Les Echappés : Le livre de Renaud Rodier

« Les échappés » est le premier roman très réussi de Renaud Rodier. Qu’ont en commun Émilie, jeune française polyglotte et riche, Lauren, survivante d’une fusillade meurtrière dans son lycée du fin fond du Kansas, Nathaniel, jeune garçon solitaire qui devient une star planétaire, Aashakiran, jeune indienne intouchable qui rêve d’étoiles ? Il ne vous reste qu’à lire ce beau roman aux voix multiples pour le savoir…

Un récit qui me laisse sans voix. Ils ont tous vécu de grandes choses, bonnes ou mauvaises. Leur histoire se croisent, s'entrechoquent. Ils viennent de tous horizons, des quatres coins du monde mais ne sont ni plus ni moins des humains dans un monde qui les dépassent. Les suivre de l’enfance à l’âge adulte, vivre avec eux les moments clés de leur vie m’a plongé dans leur univers. J’ai cherché à me mettre à la place de chacun, de voir le monde avec leurs yeux. Cette perspective nouvelle à faire naître en moi des réflexions personnelles auxquelles je n’aurais probablement pas songé autrement. J’ai ainsi bénéficié d’une introspection tout en plongeant dans des vies loins de la mienne, différentes et pourtant semblables. Pour celleux qui aiment les romans contemporains intenses, celui-ci est à lire au moins une fois dans sa vie.

Merci à l'opération masse critique de babelio et à l'équipe pocket pour ce roman. Le 1er chapitre m'a beaucoup décontenancé en omettant tout ce qui introduit généralement un roman : un lieu, une époque, des personnages. Là tout semblait irréel, rien à quoi se raccrocher. Je me suis dit que c'était sûrement un récit se déroulant dans un univers imaginaire, post apocalyptique ? Puis ensuite, les chapitres suivants ont rebattu les cartes : peut-être était-ce plutôt un recueil de nouvelles? Chaque chapitre me ferait découvrir un nouveau personnage? Mais alors les 500 pages à venir s'annonçaient longues! Et puis, petit a petit, j'ai commencé à comprendre qu'une réelle intrigue se mettair en place et que tous ces personnages ont sûrement une bonne raison d'être réunis dans ce roman! Ensuite, je dois dire que j'ai adoré ce livre. Il est très addictif, et j'ai eu du mal à le lacher tellement je souhaitais savoir ce qui allait arriver à chacun des personages et à quel point leurs vies sont nouées / reliées. Ce qui est drôle c'est qu'habituellement je n'aime pas du tout ces histoires où le hasard amène des personnages qui n'ont rien en commun à se croiser. Je trouve que c'est toujours tiré par les cheveux. Mais là, à part à deux ou trois moments où ce recours au hasard m'a paru un peu facile et improbable, cela fonctionne plutôt bien. J'au suivi avec plaisir l'évolution des différents personnages, avec bien sûr un attrait particulier pour Lauren et son destin final, puisqu'en filigranes c'est quand même son histoire. En outre, j'ai apprécié les descriptions de lieux et les références à des oeuvres ou romans. Ces allusions m'ont donnés envie de les découvrir. Cela apporte une vraie ouverture, une personnalité au récit, et peut peut-être aussi un sentiment de connivence avec le lecteur qui partage les mêmes références. Bref ce fut une belle découverte: 527 pages que que je n'ai pas vues passer.

Renaud Rodier a écrit un roman parfait. C’est dit. Des rencontres se font ou non. Dans mon souvenir, une chronique de ce roman choral m’a donné rendez-vous l’an passé. Dithyrambique et pleine de pudeur. Sans en dévoiler trop et en insistant sur l’urgence de cette lecture. J’ai su que je lirais ce livre. C’est fait. Une expérience marquante. Nous héritons de gènes. Notre vécu et notre sensibilité nous façonnent. Ainsi en est-il des personnages de Renaud Rodier. Qui se rencontrent ou non. Ils ont des rêves et des espoirs, subissent les aléas de l’existence, prennent des décisions. Tout est fragile, éphémère, mouvant. La vie est une suite de choix conscients, d’épisodes subis, de hasards, de promesses, de tentatives, de réussites, d’échecs, de silences, d’actes manqués, de questionnements, de doutes. Chacun poursuit sa quête, fuit ses démons, cherche un sens à donner à tout ça, essaye de définir « tout ça », pour ne pas se perdre ou sombrer. La recherche d’un bonheur fugace ? de la vérité ? de quelle vérité ? d’une âme sœur ? d’une réalité ? d’une planche de salut ? Renaud Rodier nous fait voyager. Autour de la Terre. En nous. Profondément. Il nous balade aussi. Pour notre plus grand bien. J’ai frissonné tout au long de cette lecture. J’ai retenu mon souffle. J’ai senti mon cœur palpiter. J’ai été touché, ému. J’ai relu des phrases, des paragraphes. En communion avec ces échappés. Je me suis raccroché aux références familières (Led Zep, Le rayon vert, Hitchcock, l’ambigu Hotel California, etc). J’en ai découvert. Après le prologue, j’ai mis Pink Floyd dont les albums ont accompagné cette lecture, avec une prédilection pour Wish you were here et The final cut. Le groupe est cité page 217. Un autre pont ? Quand musique et mots se rejoignent. Nous étions faits pour nous rencontrer, Les échappés et moi. Un roman ultime, absolu, singulier, humain, riche, sans rien de superflu, servi par une plume remarquable. Ne passez pas à côté de ce chef-d’œuvre littéraire. Je le relirai.