L'Oiseau moqueur : Le livre de Walter Tevis, Eric Chantelauze, Anne-Sophie Nallino

Coup de coeur ! Années 2350, New York : des bungalows, des terrains vagues à Manhattan, peu d'habitants, des robots gèrent tout, les êtres humains n'ont plus rien à faire, ils ne savent plus lire ni écrire, ils regardent la télé, s'immolent régulièrement dans des lieux publics, fument des joints à longueur de temps et gèrent leur émotions en prenant des « sopors ». On fait tout de suite la connaissance de Spofforth, un robot de classe 9 (il y a plusieurs catégories de robots que l'on reconnait à la couleur de leurs lobes d'oreilles), de Bentley (il travaille à l'université de NY pour l'été : il étudie les vieux films) qui apprend à écrire et rédige un journal intime, et de Mary Lou une trentenaire originale qui habite dans un zoo, ne sait pas ce qu'est un film, ni même ce qu'est le « passé » et qui veut apprendre à lire (ce qui est interdit, d'ailleurs, il n'y a presque plus de livres dans la bibliothèque, seulement des ouvrages sur les échecs). Cet univers dystopique est un chef d'oeuvre. On avance de découvertes en découvertes, de surprises en surprises : je ne sais combien de fois j'ai pensé « trop bien ! », « génial ! », « oh la bonne idée ! ». Dans ce monde, il y a des Fautes (comme manifester sa colère en public), des Règles de conduite, une Réserve de Marginaux, une carte de réintégration, des Psy-bus, etc. Outre la description d'un futur mitonné aux petits oignons, d'un univers original et malgré tout hyper crédible qui exploite à fond les failles de nos sociétés actuelles, d'une construction au rythme addictif et au suspens parfaitement équilibré, les personnages sont attachants comme jamais. On suit avec un intérêt grandissant notre Mary Lou rebelle et trop intelligente pour ce nouveau monde, notre Bently courageux qui par amour va aller contre le caractère immoral d'une cohabitation, contre le principe d'Individualisme et d'Intimité, contre l'interdiction d'enseigner la lecture. La relation entre nos deux héros fonctionne à merveille, elle n'est jamais mièvre, elle sert le récit et le propos : la découverte de l'amour (au lieu du sexe vite fait bien fait, principe de ce futur idéal) et du monde ancien à travers les livres, la lecture et l'écriture. Un roman au style fluide qui nous questionne en sous-texte sur ce qu'est la vie : ne vaut-il pas mieux être vivant que de vivre comme un robot? Une sacré réussite.

Chef d'oeuvre d'anticipation, aux fragrances parfois philosophiques. Qu'est-ce que l'Homme, quel est son horizon ? Qu'est-ce que le bonheur, finalement ? Quel est le sens de nos accomplissements ? Tel est le défi, relevé d'une main de maître par Walter Tevis, dans cette oeuvre profondément touchante.

Dans un futur où l’humanité s’est enfermée dans l’apathie, oubliant les émotions et les plaisirs intellectuels, L’Oiseau moqueur explore la quête de sens et de liberté dans une société dominée par la technologie. Walter Tevis nous offre un récit profond et visionnaire, où l’espoir renaît dans les endroits les plus inattendus, et où la puissance des mots et des idées pourrait bien réveiller un monde endormi. Ce roman est une véritable ode aux livres et à l’humanité, tout en étant un avertissement puissant pour notre génération et celles à venir face à l’évolution technologique. Walter Tevis, avec une plume magistrale, nous plonge dans un monde dystopique où les erreurs et les horreurs de l’humanité sont exposées sans fard, mais où l’espoir demeure, lumineux et indéfectible. Il nous rappelle à quel point l’être humain est capable du pire, mais aussi du meilleur, et que ce dernier ne doit jamais être oublié. J’ai ressenti un attachement particulier pour Paul, ce personnage si humain dans sa quête d’identité et son voyage initiatique, remarquablement bien mené. Son amour pour les livres et l’Histoire a résonné profondément en moi. Ces pages débordent de réflexions qui nous poussent à interroger notre propre monde, notre rapport à la connaissance et à l’héritage culturel. J’étais incapable de poser le livre, captivée par la beauté et l’intensité de son message. Ce fut mon premier coup de cœur de 2025, et je n’ai qu’un seul conseil : lisez ce livre. Il porte en lui des questions essentielles qui résonnent encore plus fort à notre époque, et au vu des événements actuels. La connaissance, c’est le pouvoir, et j’espère de tout cœur que l’humanité ne cessera jamais de lire, de réfléchir et d’évoluer grâce aux mots.