas à un roman où les péripéties s’enchaînent jusqu’à un final explosif. Ici, il faudra prendre le temps de découvrir l’histoire de Lisbeth et de sa famille. Ils vivent à l’écart de Strasbourg et s’occupent de leurs abeilles dans le climat oppressant de l’an 1518. Tandis que Lisbeth prie pour conserver son enfant, une étrange épidémie touche petit à petit les femmes de la ville : prises d’une soudaine envie de danser, elles s’y consacrent jours et nuits jusqu’à former un funeste « flashmob ». Les épisodes de « danse », sont égrenés tout au long de l’histoire et s’interposent entre chaque chapitre, accompagnant le retour d’Agnethe, la belle-sœur prodigue de Lisbeth… un retour qui fera ressortir les secrets enfouis de la famille et trembler les fondations d’une famille « vertueuse » et « traditionnelle », créant au fil des pages un parallèle troublant entre préjugés et « damnation ». Cette parenthèse de lecture au Moyen Âge m’a permis de mieux cerner les croyances et les préjugés de l’époque et de redouter la haine fanatique qui s’est épanouie dans la misère humaine. Cette danse des damnés, qu’on pourrait assimiler au cri désespéré des femmes meurtries, opprimées, reste à ce jour l’un des grands mystères de l’an 1518. Ce n’est qu’en devinant le secret de cette famille, en voyant l’un des personnages sombrer, qu’on comprend que le désespoir est la pierre angulaire de cette folie collective. Et le « savoir », ou plutôt le supposer, le deviner, ne fait qu’accentuer la cruauté de ce destin inconsciemment choisi par de nombreuses femmes. Si le sujet m’a intrigué dès les premières lignes, j’ai tout de même été un peu déçue que la danse des damnés ne soit pas au cœur même du récit, et qu’elle ne soit qu’un contexte, un cadre pour dénoncer la situation sociale de l’époque. Et puis cette fin… tout aussi réaliste qu’elle soit, j’en aurai souhaité une autre…

« Elles dansent comme si leurs corps voulaient s’échapper de leur peau, comme si chaque pas était une révolte contre le poids du monde. » Se mouvoir et s’émouvoir. Moi aussi j’aurais attaché des rubans pour les âmes de mes petits envolés, moi aussi j’aurais aimé dans l’interdit, moi aussi j’aurais dansé jusqu’à l’épuisement face a l’oppression. Moi aussi j’aurais été une damnée. « Ici les femmes sont des damnées avant même d’avoir pêché. Leurs corps sont des champs de bataille ou s’affrontent peur, pouvoir et désir. » Est ce un rêve ou un cauchemar ? La plume de Kiran Millwood Hargrave nous entraîne dans un récit basé sur un événement historique réel, pour explorer la condition féminine de l’époque. Alors rêve et cauchemar! Les deux se mélangent pour une danse merveilleusement endiablée. Voilà ce qui m’a habité pendant cette lecture, l’horreur et l’oppression, le combat incessant pour la liberté, le courage des femmes, qu’elles portent dans leurs corps et qui se dressent contre le patriarcat.

Le Livre du Mois d'avril 2025 Strasbourg 1518 Une folie dansant s'empare de la ville. Elles sont nombreuses à danser jusqu'à épuisement sur le parvis de la cathédrale. Lisbet, elle, ne danse pas, ce qui la préoccupe ce sont ses abeilles que les moines veulent lui ravir, mais aussi ce bébé qu'elle porte et qu'elle espère garder jusqu'au bout. Et puis, il y a son maie Ida et sa belle-sœur Agnethe qui revient après sept mystérieuses années d'exil. Soudain le monde tranquille de Lisbet explose. Belle histoire qui nous interroge sur les luttes pour l’égalité et la liberté, autrefois, mais encore aujourd'hui. Et l'amour ? Imposé, interdit, impossible.