Louis XV : Le livre de Jean-Christian Petitfils
A cinq ans, en 1715, Louis XV succède à son arrière-grand-père Louis XIV dans une France affaiblie. Après la Régence et le ministère du vieux cardinal de Fleury, ce n'est qu'en 1743 qu'il commence à gouverner. Le " Bien-Aimé " devient assez vite le Mal-Aimé. Il le resta longtemps aux yeux des historiens qui lui ont reproché sa faiblesse devant ses ministres et favorites, ses frasques du Parc-aux-Cerfs, la perte du Canada et de l'Inde... Aujourd'hui on commence à mieux comprendre ce souverain timide, secret, ayant sans doute du mal à assumer son métier de roi, mais profondément bon, sensible, cultivé, passionné par les sciences et ne manquant parfois pas d'autorité.
En ce siècle des Lumières, où l'esprit public évolue fortement, où les idées nouvelles foisonnent, Louis XV, dans Versailles rayonnant d'un éclat incomparable, demeure le monarque le plus prestigieux d'Europe jusqu'à sa mort en 1774.
De (auteur) : Jean-Christian Petitfils
Expérience de lecture
Avis Babelio
_glumdalclitch_
• Il y a 3 semaines
Après l'excellent Louis XVI de Petitfils, je me suis plongée dans une nouvelle biographie du même auteur : Louis XV. Tout comme son petit-fils, quoique pour des raisons différentes, Louis XV ne brille pas dans la mémoire collective. Quand il n'est pas oublié, il est perçu comme un consommateur perverti de chair fraîche, un jouisseur doublé d'un personnage politique inconsistant et à courte vue. Description peu reluisante pour un personnage que les manuels scolaires eurent beau jeu de présenter comme exécrable, un débauché qui ne pouvait se soutenir que par le génie de ses ministres. C'est donc avec intérêt que j'ai redécouvert ce personnage. Pour cette critique, voici une sélection de 5 points (parmi d'autres) qui ont retenu mon attention : • Louis XV et les Lumières L'intérêt d'une biographie est notamment de montrer l'homme derrière le roi. Si le caractère et la nature profonde de ce monarque garderont sans doute leur part de mystère faute de documents, on en sait un peu plus sur ses intérêts et ses passions. Outre la chasse et les femmes, ses deux passions les plus connues, il était féru d'architecture et de sciences. Ainsi, il se passionna pour l'astronomie, la botanique, la chirurgie, les mathématiques, la médecine, l'optique et la physique. Il suivait avec intérêt les avancées de son temps et soutenait, notamment financièrement, les grandes entreprises du siècle : la carte de Cassini, les expéditions maritimes... Il cherchait la compagnie des savants avec lesquels il aimait converser. Les sciences constituent sans doute la plus vieille de ses passions car elle remonte à son enfance, son oncle le Régent lui ayant alors communiqué son goût pour la science. Louis XV n'était donc pas imperméable à l'esprit des Lumières. Mais comme le souligne Petitfils, il était adepte des "Lumières scientifiques". Il se méfiait en effet des folliculaires et des philosophes qui ne faisaient, à ses yeux, qu'échauffer l'opinion publique, dangereux pouvoir qui commençait à s'affirmer. Son erreur est peut-être de n'avoir pas su en prendre la tête en les utilisant pour justifier la métamorphose nécessaire des institutions monarchiques. • Le "roi Choiseul" S'il est un personnage incontournable sous le règne de Louis XV, c'est bien le duc de Choiseul. Connu pour sa détestation de Mme du Barry, "le cocher de l'Europe" est surtout célèbre par les accords diplomatiques majeurs qui se concrétisent sous son ministère, à commencer par le renversement des alliances. Ce pacte conclu avec l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche est considéré comme son grand œuvre, qui conduisit notamment le Dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI, à épouser l'archiduchesse Marie-Antoinette. Entreprise hardie à une époque où les cercles intellectuels continuaient d'encenser le Grand Frédéric II de Prusse, avec lequel la France était jusqu'alors alliée. C'est aussi sous son ministère que le Pacte de famille se resserre avec l'Espagne contre l'Angleterre. Et c'est justement cette guerre imminente avec Albion, à laquelle Choiseul poussait, plus que son animosité à l'égard de la favorite, qui contribua à le disgracier aux yeux d'un roi pacifiste. La rancoeur de Choiseul se déversera dans ses Mémoires qui contribuèrent à détériorer l'image d'un roi trop secret pour se justifier. • Le roi et la guerre Et justement, un autre point décrié chez Louis XV sont ses choix peu judicieux en matière de conflits armés. La gloire de Fontenoy ne parvient pas à racheter la Guerre de Sept Ans et la perte des colonies d'outre-Atlantique. Et de fait, Louis XV était foncièrement pacifiste, ce qui entre souvent en contradiction avec l'image du roi de guerre. La biographie adopte un éclairage intéressant, montrant que sa foi de chrétien influençait ses décisions, notamment lors des traités de paix car il souhaitait "faire la paix en roi, et non en marchand", ce qu'il fit en abandonnant les conquêtes du maréchal de Saxe au traité d'Aix-la-Chapelle. • Le jansénisme et les Parlements, essor de l'opposition Le règne de Louis XV correspond à l'essor d'une force d'opposition nouvelle, l'opinion publique, sur laquelle s'appuient les jansénistes et les Parlements pour déstabiliser le pouvoir à leur profit. Les jansénistes n'étaient à l'origine que des adeptes d'un culte dépouillé de toute pompe et qui se voulait aussi pur que le christianisme primitif. Les fondements de la monarchie se trouvaient ébranlés par leurs conceptions théologiques qui laissaient sous-entendre que le roi était aussi pêcheur que tous ses sujets, donc potentiellement faillible et par extension capable de verser dans la tyrannie. Louis XIV avait tenté de mettre fin à ce qu'il désignait comme la "secte républicaine", sans succès. Dépassant le cadre de la religion, le jansénisme devenait une force politique inquiétante. Sous couvert de foi religieuse, ils faisaient circuler des journaux, les Nouvelles ecclésiastiques, contre le trône, étroitement associé à l'Église corrompue. Ce "réseau social" avant l'heure fait désormais de l'opinion public un acteur politique incontournable. Les Parlements, à l'origine cours judiciaires, souhaitent avoir une part active dans le gouvernement du pays en s'octroyant une bonne partie du législatif. Pour parvenir à leurs fins, ils se disent défenseurs du peuple afin de se concilier leur soutien, mais ils utilisent ce prétexte pour défendre leurs privilèges. • Le roi et sa famille L'ouvrage aborde aussi ses relations avec sa famille, bien moins connues que celles entretenues avec ses maîtresses. Il s'y révèle proche de ses enfants, surtout de ses filles, et attaché à sa femme, même s'ils ne partageaient plus le lit conjugal. Ses relations avec ses petits-enfants sont en revanche plus distantes. Le Secret du roi, cette fascinante entreprise de diplomatie officieuse, est aussi une affaire de famille puisque le roi en confie un temps la direction à l'un de ses cousins le prince de Conti, duquel il est proche jusqu'à la crise avec les Parlements, que soutient Conti. Dans la famille, n'oublions pas tous ses cousins rois. La relation la plus intéressante est peut-être celle nouée avec Charles III d'Espagne, son cousin germain, qui l'appelait son "meilleur ami" ! Louis XV concevait l'Europe un peu comme une grande famille maintenue en équilibre par les Bourbons. Avec Charles III, il semble trouver un soutien qu'il n'avait su complètement trouver auprès des prédécesseurs, Ferdinand VI par exemple. En conclusion, la perception de Louis XV à travers le temps s'est sensiblement modifiée. D'abord adulé de ses sujets, il n'a pas su entretenir le lien qui le reliait à ses peuples, laissant libre court aux pamphlets. Le couteau de Damiens a manqué sa cible, mais les écrits de ses contemporains achevèrent de détruire son image (Choiseul nous l'avons vu, et même son petit-fils Louis XVIII !) car on assassine aussi bien d'un bon mot que d'une lame, ce qui ne manqua pas pour Louis XV. Cette biographie nous présente un Louis XV qui n'oublia jamais son métier de roi malgré ses dépressions chroniques et ses plaisirs. Une réalité très éloignée de la réputation de légèreté et d'oisiveté qu'on lui a faite. Pour un premier contact avec Louis XV je ne peux que conseiller cet ouvrage, qui me paraît peut-être plus accessible que la grande référence, le Louis XV de Michel Antoine.
tomjoad33
• Il y a 7 mois
Jc Petitfils restitue la complexe personnalité de Louis XV, la personnalité d'un homme brillant, timide, patient, d'apparence effacé mais sachant aussi faire preuve d'autorité, et qui devenu roi malgré lui, devra faire face aux soubresauts de l'Histoire. Une Histoire en proie au guerres de successions et aux guerres de conquêtes des nouvelles terres et de domination des mers. Une Histoire aussi à la croisée des chemins qui ouvrira les portes à une philosophie nouvelle, à une liberté de ton (malgré quelques embastillements) et de contestation qui démystifiera les dogmes royaux ou religieux. Une très bonne biographie fouillée et détaillée et très (trop ?) rigoureuse de Louis XV, où il manque peut-être quelques anecdotes sur la cour, quelques "bons mots" ou réparties cinglantes dont étaient si friands les courtisans de Versailles. Bref manque un peu de St Simon dans JC Petitfils.
Bigmammy
• Il y a 7 mois
Après avoir dévoré les épisodes de la désastreuse Guerre de Sept Ans (1756 à 1763), j'ai voulu approfondir mes faibles réminiscences du règne de Louis XV, ce souverain si décrié dont l'action couvre la plus grande part du XVIIIème siècle (1710 - 1774). LE spécialiste de la période, c'est naturellement Jean-Christian Petitfils, dont les nombreux ouvrages allient la clarté de style, l'érudition à une vision globale de cette époque puisqu'il cumules des expériences professionnelles nettement plus diversifiées que les purs historiens. Me voilà donc embarquée à nouveau dans un pavé de plus de 900 pages, décrivant pas à pas le parcours de cet arrière-petit fils du Roi soleil, trop tôt orphelin de ses deux parents et révéré comme une idole dès ses 5 ans. Naturellement, cela commence par l'histoire de la Régence, et dès le départ, les intrigues de Cour foisonnent. Une grave décision va peser sur l'ensemble du règne : en échange du retour du droit de remontrance conféré au Parlement, Philippe d'Orléans obtient de celui-ci la régence pleine et entière du jeune roi, contrairement aux dispositions du testament de Louis XIV. Nous savons que si le Régent a gouverné avec habileté et loyauté, cette mise en avant des parlements va empoisonner toute la vie politique ultérieure. Une des plaies récurrentes du règne du « Bien-Aimé » sera la lutte perpétuelle entre la volonté royale, seule source du pouvoir législatif - en particulier dans les domaines de la réforme de l'Etat et du système fiscal datant du moyen-âge et la résistance acharnée des magistrats qui prétendent eux aussi créer le droit. Car les finances sont déficitaires ... Déjà ! Ce sera épique et empoisonnera toute la période : refus d'enregistrer les édits royaux, lits de justice, harcèlement, exil des parlementaires ou embastillements, grève et blocage du système judiciaire … Nos parlementaires contemporains n'ont rien inventé. Autre fracture dans la société : la religion. Même si les Protestants commencent à se fondre dans la masse, les querelles divisent les catholiques, jusque dans l'entourage immédiat du roi. Elles portent sur l'irréconciliable haine entre les « dévots », partisans d'un catholicisme proche de la contre-réforme et des Jésuites, et les Jansenistes que plusieurs textes condamnent, en particulier la bulle papale « Unigenitus » qui déclare hérétique cette croyance et est adoptée comme loi du royaume en 1730. Dans notre France laïque, on imagine mal cette intolérance sans nuance. Quel est le portrait psychologique de ce roi dont on se souvient surtout des liaisons spectaculaires ? un extrait : « Derrière la beauté de ses traits, la distinction de ses manières, l'affable politesse de son langage, son élégance parfois hautaine, voire olympienne, on bute sur le masque d'impassibilité, qu'il est malaisé de lever. le fond de son caractère, autant qu'on peut l'appréhender, était sombre, saturnien, cyclothymique. Entouré de flatteurs, il méprisait les hommes, peinait à croire en leur désintéressement. » L'auteur lui accorde cependant le courage deant l'ennemi - à la bataille de Fontenoy par exemple - une intelligence au-dessus de la moyenne et une vaste cilture scientifique, une grande capacité de travail, une piété non feinte, une grande propension à la morosité. Sans oublier son addiction aux plaisirs charnels, source de scandale chez ses sujets. Autre permanence : la valse des ministres, mais pas un de la carrure d'un Richelieu ou d'un Mazarin. Louis XV a rapidement voulu, comme son aïeul, être son propre Ministre principal, mais il n'en avait pas l'envergure, malgré une bonne volonté évidente. Parcourir cette tranche d'histoire, qui décrit une période de raffinement extrême pendant laquelle la France a connu une expansion économique et artistique exceptionnelle sans souhaiter étendre son territoire et malgré la suprématie de l'Angleterre sur les mers, est riche d'enseignements. En réalité, peu de choses ont évolué dans notre culture politique …
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Sciences Humaines & Savoirs , Histoire
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- EAN
- 9782262097431
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- Collection ou Série
- Tempus
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- Format
- Poche
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- Nombre de pages
- 1024
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- Dimensions
- 187 x 132 mm
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