Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon : Le livre de Jean-Paul Dubois, Jacques Gamblin

Ce livre m’a été offert pour un Secret Santa. Prix Goncourt 2019 : très belle écriture, un vocabulaire riche et aussi parfois cru car l’ordinaire du quotidien est évoqué sans équivoques. On est au coeur de la prison de Montreal avec Paul Hansen et son compagnon de cellule, Horton, un dur à cuire, un sacré motard. C'est l'occasion pour Paul de se souvenir et de nous raconter sa vie : son enfance avec son père, un pasteur danois et sa mère, une femme moderne qui s'occupe d'un cinéma, sa vie avec sa femme Winona passionnée d'aviation, son attachement pour son chien et son métier d’intendant de L'Excelsior, une résidence. Va et vient entre son passé et son présent dans la cellule. On ne saura qu’à la fin la raison pour laquelle Paul se trouve en prison. Livre sensible qui décrit les relations complexes entre êtres humains. J’ai beaucoup apprécié l’explication du titre du livre au cours de ma lecture : « Même si prier, pour moi, est devenu chose impossible. Vous aurez bientôt tout le temps et le loisir de me juger et de me condamner. Je vous demande alors de conserver à l’esprit cette phrase toute simple que je tiens de mon père et qu’il utilisait pour minorer les fautes de chacun : « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. » »

Dubois j'adore... il n'y a rien à faire tous ses livres me réjouissent, à qq rares exceptions. Celui-là, rien qu'avec son magnifique titre , c'était gagné d'avance ! et bingo, je crois que c'est mon préféré. On retrouve dans ce récit tous les ingrédients des précédents, le drame, la profonde humanité du héros, le pittoresque des personnages, l'humour -souvent noir- de l'auteur... Rire dans un roman n'est pas si fréquent et JP Dubois fait parti de ces rares auteurs (comme le John Irving des débuts par ex) qui manie avec talent et élégance la mélancolie, le drame, le burlesque et le rire. La vie est dure chez Dubois, pleine de drames et pour la supporter, quoi de mieux que la tendresse, l'humanité et l'humour.

“Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon” de Jean-Paul Dubois est un roman profondément humain et bouleversant. À travers l’histoire de Paul Hansen, un homme ordinaire, marqué par les coups du sort et les blessures du passé, Jean-Paul Dubois nous plonge dans une réflexion sur l’injustice, la solitude et la résilience. Le récit, empreint de mélancolie et de poésie, retrace une existence simple mais chargée d’émotions et de bagages familiaux. Entre son amour pour sa femme, la complicité avec son chien et les souvenirs qui l’habitent, Paul s’efforce de vivre dignement dans un monde souvent cruel. L’absurdité d’un système mesquin et la bêtise humaine, incarnées par un petit sergent tyrannique, le précipitent en prison, un lieu où il continue pourtant d’exister, de penser, de se souvenir. Dubois dépeint avec une grande finesse la banalité de l’existence, tout en révélant sa grandeur. Ce roman, puissant dans sa simplicité, nous pousse à regarder le monde autrement, à travers les yeux d’un homme seul face à la brutalité d’une société imparfaite. Un chef-d’œuvre poignant qui rappelle combien les vies ordinaires sont, en réalité, extraordinairement complexes.

Il a, à sa façon, habité deux ou trois endroits en ce monde, il se place en personnage principal et observateur de son entourage, il ne se contente pas de décrire, il ajoute à son récit, des commentaires tantôt amusants, tantôt croustillants, tantôt pathétiques voire macabres, c’est ce qui fait de ce roman, un écrit passionnant, et c’est dès les premières pages que je me suis attachée à ce personnage qui au moment de son récit, est incarcéré dans une prison canadienne, dans des conditions qu’il semble supporter tant bien que mal, ce qui fait de Paul Hansen, notre héros, un personnage qui possède de grandes qualités : sensibilité, capacité d’analyse et d’observation des individus qu’il côtoie, patience avec son compagnon de cellule, Horton, individu très peu réfléchi et potentiellement violent. J’ai aimé ce récit racontant non pas une vie, mais plusieurs vies : celle de son père, pasteur protestant parfois excentrique, parfois rigide, celle de sa mère, au tempérament diamétralement opposé à celui de son mari, histoire d’une française venue chercher l’amour en Norvège, ce que notre héros ne s’explique pas. On n’oubliera pas de raconter sa femme, issue de l’ethnie algonquine, et sa propre vie sur une route qu’il aurait voulue sinueuse, et toutefois semée d’ornière et de pentes glissantes. Le personnage principal, les personnages touchants, humains, fantaisistes ou névrosés qui gravitent autour, l’humour fin omniprésent tout au long du livre, une écriture qui chante, des tournures recherchées, un peu de suspens qui pousse le lecteur à comprendre son parcours et pourquoi il se retrouve en prison, font de ce livre une pépite qui méritait amplement de remporter un prix Goncourt.