L'ardente et très secrète Miles Franklin : Le livre de Alexandra Lapierre, Alice de Ferran

Encore une fois, Alexandra Lapierre nous raconte l'histoire d'une femme qui ne devrait pas tomber dans l'oubli... et dont je n'avais jamais entendu parler. Derrière ce titre extrêmement bien choisi (bravo à l'éditeur ?), nous découvrons le parcours incroyable de Miles Franklin, ou plutôt Stella Maria Sarah Miles Franklin de son vrai nom, cette femme du début du siècle dernier, entre l'Australie, les États-Unis, l'Angleterre... et même la Serbie. C'est une biographie romancée, il est donc difficile de critiquer la vie en question, qui pourtant vaut vraiment le coup d'être lue, mais plutôt s'attacher au style. Là encore : impeccable. Avec brio, Alexandra Lapierre nous rend cette jeune fille, puis femme, très attachante, et lie tous les événements qui jalonnent sa vie de manière fluide. Avec une interprétation personnelle sur un évènement, qu'elle met en lumière avec honnêteté dans la postface, mais tellement bien glissée qu'elle s'articule parfaitement dans le récit. Me faisant penser que l'autrice a sans doute vu juste ! Les pages se tournent toutes seules, ce livre se lit très facilement et nous offre une plongée dans le monde féministe du début du XXeme siècle. Un très bon moment.

Alexandra Lapierre nous plonge dans l'Australie rurale du début du XXeme siècle : le bush, c'est à dire les grands espaces australiens où Stella Franklin nait, grandit et s'y ennuie ferme. Mais elle s'adonne malgré tout à sa passion, l'écriture. Cette passion la conduira à Sidney , à Chicago, à Londres où elle s'engagera au péril de sa vie dans des combats pour l'égalité des hommes et des femmes dans le travail, et aussi pour leur reconnaissance sociale. Terrible gageure à l'époque qui nous rappelle tout ce que nous devons à ces pionnières. Enfin, son rêve le plus cher se réalisera lorsqu'elle sera reconnue comme écrivain. Ce livre, qu'Alexandra Lapierre qualifie elle-même de "vérité romanesque " est très documenté, et les talents d'écriture de l'auteur le rendent vivant et la complexité du personnage de Miles est rendue avec finesse. J'ai apprécié qu'Alexandra Lapierre ne se contente pas du combat féministe de Stella et qu'elle nous fasse vivre le combat de sa vie à savoir être reconnue en tant qu'auteur.

Dernière en date des femmes d’exception que l’Histoire n’a pas convié à son panthéon mais qu’Alexandra Lapierre fait revivre dans ses excellentes biographies, Miles Franklin et son destin hors norme de 1879 à 1954 frappent par leur avance sur leur temps. Fille de fermiers pauvres du bush australien, Stella Maria Sarah Miles Franklin rejette très tôt le destin d’« esclave domestique » que les conventions sociales, à travers le mariage, la maternité et l’obédience à un mari, promettent aux femmes de son époque. Lorsqu’à vingt ans, elle parvient à faire publier un premier roman rebelle et impétueux sous un pseudonyme masculin, le succès est fulgurant mais s’assortit bientôt d’un scandale local si assassin et misogyne quand son identité est découverte.que la jeune femme finit par partir aux Etats-Unis. Sans argent, elle travaille le jour et écrit la nuit, mais, là-bas aussi, ses manuscrits trop féministes pour son temps effarouchent les éditeurs. Qu’a cela ne tienne : Stella se fait militante de la cause des femmes et de l’amélioration de leurs conditions de travail, oeuvrant activement à la création des premiers syndicats d’ouvrières. Elle invente le journalisme d’immersion, poursuit son engagement en Europe et part comme infirmière sur le front des Balkans pendant la première guerre mondiale. Farouchement attachée à son indépendance de célibataire malgré ses multiples prétendants, elle ne cessera sa vie durant de lutter en faveur des plus fragiles, renouant finalement avec le succès littéraire après son retour en Australie en 1932 sous un nouveau et étrange pseudonyme : Brent of Bin Bin. Elle léguera sa fortune à la création d’un prix littéraire, aujourd’hui l’un des plus prestigieux et dotés qui soient, le Miles Franklin Literary Award. Soigneusement documentée et complétée d’une série de photographies en fin d’ouvrage, cette biographie a la fluidité immersive d’un roman, l’intérêt d’une histoire vraie restituée de manière vivante et crédible, ainsi que la fascinante originalité d’une personnalité aussi piquante que déterminée dans son décalage sur son temps. Combien de ces personnages historiques, des femmes bien souvent, qui de leur passion et de leur engagement ont fait avancer le monde et les mentalités avant de retomber dans l’oubli ? Un bel et juste hommage que cette passionnante évocation d’une fort intéressante figure de femme. Coup de coeur.

Une biographie romancée comme celle-ci est un vrai bonheur ! Le grand secret dans la vie de Miles est qu’elle écrit durant la nuit depuis son enfance. D’abord une œuvre sur la base de son propre parcours Une vie si difficile, si compliquée due à la mauvaise gestion des affaires de son père. Et donc le statut de femme mariée de sa mère serait sa pire destinée. C’est à dire perdre le contrôle de sa vie et n’exister que sous le joug d’un époux. Pourtant, elle ne réalisera ses projets qu’en terme d’écriture, continuellement engagée pour la justice sociale, l’égalité des sexes, la paix. Des combats qui la feront quitter son Australie natale, affronter l’Amérique et l’Europe aussi durant la première guerre mondiale. Ce n’est que dans le dernier tiers de sa vie qu’elle parviendra à concrétiser, éditer et enfin mondialiser ses productions écrites monumentales pour l’époque. Le contenu de ce roman est d’une densité folle, traduisant le destin pourtant si secret de l’héroïne. D’où son intérêt fabuleux. Je vous recommande l’auteure Alexandra Lapierre, experte dans ce domaine des romans biographiques historiques. MG