Le Harem du roi : Le livre de Djaïli Amadou Amal, Marie Sohna Condé

Défi globe trotteurs : Cameroun. La vie dans ce harem contemporain (on mentionne 2024, année de la sortie, les enfants lisent des mangas) le harem du titre, est régie par un ensemble de règles qui sembleront archaïques au lecteur, arbitraires, mais qui font fonctionner ce système quasiment autonome et fermé. On ne refuse pas les cadeaux. Le roi du titre, c’est le prince Seini, un médecin d’âge mûr; moderne, féministe et marié de facon monogame à une prof de lettres, Boussoura, comme lui. Ce Seini, donc, a accepté de vivre en lamido (le roi) dans ce harem où vivent des esclaves « bien traitées »et des concubines « très honorées » dont une mineure, qui ne comprennent tout simplement pas qu’il puisse en être autrement. Boussoura est atterree que son mari accepte aussi vite les règles, ces règles de polygamie, où les femmes ne peuvent sortir et où certaines sont esclaves. Il leur donne de l’argent de poche, c’est dire… L’écriture est fluide, claire, limpide. Je le qualifierais de « page Turner » en bon français. On a une immersion dans les mentalités car c’est un roman de mœurs; presque naturaliste. On se demande quelle décision prendront les personnages, si l’amour peut résister à ces épreuves, et l’on suit la gué guerre entre les concubines pour un lamido à peine au courant. Non, sans blague, je dis cela avec distance, mais le lecteur est un peu extérieur, et il faut savoir prendre du recul (meme chose quand le premier ministre dit que le système esclavagiste favorise le partenariat et l’amitié inter ethnie, et ce le plus sérieusement du monde). Le lamido est discret et aimerait au fond de lui affranchir les concubines, mais elles seraient à la rue, et les scandales le fatiguent. On aimerait se dire « à sa place je mettrais le système en l’air » mais la vérité est qu’il en tire profit et que c’est plus facile que ça en a l’air… la situation est peu vivable pour Boussoura. L’écriture est engagée, comme l’est cette autrice de littérature africaine. Pour finir, quand je l’ai presenté en club de lecture (chacun presente un livre différent), une lectrice m’a demandé quel plaisir l’autrice qui a elle meme subi un mariage forcé a pu prendre. Je pense qu’il y a beaucoup d’analyse psychologique et sociologique. Ce qui meut ce livre, c’est le besoin de comprendre. Et si Boussoura est l’héroïne, le roman a des aspects chorals et plusieurs points de vue, y compris de personnages antipathiques (ex Habibatou, favorite des concubines officielles) nous sont donnés.

J'ai beaucoup apprécié ce livre. Il m'a beaucoup appris. J'ai peu, voir pas lu du tout de livre sur l'Afrique, je connaissais Yaoundé vaguement parce que ma soeur y a déjà été, mais j'ignorais complétement l'existence de ses lamidats. Le sujet principal de la polygamie, et notamment la réflexion de l'amie de Boussoura fait réfléchir: "Peut-être parce qu'on aime on passe justement tout, fait Sakiné avec tristesse". Quand j'ai accepté de rester après le premier remariage d'Adamou, vous m'avez toutes jugées. "Aucune ne m'a posée la vraie question! Qu'est ce que je veux moi? Qu'est-ce qui me rend heureuse moi?

Je recommande vivement ce livre : il se lit facilement et pousse à la réflexion. Mais au fond, c’est quoi l’amour ? Ce n’est pas uniquement la rencontre entre deux personnes. L’amour, c’est aussi l’amour de soi, l’estime de soi. Parce qu’en réalité, comment peut-on aimer quelqu’un si l’on ne s’aime pas soi-même ? L’amour, c’est un besoin émotionnel, un sentiment de sécurité, un confort affectif, social, parfois même financier. L’amour, c’est l amour …

Les traditions ne sont pas à l’origine du bonheur des femmes, en Afrique. Elle y sont soumises. Le plus souvent, elles n’ont pas le choix de ce joug qui pèse sur leurs épaules. De cette épée de Damoclès qui se balance au-dessus de leur tête. Ces traditions s’abattent sur elles, comme la misère sur les pauvres. Boussoura est mariée à Seini depuis vingt cinq ans. Ils ont quatre enfants. Leur quotidien se déroule sans heurts. Un jour, Seini hérite du titre de lamido. Il est devenu roi avec tout ce que cela comporte en matière de tradition, de religion, de coutume. Quel sera le rôle de Boussoura dans le palais? Acceptera t-elle tout ce que lui imposent la tradition et les protocoles? Ils sont si nombreux et stricts. Si contraignants. Boussoura se sent perdue. L’auteure a, à cœur, de parler de la femme africaine. Des traditions qui limitent sa liberté. En général, elle nous présente les difficiles traditions peules. qui sont très strictes pour les femmes. Dans ce roman, elle montre à quel point certaines femmes sont écartelées entre modernité et tradition. Elle démontre le choix cornélien de ces femmes. Boussoura, professeur de littérature, et Seini, médecin, se retrouvent face à ce fil d’Ariane qu’ils ne peuvent démêler facilement. Boussoura se pliera t-elle aux lois traditionnelles? Ce n’est pas un cri que pousse l’auteure. C’est d’une évidence dont elle parle afin de pousser la réflexion très loin. Que faire des traditions qui bouleversent, voire détruisent des vies? Des traditions faites pour le bien-être des hommes. L’histoire de chacune des femmes du harem, montre à quel point la tradition et l’éducation annihilent tout sens de révolte et imposent l’obéissance aveugle. En tant que femmes, elles n’ont pas la mainmise sur leur destin. Cependant. les humains sont-ils obligés de suivre les traditions aveuglément. Boussoura pousse la réflexion plus loin. Est-elle obligée, en tant qu’épouse, d’accepter sa place dans le harem? Qui sont ces concubines qui se sont introduites dans son couple? Seini, son époux, en acceptant de monter sur le trône, a accepté la tradition dont il devient le garant. A-t-il le pouvoir et le droit de changer certaines choses? En tant que roi, a-t- il réfléchi aux conséquences que cela pourrait entraîner dans son ancienne vie? A-t-il seulement pris le temps d’y réfléchir?