Le Roi-Nu-Pieds : Le livre de François d' Epenoux

Éric la cinquantaine vit correctement avec femme et enfant, une maison une bagniole et un boulot plaisant dans la publicité. En vacances à bord de l’atlantique chez mamine la mère d’Eric, débarquent un matin Niels (le fils d’Eric d’un premier mariage) Tania sa compagne et leur chien. Niels est un marginal qui vit avec sa compagne à la ZAD Notre Dame des Landes et l’entente entre le père et le fils n’est pas au beau fixe, la cohabitation risque d’être dure. Quelques jours plus tard, Éric ne supporte plus le comportement flemmard de son fils et lui demande de quitter les lieux. Deux années plus tard, Éric se retrouve sans emploi et c’est la descente aux enfers, femme et enfant quittent le foyer et Éric se trouve à la rue criblé de dettes. Il décide alors de rejoindre son fils à la ZAD et sortir de sa zone de confort et affronter son fils. Un récit sur les conflits intergénérationnels mais pas que. Le père et le fils sont à l’opposé et chacun défend sa manière de vivre mais la meilleure façon de comprendre l’autre est de vivre comme lui. Le père y arrivera t-il ? Note : 3,5 / 5

François d’Epenoux a un goût prononcé pour les histoires de familles : il explore les tribus, les familles recomposées, et ces fissures intimes qui rapprochent ou éloignent les générations. L’auteur du touchant « Les Papas du dimanche » - adapté au cinéma en 2012 - ne crée jamais de personnages extravagants. Au contraire, il s’inspire du quotidien, de vous et moi. Et c’est avec tendresse qu’il en tisse le récit, une marque de fabrique qui lui est propre. Niels, le fils d’Éric, a décidé de s’installer dans la fameuse ZAD (Zone à defendre) de Notre-Dame-des-Landes, où il a trouvé des personnes partageant ses idéaux : revenir à l’essentiel et s’éloigner d’une société consumériste. Pour Éric, cette rébellion n’est qu’une phase, une mode passagère. Des « hippies du 21e siècle », il en voit partout. Ils protestent, vivent en marge, mais tout cela finira bien par s’apaiser, pense-t-il. Sauf que cette année, après plusieurs années sans aucune nouvelle de son fils, Éric a la surprise de voir débarquer son fils aîné venir passer des vacances dans la maison familiale de Lacanau-Océan. C’est alors que le père mesure l’ampleur du changement : Niels est devenu « un roi aux pieds nus », négligeant son apparence et sa propreté. Les premiers jours se déroulent sans accroc, malgré le choc des modes de vie. Mais l’incompréhension d’Éric face aux choix de son fils, ainsi que les anciennes rancœurs, ne tardent pas à ressurgir et à empoisonner l’atmosphère. Éric peine à accepter cette existence marginale, loin du confort et des valeurs qu’il prône. Ce fils autrefois proche lui paraît désormais un étranger dont la nonchalance et le style de vie frôlent, à ses yeux, l’irrespect. Chaque parole semble cristalliser un peu plus leurs divergences, et l’incompréhension se transforme en conflit ouvert… Le roman est structuré en deux parties. La première s’attarde sur le père, Éric, avec son confort bourgeois, son aisance financière, et ses reproches acerbes à l’égard du mode de vie de son fils Niels. Il critique violemment les choix de ce dernier, allant jusqu’à prononcer des mots blessants. En deuxième partie, le récit bascule et se concentre sur la transformation d’Éric, et les bouleversements profonds qu’il traverse. C’est précisément ce qui rend « Le roi-nu-pieds » si captivant, c’est cette quête initiatique qui ne concerne pas Niels, mais Éric. C’est bien le père qui apprend, qui progresse, et qui évolue, tandis que Niels, en adoptant un mode de vie simple, lui offre une véritable leçon. Éric est amené à réévaluer ce qu’il considérait comme essentiel : son confort matériel, sa voiture, ses vacances luxueuses – tous ces symboles de réussite sociale. Le roman pose une question cruciale : qu’est-ce que réussir sa vie ? François d’Epenoux met ici en lumière une thèse tirée des besoins fondamentaux de la pyramide de Maslow, selon laquelle la surconsommation n’apporte pas le bonheur, et que les signes extérieurs de réussite ne définissent pas la valeur d’une vie. Dans cette œuvre, Éric réalise que revenir à l’essentiel, à la terre, peut être source de satisfaction profonde. C’est intéressant mais soulignons que cela souffre parfois d’un certain angélisme. La transformation du père, bien que touchante, semble à un moment un peu trop idéalisée. On pourrait attendre plus de nuances dans la manière dont le changement est abordé, une exploration plus approfondie des résistances intérieures d’Éric. Fort heureusement, la fin du récit propose une morale mesurée et juste, soulignant la possibilité de rédemption et de renouveau sans tomber dans un optimisme béat. Cette résolution n’est pas présentée comme une panacée, mais plutôt comme une invitation à réfléchir sur ce qui constitue vraiment le bonheur et le sens de la vie. François d’Epenoux explore avec tendresse les relations père-fils et les luttes intérieures face à un bouleversement de vie. Malgré un excès d’optimisme qui peut parfois virer à l’angélisme, ce roman a le mérite d’explorer une relation père-fils comme on en voit peu. Une relation dysfonctionnelle qui met en lumière deux mondes que tout oppose. Ils vont déconstruire les préjugés l’un de l’autre… et ceux du lecteur avec.

Quel plaisir de découvrir ce court roman, qui m'a d'abord intrigué par le titre, puis par la couverture, qui appelle à un voyage mais aussi à la quête d'un refuge. C'est un peu tout cela que j'ai retrouvé à travers l'écriture de François d'Epenoux, une ode à la nature et au bien-être qu'elle génère, ainsi qu'un voyage initiatique vers un idéal d'un monde sobre, loin des arbres qui pleurent, déracinés par notre soif de toujours-plus et des animaux qui se meurent, lasses d'une nourriture devenue trop rare. C'est avant tout une histoire familiale, qui se mêle à celle de l'auteur, dont il m'a confié s'être librement inspiré. Le père et le fils se confrontent, l'un fermement attaché à ses racines bourgeoises, l'autre ne voulant laisser son empreinte sur une planète déjà bien trop endommagée par note surplus de pas. J'ai trouvé ce roman profondément beau, parce qu'il laisse la place à deux voix, qui font écho à deux générations, deux façons d'accueillir l'avenir toujours plus incertain. De plus, Niels comme son père ont leur part d'ombre, d'humanité, de faille, et j'ai aimé les entrapercevoir à tour de rôle. Cela rend dès lors le tout plus réaliste, plus concret. J'aurais certainement aimé en connaître encore plus sur cette ZAD qui a défrayé les chroniques, mais dont l'image a malheureusement souvent été entachée par des préjugés infondés, des idées reçues dont notre regard occidental a encore beaucoup de mal à se défaire. Merci à François d'Epenoux de m'avoir accordé du temps, lors d'une entrevue lors d'un salon, et d'avoir partagé avec moi un court échange sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur.