Women : Le livre de Charles Bukowski

Le voilà, entouré de femmes, regroupées ou à la suite, par dizaines devant son taudis ou dans sa piaule. Elles se l’arrachent, mais le rejettent aussitôt venu. À moins que ce ne soit lui qui les ait déjà échangées. Pourquoi s’intéressent-elles à cet Henry Chinaski, Bukowski de fiction ? Women, ou le pouvoir de l’indifférence. À chaque nouveau Bukowski, je m'attache un peu plus à ce personnage peu ragoûtant, qui m'éduque à travers ses récits comme peu le font sur les femmes. Ai-je changé ? Je me le demande sérieusement. Autrefois, je trouvais ses propos si excessifs, et pourtant, aujourd'hui, ils résonnent en moi. Suis-je, dans ce cas, dans l'excès ? Je ne le pense pas non plus. Au contraire, je vois en Charles un homme détaché, désintéressé, qui parvient à séparer ses attachements de ses sentiments. Il a fait de la déception sa compagne, au point de ne plus la ressentir, car il n'attend plus rien. Détaché des femmes et de la vie, il saisit les occasions, morales ou non, qui se présentent à lui, et les dépeint avec un humour cinglant, parfois cynique. L'indifférence est devenue son principal allié, et il s'entoure de courtisanes de tous horizons qui lui réservent bien des surprises. Il est vrai que Women est une œuvre de fiction, et comme le précise l’auteur dans son avertissement : "Toute ressemblance avec une ou des personnes vivantes ou mortes serait purement accidentelle". Mais ne prenons pas cela pour argent comptant, car il s’agit sans doute d’un énième jeu de l'auteur avec son lecteur. La ressemblance entre Henry et Charles est frappante, et les récits d’Henry semblent en tout point conformes au mode de vie que l’on connaît de Bukowski. Quant aux femmes qui défilent, véritables personnages principaux du livre, elles incarnent des sensibilités, des origines et des personnalités distinctes, mais ces détails s'effacent face à une attitude commune : celle de revenir. Ce désir de possession féminin tisse la trame narrative, faite d’un enchevêtrement de relations où les femmes réapparaissent presque avant même de disparaître. Pas encore parties, elles sont déjà de retour, signalant leur intention de s’en aller, une intention qu’elles ne mettront à exécution (et encore, de manière éphémère) qu’après de longues sommations. Les femmes de Women semblent se complaire dans un éternel retour vers celui dont elles se plaignent sans cesse. Pendant ce temps, Henry observe ce petit monde se déchirer, tant entre elles qu’en elles-mêmes, sirotant sa bière sur son canapé taché. Il n’a que faire de les comprendre. Peut-être est-ce justement ainsi qu’il les a le mieux comprises.

Ce que je peux aimer Charles ! Sans lui, je ne serai peut-être plus là.....