Les Sept Vies du Marquis : Le livre de Jacques Ravenne

Intéressant la façon dont se roman est construit. Aussi, aborder les vies du marquis du point de vue de sa famille et du contexte social d'époque donne un éclairage différent à une oeuvre qui peut être suffisamment résumée à son aspect érotique et obscène. L'auteur juxtapose habilement les vies du marquis (un suppôt du Mal) à celles d'un prêtre (un suppôt du Bien) qui, lui aussi réussit à traverser vivant les années mouvementées de la fin du XVIIIe siècle français.

Ce roman m'a « accrochée » d'une part parce qu'il était écrit par Jacques Ravenne, un écrivain-historien dont je connais les oeuvres écrites conjointement avec Éric Giacometti et que j'apprécie et, d'autre part, car si je connaissais le nom du « Marquis de Sade », j'ignorais totalement tout de sa vie, et encore moins, ses oeuvres littéraires, puisqu'il a été manifestement un écrivain célèbre. Je savais néanmoins que l'origine du mot « sadisme » était liée à son nom et j'avais ainsi une vague idée d'un homme à la réputation sulfureuse de libertin, à l'origine de ce qu'on appelle aujourd'hui les pratiques sadomasochistes ou « bondage ». A soixante-quatre ans, il m'a semblé nécessaire de combler cette lacune. Mon appréciation globale sur ce roman biographique est que le pari est particulièrement réussi et à quelques réserves près, j'ai vraiment passé un bon moment de lecture. Jacques Ravenne indique d'ailleurs, en fin d'ouvrage qu'il est « tombé épris De Sade, l'année de [ses] vingt ans » et « qu'il a reconnu en [lui] une voix, profonde et familière, que ne [l'a] jamais quitté. » Et cela se ressent dans la façon dont il écrit cette biographie romancée. Un pari réussi à plus d'un titre : 1/ Il donne à voir et à comprendre les différentes étapes de sa vie, de son enfance à sa mort, et ce dans un suspense quasi haletant (Sade est souvent amené à agir dans l'ombre, dans des lieux interlopes, à se cacher, à déjouer les pièges de la police ou d'une justice en quête de bouc émissaire). Comme dans une fuite en avant dont on pressent qu'elle ne peut aboutir qu'à la mort… 2/ de même que le lecteur chemine dans cette vie dissolue, passionnée, souvent outrancière et outrageante, celui-ci est également amené à découvrir les différentes périodes de l'Histoire de France (le royalisme, la Révolution, le Directoire, puis l'Empire) avec ses dérives. Il donne ainsi à voir ce siècle des Lumières sous un autre angle et beaucoup moins romantique ! 3/ Il montre aussi sans fard les mœurs dissolues de la noblesse d'alors, mais aussi les disparités de traitement (d'un certain laxisme à la répression totale) selon l'époque, mais aussi selon le rang social. Il faudra toute la détestation d'un Fouché pour que Donatien de Sade connaisse enfin les affres de la prison et de l'internement. Attention ! les descriptions de certaines scènes peuvent choquer des yeux ou des oreilles non averties. 4/ Il réussit le défi de rendre presque sympathique un personnage des plus odieux à l'endroit des femmes : certes, il tombe deux fois follement amoureux et aime en général ses partenaires. Mais, il y a aussi tous ses agissements en direction de femmes du bas-peuple auxquelles il n'est pas attaché et là, on tombe dans un autre registre : celle de la violence ordinaire (ou ici extraordinaire) faite aux femmes et qui, hélas, perdure à ce jour : emprisonnements, domination, violences et tortures, pratiques sexuelles imposées sans consentement, pédophilie, voire meurtres). On se dit, bah oui, à cette époque, la vie d'une femme n'avait guère de valeur… mais cela ne doit en aucun cas excuser ces faits qui, dès lors qu'ils sont imposés, constituent des crimes. 5/ Et puis, il y a la découverte des engagements politiques d'un Sade (qu'on trouve du côté du peuple, cherchez l'erreur) et de son activité d'écrivain sulfureux. En effet, son ambition était vraiment de théoriser – pour mieux partager et donc développer – sur ces pratiques sexuelles d'un autre genre. S'il n'a pas vraiment été reconnu comme écrivain par ses contemporains, on sait aujourd'hui qu'il est célèbre à travers le monde notamment pour ses écrits. Pour ma part, je n'ai rien lu de lui. Ce roman a donc aiguisé ma curiosité de lectrice, mais dans le même temps, son rapport aux femmes me révulse tellement, que je ne suis pas sûre de vouloir perdre du temps à le lire ! Si mon appréciation est globalement positive, un petit bémol néanmoins : au début, j'ai connu quelques moments de flottement. Bizarrement, je me suis aperçue que, dans mon imaginaire, je pensais « Casanova » quand je lisais « Sade », raison pour laquelle je ne comprenais pas bien que l'action se déroule en France. Mais, je vous rassure, j'ai vite rectifié le tir. J'ai eu aussi des hésitations quand l'auteur évoque le Sade père (on ne sait plus bien de qui il parle) ou le Sade fils, fils de Donatien, évoqués dès les débuts du livre. Oui, la chronologie n'est pas toujours respectée, aussi il convient d'être très attentif. Peut-être un repère généalogique en début de livre aurait aidé. Ce roman biographique constitue une première approche de la découverte de l'homme et du personnage Sade. Ma recommandation serait que si vous vous sentez à l'aise avec ce type de thématique, poursuivez par la découverte de ses oeuvres littéraires. Pour ma part, je suis contente d'avoir pris le temps de lire ce roman qui m'a permis d'enrichir ma culture personnelle sur un personnage – certes controversé – mais néanmoins constitutif de notre Histoire de France et de notre culture littéraire. Et, je peux vous l'assurer, vous ne verrez plus jamais d'un œil blasé les scènes de sadomasochisme ou de bondage dans vos séries préférées !

Le 2 juin 1740, Monsieur Sade, père, quitte le lit de sa maîtresse pour aller faire la connaissance de son fils. Quatre ans plus tard, Donatien grandit au milieu des dettes, des calomnies, des adultères, seuls cadeaux que son père ait laissés à sa mère. Que deviendra Sade, adulte, marié contre son gré à une femme qu'il n'aime pas afin d'éponger les dettes de sa famille ? Qui connaît vraiment la véritable histoire de cet écrivain à la réputation sulfureuse ? Un seul homme, Joseph Fouché... Oui, un homme, Joseph Fouché. Fasciné par l'auteur, le ministre de la Police ne cesse de traquer ses moindres faits et gestes. Après la mort de Donatien, Fouché va révéler toute la vérité sur les sept vies du marquis. A travers ce roman, vous serez plongé dans la vie tumultueuse du marquis écrit par un passionné, Jacques Ravenne. Le fond historique est respecté, détaillé. On suit le Marquis à grand pas, ça n'est jamais ennuyeux. Avec l'impression, une fois de plus, que la réalité a de loin dépassé l'imagination de n'importe quelle histoire romanesque. Ravenne et le Marquis nous emportent dans un roman tumultueux, dans les coulisses de la Révolution et de la Terreur, entre Paris, Marseille et le Lubéron. Un roman passionnant !