Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon : Le livre de Jean-Paul Dubois, Jacques Gamblin

C'est un livre dont on ressort avec le sentiment d'avoir connu un moment de douceur, de tendresse, de tristesse calme devant la vie qui nous échappe, à laquelle on n'est peut-être pas toujours attentif. Rien de grandiloquent dans l'écriture de Jean-Paul Dubois, seulement la finesse des sentiments de la vie ordinaire, de tout ce qui fait la calme félicité de tous les instants. Car si le narrateur est en prison, ce n'est qu'un prétexte pour disséquer sa vie d'avant, la revivre en rêve et en mots et sonder l'amour profond qu'il portait à sa femme et son fils. On ne connaîtra la raison de son incarcération qu'à la fin du roman, et ça n'a d'ailleurs aucune importance, puisque le propos est ailleurs.

Tous les hommes n habitent pas le monde de la même façon de Jean Pierre Dubois. Avant tout un grand merci à Emmanuel du groupe qui une fois de plus vient de me faire découvrir un auteur qui je pense va m accompagner longtemps. En effet, plus qu un roman ou une histoire, c'est le style et la plume qui m ont conquise. Un talent de conteur hors pair, avec de l humour et un talent d évocation et de synthèse. Une proximité avec Irving de ce point de vue. Il se dégage une grande humanité et tendresse pour les personnages. Mais aussi une revolte contre l injustice et les clergés. Les parcours de vie nous promènent du Québec ( avec quelques pages cinglantes sur son clergé québécois et les femmes résumant l ambiance de la saga du goût du bonheur) au Danemark en passant par Toulouse en mai 68 vu d un cinéma. Une déambulation dans la vie d un homme ordinaire attachant et émouvant. Un veritable bonheur de lecture dont il serait dommage de se priver, que l on soit pro ou anti Goncourt ( celui considéré est de valeur) .

Un style très intéressant mais dont j’ai un avis partagé. Certaines parties ont une temporalité trop décousue pour être lues de manière fluide, certaines pages sont ressemblent plus à des introductions Wikipedia. En revanche, j’ai adoré le choix des mots, ce récit a la première personne d’une forte tristesse et qui ne tombe pourtant à mon goût jamais dans le pathos.

« Que diable allait-il faire dans cette galère? » Si tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, c’est bien que l’on vient tous de quelque part… Une enfance, la filiation, les souvenirs, la transmission, l’expérience et l’amour façonnent des convictions ancrées dans nos entrailles. Pour Paul Hansen , ce sera être au service des autres dans une résidence au Canada. Malheureusement, on a beau s’épanouir, être sûr de nos choix , on est jamais à l’abri de prendre de terribles décisions face à des comportements qui nous exaspèrent. Si la différence nous enrichit, elle peut aussi nous anéantir avec des actes malveillants. Certains perdent la foi, d’autres passent par la case prison. Contre toute attente, malgré les mauvaises conditions, on y trouve parfois plus d’humanité que partout ailleurs. Si le récit souffre de quelques longueurs, on reste accroché à cette trajectoire hors-norme d’un homme à la fois ordinaire et précieux qui n’a pas pu lutter contre la bêtise humaine. La dernière partie est tout simplement un pur moment d’émotions.