L'odeur des pins - Ma famille et ses secrets : Le livre de Bianca Schaalburg, Bianca Schaalburg

Le récit de la quête d'identité raisonne dans plusieurs lecteurs. Plus d'un s'est posé la question de ce que faisait papi pendant la guerre. Pour beaucoup le silence a côtoyer le mensonge car certains secrets doivent le rester. Bianca Schaalburg pour avoir des réponses part en quête sur un passé trouble. Difficile d'avoir des réponses quand tout se passe dans l'Allemagne nazi. Le grand-père a longtemps porté la moustache à la Hitler. Grâce à des voyages dans le temps, on se met à rencontrer l'ensemble de la famille. La bédéaste par conséquent rajoute des éléments pour combler le vide. Le cerveau a horreur de ces zones d'incertitude. Alors on accepte ce parti pris d'inventer par rapport à ce que l'on pouvait savoir de cette époque. Délicatement, elle souligne qu'il était fort peu probable qu'ils savaient tous sur le sort réservé aux juifs. Personne ne voulait prendre leur place et continuer à gérer la pression sociale. Le fait de les envoyer des camps pour que leurs biens immobiliers puissent être occupé par de vrais allemand. Les plus partisans avaient de beaux logements. Bien que les chapitres soient courts, on s'y perd un peu parfois surtout que beaucoup de personnages se ressemble. L'Histoire complexe de l'Allemagne se dévoile entre les périodes de faste, de peur et de profonds changements. Comme quoi une famille ne s'inscrit jamais dans un court délai. Elle s'inscrit dans le passé et aussi dans l'avenir.

Dans ce roman graphique, l'autrice-illustratrice berlinoise Bianca Schaalburg enquête sur le passé de sa famille pendant la seconde guerre mondiale. Déjà en 1979, après la diffusion à la télévision Ouest-allemande de la série américaine "Holocauste, l'histoire de la famille Weiss", Edda, la maman de Bianca, avait bien essayé de questionner Else, sa mère, qui avait alors répondu "Je ne savais rien." En avril 2018, Bianca Schaalburg effectue des recherches sur les Stolpersteine posées dans le quartier de Zehlendorf, quartier de ses grands-parents. Elle découvre alors avec stupeur que trois Stolpersteine ont été posées devant Eisvogelweg 5, à l'adresse-même de ses grands-parents pendant la guerre ! Cela signifie que ces trois personnes , très peu de temps avant l'emménagement de des grands-parents de Bianca, habitaient cette maison. Avant d'être délogées et déportées. Clara Hip, Carl Loewensohn et Marguerite Silbermann. Dès lors commence une enquête pour retrouver les traces de ces trois habitants, mais aussi le parcours de ce grand-père, Heinrich, prothésiste dentaire de formation, inscrit aux jeunesses hitlériennes et enrôlé dès le début des combats sur le front de l'Est, vers Riga, comme le montre une des photos retrouvées dans les albums de famille. Inutile de vous dire que j'ai adoré cette enquête passionnante qui nous entraîne dans Berlin et ses alentours, de 1939 à nos jours. Afin de guider le lecteur, Bianca Schaalburg utilise très judicieusement des codes couleurs différents selon les époques évoquées. Ainsi le présent est en violet, la période de la guerre en brun, les années 1970 en orange... A Berlin, moi qui suis passionnée par l'histoire si particulière de cette ville, quand je m'intéressais à un événement précis et que je me rendais sur les lieux, j'ai souvent ressenti ce que je retrouve dans ce roman graphique. Etre là et imaginer ce qui a pu se passer 85 ans ou 40 ans plus tôt. Et ça, Bianca Schaalburg le transcrit d'une très belle façon dans ses dessins. Ce livre est une reconstitution de l'histoire de sa famille, faite des quelques témoignages des personnes encore en vie (dont son oncle Hein) et des recherches dans les différentes archives consultables, des années 1930 jusqu'à nos jours, en passant forcément par la période du mur puis de sa chute (là aussi, en consultant les archives Bianca apprend des choses qu'elle ignorait...) C'est donc une histoire de l'Allemagne, une histoire de Berlin que nous raconte l'autrice. Et à travers cette histoire, un merveilleux hommage aux trois mystérieux habitants du Eisvogelweg 5. Pour qu'on ne les oublie pas. Dans la vingtaine de pages constituant l'annexe, que j'ai beaucoup consultées tout au long de ma lecture, figurent un plan détaillé et légendé du quartier, un arbre généalogique, des pages détaillées sur les protagonistes de l'histoire (Gunter Demnig y figure, ainsi que le Juste parmi les nations Otto Weidt, Alice Licht ou Julius Leber), ainsi que différents lieux ou événements (Theresienstadt, le camp de Sachsenhausen, Berlin divisée, la prison d'Hohenschönhausen...) J'ai lu ce roman graphique à Berlin, ce qui m'a permis de ma déplacer dans les différents lieux (atelier d'Otto Weidt à Rosenthaler Str.39, Onkel Tom Hütte...) et a donné un goût particulier à cette histoire. Une magnifique lecture, que je ne peux que vous recommander. Merci à mes collègues grâce à qui j'ai acheté ce roman graphique à la librairie Les Traversées avant mon départ de Paris !

Voici un thème que je n’ai encore jamais rencontré dans mes lectures, pourtant j’imagine que dans la littérature moderne allemande, il doit être bien présent. Il s’agit de la reconstruction de l’Allemagne avec le poids de la honte de leurs actes pendant la guerre, ou plus précisément, l’effet de ce poids sur les générations suivantes. On va suivre la famille de Bianca Schaalburg tout au long du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, avec en point central, les actes éventuels du grand-père en Lettonie. Un sujet dont on ne peut parler, la grand-mère ne cessera de répéter : “On ne savait rien.” D’ailleurs, on ne saura jamais vraiment le degré de son implication, exécuteur zélé ou simple gratte papier ? Le silence familial sur son rôle laisse planer le doute, et l’autrice, sa petite fille, n’aura jamais de réponse franche, mais elle oriente cependant notre choix, pudiquement, comme pour ne pas froisser les siens. J’ai découvert une histoire de l’Allemagne absolument passionnante, mais aussi terrifiante. Ça commence par la montée du nazisme, on découvre ensuite la guerre vue par les familles à l’intérieur du pays, les privations, les spoliations, puis la défaite, la découverte de l’horreur, la Guerre Froide, la division de l’Allemagne, mai 68, la chute du mur, l’ouverture des archives… Je trouve ça intéressant de revoir l’histoire allemande vue de l’intérieur, d’un point de vue allemand, alors que l'après-guerre ne m’est connu presque uniquement que de notre point de vue français. L’épuration n’a pas du tout le même sens chez eux, c’est très intéressant de voir cette époque par un autre angle. Il y a malheureusement beaucoup de personnages, Bianca Schaalburg fait le tour de ses oncles et tantes, mais aussi des juifs dont ils ont récupéré la maison par spoliation, cela fait beaucoup de trajectoires, on saute d’une époque à l’autre, on s’y perd parfois, c’est un peu confus, j’ai découvert l'arbre généalogique à la fin de l’album, il aurait mieux fallu le mettre au début. Ce défaut doit être moins gênant pour le lecteur allemand dont les références sont plus évidentes. Et malgré cela, cette lecture est vraiment édifiante, enrichissante. J’ai aimé le point de vue, celui des générations suivantes qui s’interrogent, après le passé douteux de leurs ancêtres. Bianca Schaalburg à su retranscrire ces sentiments sans doute très courants, de doute, de suspicion, de honte avec lesquels l’Allemagne doit avancer encore aujourd’hui. C’est là que se situe la force de ce roman graphique qui ne se contente pas d’étaler des faits, mais bien d’en traduire les ressentiments. On dérive parfois vers un chemin de rédemption par génération interposées, mais l’écriture de ce livre parait comme un passage obligé, une nécessité, une expiation personnelle et collective. Je pense qu’outre-Rhin, cette publication a dû avoir un autre impact, mais même pour nous, à l’heure de l’Europe unie (et parce que ce n’est pas encore totalement gagné, justement), c’est vraiment une lecture à découvrir.

Club N°58 : BD non sélectionnée ------------------------------------ Une histoire de famille et de secrets, avant, pendant et après la période du nazisme. Il est assez rare, en France, d'avoir ces témoignages du côté Allemand. Une écriture classique mais néanmoins réussie. Laurent ------------------------------------