La Leçon d'allemand : Le livre de Siegfried Lenz

Numérique

Robert Laffont

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Enfermé dans une prison pour jeunes délinquants située sur une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est puni pour avoir rendu une copie blanche lors d'une épreuve de rédaction. Ce n'est pas qu'il n'ait rien à dire sur le sujet " Les joies du devoir ", au contraire...
Bientôt lui reviennent à la mémoire les événements qui ont fait basculer sa vie. Son père, officier de police, est contraint en 1943 de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures antisémites à l'encontre de l'un de ses amis d'enfance, le peintre Max Nansen (derrière lequel on peut reconnaître le grand Emil Nolde). À l'insu de son père, Siggi devient le confident de l'artiste et va l'aider à mettre en sécurité ses toiles clandestines. Sa passion pour l'oeuvre le conduit ainsi au refus de l'autorité paternelle et à une transgression (un vol dans une galerie) qui lui vaudra d'être condamné. Mais aux yeux de Siggi, le châtiment porte l'empreinte du zèle coupable de son géniteur. Avec ce roman d'une grande puissance éthique et affective à la fois, qui fit le bruit que l'on imagine lors de sa publication, Siegfried Lenz a rejoint d'emblée les figures majeures du Groupe 47, ces écrivains allemands – parmi lesquels on comptait Günter Grass, Heinrich Böll et Ingeborg Bachmann – qui ont assuré le " redressement " intellectuel de leur pays.

De (auteur) : Siegfried Lenz
Traduit par : Bernard Kreiss

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Expérience de lecture

Avis Babelio

Pierre75123

5.00 sur 5 étoiles

• Il y a 2 semaines

Un livre particulièrement intéressant, selon plusieurs aspects : ethnologique pour connaitre la mentalité des habitants d'une province profonde allemande durant le nazisme, stylistique pour sa prose épurée et envoutante, géographique pour les descriptions des côtes du nord de l'Allemagne, culturelle pour les analyses des œuvres du peintre, sociologique pour l'observation d'une famille dysfonctionnelle, voire politique pour un aperçu des ambigüités de l'après guerre. Ces différents aspects ne se livrent toutefois pas directement, et ne sont souvent qu'implicites dans le récit. L'écriture reste assez simple mais le style du roman, qui ne décrit presqu'exclusivement la perception du monde au travers des yeux d'un enfant, peut perturber par ses arabesques et évitements. Les faits et les sensations décrits dans le livre ne sont souvent qu'effleurés, et ne se livrent qu'à force d'être revisités. A mon sens, l'exercice est réussi avec brio, et je n'hésite pas à recommander ce livre.

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Archie

4.50 sur 5 étoiles

• Il y a 1 mois

Très peu lu en France, La leçon d'allemand, publié en 1968, est un livre incontournable outre-Rhin, où il fait partie des ouvrages de littérature inscrits au programme des lycées. Siegfried Lenz (1926-2014) aura en effet été un écrivain essentiel de l'après-guerre, en orientant ses jeunes compatriotes vers un futur digne sans occulter un passé indigne. Sur près de six cents pages, son roman La leçon d'allemand se compose de deux histoires espacées de dix années et superposées dans deux récits entrelacés. La première remonte à 1943, au nord de l'extrême nord de l'Allemagne. Une région plate et sombre de tourbières au bord de la mer du Nord, battue par des vents violents, des pluies froides, des brouillards denses. le narrateur, prénommé Siggi, se souvient : il n'a pas encore neuf ans, son père est le brigadier — et unique effectif — du poste de police local, où la famille est logée. Non loin de là se trouvent l'habitation et l'atelier d'un ami, un peintre, Max Ludwig Nansen, un homme bienveillant, d'une bienveillance toutefois légèrement teintée de suffisance#8201;; il a une haute opinion de son talent et de ses devoirs d'artiste. Son oeuvre est appréciée par des amateurs éclairés, mais elle a été qualifiée de «#8201;dégénérée#8201;» par Berlin, qui lui signifie une interdiction officielle de travailler. Il revient au brigadier d'aller porter cette interdiction en main propre. le peintre lui oppose une forme d'incrédulité désinvolte : impossible d'arrêter de peindre, tant pis pour les risques encourus#8201;! Voilà qui attise l'agacement puis la rage du brigadier, qui, obsédé par son «#8201;devoir#8201;» de fonctionnaire, trouve insupportable qu'on le nargue en faisant fi des règlements. Chargé de veiller au respect de l'interdiction, il s'entêtera à remplir son «#8201;devoir#8201;», menaçant son ancien ami, confisquant des oeuvres, adressant des rapports à Berlin, tandis que l'artiste imaginera des biais pour poursuivre son travail, notamment par des peintures dites invisibles. Les relations entre les deux hommes se dégraderont. Au fil des mois, l'idée, puis la réalité de la défaite ne changeront rien à l'obstination du brigadier. Pendant tout ce temps, Siggi est partout. Accroupi dans des cachettes ou assis sur le porte-bagages du vélo de service paternel, il observe les personnes de son entourage, voit tout et comprend ce qu'il peut à son âge. Tandis qu'il se passionne pour le travail du peintre qui l'a pris en affection, la peur qu'il éprouve face à un père obtus et violent se transforme en mépris, en haine et en incompréhension. Dans son second récit, Siggi a vingt ans. Pour des motifs révélés dans un rapport de psychologie vers la fin du roman, il est détenu dans un centre de rééducation pour jeunes adultes. En cours d'allemand, on a donné comme sujet de rédaction : «#8201;Les joies du devoir#8201;». Assailli par une masse d'évocations, Siggi ne peut rien écrire. Sa copie blanche est prise pour un geste de rébellion et il est envoyé en cellule isolée jusqu'au rendu d'une composition correcte. Pris au jeu des souvenirs, il choisit de rester plusieurs mois à l'isolement afin d'achever le récit complet du long duel ayant opposé le peintre désormais célèbre (*), à son père, fidèle au poste, toujours aussi rigide, et sur lequel il ne cesse de s'interroger. Pour l'essentiel, les péripéties se situent en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, sans que les mots «#8201;nazi#8201;», «#8201;Hitler#8201;» et «#8201;juif#8201;» soient énoncés. Peut-être n'avaient-ils aucune résonance dans cette contrée rurale et sauvage du bout du monde#8201;! L'auteur s'est attaché à montrer comment le régime avait conduit certains à satisfaire leur bonne conscience dans l'exécution aveugle d'ordres stupides. Un sujet qui ne concerne pas que l'Allemagne nazie#8201;! Comme le dit le peintre : «#8201;Tout ce qui se passe dans le monde, tu le trouves ici…#8201;» L'auteur s'est laissé aller à observer de nombreux personnages secondaires, s'amusant de leurs faits et gestes. Il s'étend sur la grisaille triste des paysages, tranchant avec les couleurs vives des toiles du peintre. J'ai lu avec plaisir et intérêt ce livre, dont les longueurs ne plairont pas à tout le monde. (*) Pour le personnage de Max Ludwig Nansen, Siegfried Lenz s'est inspiré du célèbre peintre expressionniste Emil Nolde. Hitler détestait ses peintures, qui ont donc été jugées «#8201;dégénérées#8201;» et interdites. Il a toutefois été révélé récemment que Nolde avait été membre du parti nazi et qu'il était foncièrement antisémite. Rien de tel n'est allégué pour son double fictionnel dans le roman.

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Natiora

5.00 sur 5 étoiles

• Il y a 3 mois

Siegfried Lenz faisait partie du Groupe 47, aux côtés notamment de Günter Grass, qui avait pour objectif le redressement intellectuel de l’Allemagne. Si on en croit la quatrième de couverture, La leçon d’allemand a fait grand bruit lors de sa publication en 1968. Il s’agit du récit à la première personne de Siggi Jepsen, un jeune homme enfermé dans une prison pour délinquants sur une île au large de Hambourg. Il est mis à l’isolement en punition, car à la rédaction sur le sujet « Les joies du devoir », il a rendu copie blanche. Il n’avait donc rien à dire sur le sujet ? Au contraire. Il avait tant à dire qu’il n’a pas su par quel bout prendre la pelote d’idées qu’il avait en tête. Assis à une table, à regarder l’Elbe filer sous ses yeux, il entreprend de rédiger sa rédaction et de ne sortir de la cellule que lorsqu’il en aura terminé. Lorsque son histoire commence, nous sommes en 1943 et Siggi vit au nord de l’Allemagne, au bord de la mer. Loin des instances centrales du régime nazi qui exerce évidemment son pouvoir tentaculaire sur tout le territoire. Son père est le brigadier Jepsen. Docilement, il accomplit son devoir en suivant les ordres. Et lorsque ordre lui est donné d’aller voir son meilleur ami Max, peintre accompli, en lui remettant une lettre d’interdiction de peindre, il n’hésite pas à transmettre la consigne. La création artistique doit être étouffée, le régime totalitaire voulant un contrôle absolu sur tout. Créer c’est être libre. Siggi voit le brigadier (c’est comme ça qu’il appelle son père) effectuer son travail consciencieusement, obéissant sans remettre en question ce qui lui est demandé. On lui ordonne, il exécute. Si on ne peut pas parler de joie du devoir, il n’en reste pas moins qu’il y trouve la satisfaction du devoir accompli. Un bon petit soldat capable de dénoncer son fils aîné déserteur et d’outrepasser ce que ses supérieurs attendent de lui. Chacun croit alors faire son devoir, sans joie, mais par nécessité. Y compris Klaas, qui refuse de combattre. Y compris Siggi, qui entreprend de mettre à l’abri les oeuvres de Max. C’est autour de cette action que s’articule le roman. Les dialogues sont enchâssés dans les paragraphes. Le texte requiert de rester attentif et concentré pour suivre les évènements, pleinement décrits, si bien qu’on les voit se dérouler sous nos yeux. On est dans le rythme du temps long et cela fait du bien de renouer avec ce type d’écriture, visuelle et habile. Un roman puissant qui nous embarque dans les contrées nord de l’Allemagne. qui détricote ce qu’est l’obéissance et surtout sublime la désobéissance qui agit dans l’ombre face à la dictature arbitraire.

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Fiche technique du livre

  • Genres
    Romans , Roman Étranger
  • EAN
    9782221129111
  • Collection ou Série
    Pavillons Poche
  • Format
    Livre numérique
  • DRM
    Adobe DRM

L'auteur

Siegfried Lenz

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11,99 € Numérique 443 pages