Une très légère oscillation : Le livre de Sylvain Tesson

Quel cadeau que ce livre, vraiment! Je l'ai lu comme on écoute les confidences d'un ami cher, un peu bourru, mais d'une sagesse inouïe. Une très légère oscillation est bien plus qu'un journal : c'est le sismographe intérieur de Sylvain Tesson qui se calme après la tempête. Il couvre les années post-accident, et c'est cette période de reconstruction qui donne toute sa résonance à l'ouvrage. J'ai adoré son absence de filtre, de plainte. Tesson partage ses satisfactions comme ses blessures, alternant les aphorismes cinglants sur la folie du monde moderne (les "hyper connectés", les "bavasseries électorales") et les moments de grâce pure face à la nature ou à un détail du quotidien. C'est cet équilibre entre l'urgence de la vie et le recul philosophique qui rend la lecture si riche. Ce n'est pas un journal ordonné, et c'est tant mieux. On saute du coq à l'âne, d'une expédition lointaine à la lecture d'un classique, puis à une réflexion grinçante. Mais cette anarchie de la pensée, cette vibration (la fameuse "légère oscillation"), c'est exactement le reflet de l'existence. Le livre nous rappelle que pour goûter la vie, il faut être capable de s'émerveiller des petites choses, d'archiver les heures qui passent, même quand le corps et l'esprit chancellent. C'est précis, profond, décapant et ça fait un bien fou. Un témoignage réparateur que je conseille sans réserve.

Dans ce texte l'on retrouve la plume poétique et le nihilisme de Sylvain Tesson dans un journal parcellaire et chantant. Vous trouverez de l'humour grinçant et sardonique, des pensées de fuites et de critiques. Néanmoins je suis déçue par ce texte où, bien que j'en avais entendu parlé, j'ai découvert le rejet très marqué de cet écrivain pour l'islam. Il semble faire un amalgame absolument affreux entre terroristes et musulmans. Entre l'islam et daech. De plus certains exemples sont plutôt mal venus comme l'exemple des traumatisés du 11 septembre qui s'en sortiraient mieux en ne parlant pas de ce qui leur ait arrivé juste pour servir son propos sur le silence. De tel propos sont dangereux et il est bien de vérifier ses sources avant de servir un exemple absurde juste pour servir son propos. Pour finir nous avons à faire à un homme qui a la chance inouï de vivre de sa plume, de pouvoir voyager et passer sa vie à l'aventure et pourtant pas une fois il ne prend conscience que la plupart des gens qu'il semble mépriser de loin n'ont pas cette chance et ne l'auront probablement jamais. Pour fuir leur problème et leur vide intérieur ils ne peuvent pas faire un voyage par mois à l'autre bout du monde. Je comprends cette image de poète maudit, cynique par rapport à un monde douloureux, décevant, mais il y a trop de propos qui ne sont pas en adéquation avec mes valeurs.

A chaque fois que je referme un livre de Sylvain Tesson, je pense à Jules Renard et en particulier à son fameux "JOURNAL". Encore plus avec ce livre. Pour exemple de ce que (à mon avis) Jules Renard aurait pu écrire: " L'ombre, mélancolie de l'arbre." "Le corbeau passe, souci sur le front du ciel." "La noblesse des bêtes, la dignité des arbres, la gravité des pierres, la certitude de l'eau et les grimaces de l'homme." "Le vent dans les sapins ronfle comme un feu de bois." "L'araignée dans les ronces est le berger des mûres."