Les Graciées : Le livre de Kiran Millwood Hargrave

Ce livre, c’est une libraire de Montpellier qui me l’a recommandé lors de ma visite cet été, et je dois dire qu’elle a su taper dans le mille. Dès qu’elle m’a parlé d’un roman inspiré d’une histoire vraie, qui plonge dans l’époque sombre des chasses aux sorcières tout en mettant en lumière des personnages queer, j’ai su que cela allait me plaire. Et de fait, j’ai été totalement embarquée au cœur des terres glaciales de Vardø où, dès les premières pages, ce huis clos insulaire laisse entrevoir le destin tragique de ces femmes meurtries, qui sont amenées à s’opposer aux diktats de la société patriarcale de l’époque au péril de leur vie. Point de surprise dans l’intrigue en tant que telle, mais c’est bien du côté des personnages et de la plume engagée de l’autrice que tout se joue. C’est la première fois que je lis un roman de cette autrice, et je dois dire que je suis admirative de sa façon de poser le décor et le contexte de manière détaillée, en s’appuyant sur des faits historiques avérés sans alourdir le récit. De même, la tension, les jalousies et la pression sociale qui s’installent progressivement au sein de cette communauté de femmes sont parfaitement maîtrisées. L’autrice sait jouer avec ses personnages pour rendre les événements d’autant plus angoissants et captivants. Quant à ces derniers, laissez-moi vous dire que nous ne sommes pas en reste. En effet, difficile de s’ennuyer avec ce panel de personnages, qui va de la jeune fille perspicace et curieuse à l’inquisiteur assoiffé de pouvoir, en passant par la bourgeoise naïve qui fait tâche dans le décor, la militante féministe avant-gardiste ou encore la fanatique aux intentions douteuses. Cependant, si je cherche vraiment la petite bête, j’aurais apprécié que ces derniers soient moins “caricaturaux” et un peu plus nuancés. Ainsi, je referme ce livre avec la satisfaction d’en avoir appris un peu plus sur cet épisode de notre Histoire, où la religion a été instrumentalisée à des fins de domination. Un récit du passé sur l’émancipation des femmes, qui fait froid dans le dos et qui résonne malheureusement encore aujourd’hui. Il me tarde de découvrir les autres œuvres de cette autrice, en attendant, cette lecture restera gravée dans ma mémoire comme un rappel cinglant des abus de pouvoir et de l’intolérance.

J'ai déjà eu l'occasion de lire à propos des fameuses femmes de Vardo grâce aux romans les sorcières de Vardo. J'avais très envie de retrouver la plume de l'autrice que j'ai pu découvrir avec la danse des damnées. J'ai fait le choix de prendre celui ci en audio. Je n'ai malheureusement pas eu beaucoup de temps pour écouter des livres audio ce mois ci, ce qui a fait beaucoup durer cette lecture et qui je pense lui a desservie. Je m'excuse par avance, quand j'écoute en audio, je retiens beaucoup moins bien les noms des personnages. L'île de Vardo et son histoire m'est déjà connue donc celà m'a facilité l'entrée dans le roman qui se base sur des faits réels. Cependant, j'ai eu un peu de mal à comprendre qui était qui et j'ai mis longtemps a situer chacun des protagonistes. C'est aussi le fait d'avoir des prénoms peu commun dans les pays occidentaux qui me perturbe toujours un peu. En soi, l'histoire est plutôt touchante mais le côté "sorcière" arrive finalement quasiment au 3/4 du roman, c'est en celà que je reste légèrement sur ma fin

C'est le second livre que je lis (écoute) de cette autrice et c'est de nouveau un coup de coeur. En toile de fond toujours la chasse aux "sorcières" qui a eu lieu un peu partout en Europe ce dès que des événements étaient inexplicables. Ici nous suivons Maren qui voit tout les hommes de son village disparaître suite à une tempête inattendue. Quand Absalom Cornet débarque avec sa femme Ursa du continent il compte faire régner l'ordre parmi ses femmes et trouver des coupables à tout ce qui est arrivé dans ce village. J'ai aimé l'histoire et la force de ces femmes qui tentaient de résister à ce monde dirigé par des hommes. Même si de nos jours on ne chasse plus les sorcières il y a toujours cette domination patriarcale qui existe.

Il m'a fallu un peu de temps pour m'habituer à la plume de l'autrice et à sa narration, mais après quelques chapitres je me suis laissée emportée par l'ambiance diffuse, poisseuse et rude qui s'installe lentement. Le rythme est lent, et si vous cherchez de l'action je vous conseille de vous orienter vers une autre lecture. On est ici sur quelque chose de contemplatif, sur des liens qui se tissent lentement entre les personnages, et une intrigue qui se noue peu à peu, emportant inévitablement les personnages et le lecture vers une fin attendue mais bouleversante. La plus grande réussite de ce roman est sa galerie de personnages, principalement féminins finement caractérisés et très réalistes. Si les deux personnages principaux, Maren et Ursa, par lesquels l'autrice déroule sa narration, retiennent particulièrement l'attention, j'ai aussi beaucoup aimé Diinna et Kirsten, solides et intransigeantes, ainsi, étonnamment, que le groupe des dévotes qui va commettre l'irréparable et s'en rendre compte bien trop tard. Absalom est l'antagonisme qu'on aime détester, froid et fanatique, mais possède également une ambivalence profondément humaine. La relation entre Ursa et Maren est très douce et naturelle, peut-être le seul rayon de soleil éclairant le récit. L'autrice distille une ambiance hivernale et désertique. Toute la solitude et la singularité de Vardø, petite île perdue aux confins du monde, le froid polaire, la crasse incrustée et la rudesse suintent des pages. J'ai aimé découvrir la culture que je ne connaissais pas, très bien retranscrite, et les journées sans fin qui s'enchaînent dans ce village singulier. Elle a également su parfaitement restituer, par petite touche, le contexte historique global, l'emprise de fer de la religion qui guide les journées et rythment les vies et les pensées, et le patriarcat ambiant. Les réflexions sur la liberté de Kristen, la découverte abrupte des réalités du mariage par Ursa, la violence de l'autorité exercée par Absalom sur Ursa et l'ensemble des femmes de Vardø, est tristement réaliste. Au fur et à mesure des pages, le lecteur sens inévitablement un piège malsain se nouer et se refermer autour de Vardø et de ses habitantes. La dernière partie, bien qu'attendue et redoutée, résonne comme un coup de tonnerre tant l'on aurait voulu se tromper. Aucune violence gratuite, rien (ou presque) n'est montré, tous est sous-entendu, pourtant la violence d'un monde fanatique, patriarcal et profondément raciste explose en un final bouleversant qui laisse le cœur au bord des lèvres. On ne ressort pas indemne et joyeux de cette lecture, tant elle laisse un goût amer sur les lèvres. Particulièrement en ces temps troubles ou les droits supposés acquis semblent chaque jour remis un peu plus en question. Plus qu'un roman féministe, loin des dystopie auxquels on est de plus en plus habitué, ce roman historique nous rappelle qu'il n'y a malheureusement pas à chercher très loin, dans notre imagination ou dans d'autres cultures, pour trouver l'horreur. Inspiré d'une histoire tristement vraie, ce roman est un avertissement que je conseille à tous pour son écriture poétique et prenante, et son thème encore tristement actuel.