Le Harem du roi : Le livre de Djaïli Amadou Amal, Marie Sohna Condé

Coup de #9829; pour le nouveau livre de Djaïli Amadou Amal Le harem du roi. Entre modernité et tradition au Cameroun, on suit un couple d'érudits dont la vie est bouleversée lorsque le mari est appelé à régner. Il devient alors garant des traditions et de la religion, et le mode de vie du couple change du tout au tout. Ce roman très prenant dénonce la condition injuste des femmes dans certaines parties du monde, les mariages forcés et la polygamie subie. C'est un livre percutant, et cruellement d'actualité.

Tout accepter par amour ? Boussoura et Seini vivent à Yaoundé. Il est médecin, elle est professeure de littérature. Tous deux forment un couple moderne et mènent une vie de famille paisible. Jusqu’au jour où Seini est appelé à reprendre la succession de son père pour devenir lamido, le roi. Malgré elle, Boussoura suit son mari dans sa nouvelle vie et va en découvrir les déconvenues : des chambres séparées, des instants volés, des habitudes de vie bousculées mais surtout, comme le veut la tradition… elle va devoir partager son mari avec les autres femmes qui composent le harem du roi… J’ai eu un véritable coup de coeur pour ce roman. Bien que Seini soit paré des meilleures intentions quand il arrive au palais, ses convictions modernes ne feront pas long feu face au poids des traditions ; des traditions ancestrales prônant un modèle patriarcal, clairement dénoncé par l’autrice ici. Peut-on tout accepter par amour ? C’est par amour que Boussoura accepte les concubines du harem de son mari, allant même jusqu’à reconnaître les enfants qu’il aura avec elles. L’autrice fait le choix de donner une place particulière à ces concubines, ces femmes de l’ombre nées pour servir le roi. Elles seront “offertes” par leur famille dès leur plus jeune âge pour devenir les concubines du harem, ce qu’elles doivent considérer comme un privilège, quitte à gommer leurs rêves ou leurs aspérités. L’esclavagisme est également au coeur du roman : des familles sont nées serviles et leur destin sera de servir le roi, ce qu’elles doivent également considérer comme un honneur. On pourrait croire que cette histoire a eu lieu dans un autre temps pourtant elle se déroule de nos jours… Djaïli Amadou Amal nous offre un roman engagé, passionnant, brillant. A lire absolument !

Djaili Amadou Amal nous plonge dans un univers qui nous semble d’un autre temps mais qui est bien d’aujourd’hui malheureusement . L’autrice , grâce à une écriture sans fioritures nous dessine de manière simple les contours de cet univers où rien n’est demandé aux femmes , elles sont soumises à la tradition et rien d’autre peu importe leur rang social . L’injustice est criante ! Je n’ai eu de cesse d’être révoltée et de vouloir réagir à leur place. Merci à Djaili Amadou Amal d’avoir mis en lumière la situation de ces femmes qui nous amène à nous questionner sur l’humanité. Jusqu’à quel point peut on accepter l’inacceptable dans tous les sens du terme , comme Boussoura qui le fait par amour et nous parce que nous oublions qu’elles sont des êtres humains comme nous.

Que faire ? Lorsque le compagnon d’une vie, l’époux qui est resté à vos côtés pendant 25 ans, qui a été un bon mari, un bon père, décide d’accepter de devenir lamido, chef des croyants ? Faut-il accepter le choix de son mari qui va de pair avec un bouleversement total de votre vie ou décider de divorcer avec toutes les conséquences que cela implique ? Voilà le choix auquel est confronté Boussoura, épouse de Seini, lorsque ce dernier décide d’embrasser son héritage. C’est ainsi que la vie du couple se trouve chamboulée et que Seini devient un lamido à la tête d’un harem. Ce roman, publié aux éditions Emmanuelle Collas, est le troisième que je lis de cette autrice. Là encore, c’est une lecture que j’ai beaucoup aimé. Djaïli Amadaou Amal montre comment le poids des traditions et de la religion pèse sur les femmes. La pression familiale, le manque de perspective économique, ou encore les violences les incitent à accepter de devenir des concubines. Certaines y trouvent leurs comptes, et même le bonheur, d’autres, au contraire, s’ennuient dans cette prison dorée. Mais toutes sont impactées par ce système. L’autrice expose les motivations de Seini qui souhaite accompagner le changement, moderniser des mœurs qui lui paraissent dépassés, mais qui finit par se retrouver complice et acteur de ce qu’il entendait dénoncer. J’ai aimé lire comment Boussoura tente de réagir à cette situation. C’est une femme instruite qui se retrouve enfermée, à un âge où elle ne pensait plus que cela pouvait lui arriver, dans un palais régi par la tradition et la religion. L’autrice écrit, comme à son habitude, dans un style fluide et les pages se tournent à toute vitesse. Encore un beau roman signé Djaïli Amadou Amal.