Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon : Le livre de Jean-Paul Dubois, Jacques Gamblin

J'ai adoré ce roman et ses deux personnages principaux, tous deux dans une cellule de prison. Je ne veux pas gâcher l'histoire, alors chacun en pensera ce qu'il veut. Contrairement à ce qu'ils devraient être, délinquants ou assassins, ces deux personnages sont plein d'humanité, J'ai presque pleuré mais j'ai beaucoup souri aussi : ils sont, sous leur apparence de voyous, très tendres, et je pense qu'ils peuvent même nous faire rêver à une vie en roseHistoire que l'on n'a pas l'impression d'avoir déjà lue comme ça arrive souvent. Les évènements survenus à des époques et en des lieux fort différents s'imbriquent de si belle façon que tout se retrouve à sa place à la fin du roman et c'est un accomplissement total. Tout cela écrit dans un style très beau et efficace à la fois. À lire !

Paul HANSEN se retrouve dans la prison de Bordeaux … à Montréal. Franco-canadien d’une cinquantaine d’années (sans doute), on ne sait pas ce qui l’a fait atterrir là. On sait juste qu’il a écopé d’une peine de prison ferme de deux ans … et qu’au vu des faits, il ne s’en est pas trop mal sorti !! Naviguant entre la vie dans la cellule de son héros et les souvenirs de celui-ci à propos de sa vie passée, Jean-Paul DUBOIS nous emmène dans les méandres de la vie de Paul. Dans un style fluide, ce livre se lit d’une traite (surtout en ces temps de confinement !!) tant on veut savoir les pourquoi et les comment de cette « fin en prison ». Que lui est-il arrivé ? Qu’est-ce qui l’a fait dégoupiller ? Sans avoir l’air d’y toucher, DUBOIS nous amène à regarder la vie en général, ses vicissitudes, ses joies, ses peines. On s’attache à ce « concierge d’immeuble » (qui nous rappelle, parfois, un peu celle de L’élégance du hérisson). On le trouve sympathique … et son Hell Angels de codétenu vaut aussi le détour ! Ce roman a eu le Prix Goncourt 2019 et sans avoir la flamboyance d’un Au Revoir là Haut, il réussit à marquer les esprits. Mission réussie donc !

De Jean-Paul Dubois, je n'avais lu qu'Une Vie Française, prix du roman Fnac 2004, trouvé par hasard il y a quelques années dans les bacs de Boulinier. J'en ai gardé un bon souvenir, mais n'avais pas cherché à me plonger dans les autres œuvres de l'auteur avant l'obtention du prix Goncourt pour Tous les Hommes n'habitent pas le monde de la même façon. Paul Hansen est ce qu'on pourrait appeler "un homme sans histoires". Le genre de personnes dont les voisins, apprenant le crise commis, diraient "Mais non on n'aurait pas pu s'en douter une seule seconde, il était tellement gentil". Fils d'un pasteur danois et d'une exploitante de cinéma française, il travaillait comme gardien dans une résidence pour retraités aisés, où il vivait avec sa femme Winona et leur petite chienne Nouk. Mais aujourd'hui, Paul est en prison. Pour quelle raison ? Nous l'apprendrons au fil du roman, ponctué de flashbacks, de son enfance à Toulouse à ce qui l'a conduit dans cette cellule canadienne. Dévoré pendant mes dernières vacances, Tous les Hommes fait désormais partie des romans m'ayant le plus marquée. J'ai souri, pleuré, retenu mon souffle, et refermé le livre vidée, lessivée, comme si j'avais partagée la cellule de Paul. Jean-Paul Dubois a une manière d'écrire empreinte d'humanité, qui fait qu'on ne peut que s'attacher aux personnages, et surtout, les comprendre. Que ce soit Horton, le co-détenu de Paul, ancien Hell's Angel incarcéré pour meurtre qui ne peut se faire couper les cheveux sans tomber dans les pommes, ou encore Anna, la mère, qui passe des films sulfureux dans son cinéma indépendant au grand dam de son pasteur de mari. Un livre prenant, tendre, plein d'amour mais aussi de mélancolie, de révolte contre l'injustice. Humain, en somme.

Paul Hansen est en prison pour deux ans ferme et doit partager les six mètres carrés de cellule avec Horton, un Hells Angel, « un homme et demi » tant ce dernier prend beaucoup de place. Durant ces deux années difficiles, une amitié, une sorte de respect lie les deux hommes au point qu’aux yeux de Paul, Horton, passionné de moto, devient un personnage émouvant, presque humain, une sorte de gros ours. Quant à Paul, les visions des êtres qu’il a aimés, aujourd’hui tous disparus, l’accompagnent durant son incarcération : son père, Johannes, un pasteur danois, homme calme et droit, fort amoureux de son épouse, une femme moderne, très belle, qui tient un cinéma de quartier; sa femme, Winona, pilote d’avion, dont le sang indien lui fait concevoir la vie avec sagesse et leur chienne Nouk, aimante et fidèle comme le sont les chiens. Et de chapitre en chapitre, nous remontons la vie de Paul et découvrons ce qui l’a amené dans ces murs, alors que rien ne le prédestinait à rejoindre la prison de Montréal. En effet, Paul était le superintendant d’une résidence de luxe pour personnes âgées. Nous découvrons le fonctionnement d’une telle résidence et son travail englobant plusieurs métiers invisibles aux yeux des gens qui y vivent. Paul y côtoie la vieillesse de ceux qui n’ont apparemment aucun souci financier mais dont la vie se termine de la même manière que pour les autres, dans la solitude. Jean-Paul Dubois nous ouvre les portes d’une prison des années 2000 et nous fait ressentir les effets de la promiscuité, du manque d’hygiène, des jours qui se ressemblent, mais avec beaucoup d’humour à travers le personnage de Horton. Quant à Paul, il est croqué avec énormément d’humanité et de sensibilité. Les années 1970 et le cinéma de la mère de Paul ont ravivé de bons souvenirs de cinémas de quartier. L’humour, la fidélité dans l’amitié, l’empathie, l’amour se mêlent à la vilenie de certains. Et j’ai adoré la scène où Paul prend sa revanche sur la vie et sur un être abject. Un vrai plaisir de lecture !