Moins que zéro : Le livre de Bret Easton Ellis
En 1985, le roman d'un jeune homme de vingt et un ans prenait la température de l'Amérique. Et prédisait, avec l'autorité et la lucidité exceptionnellement accordées à la jeunesse, que le climat allait se refroidir.
Le livre, vite acclamé pour être plus vite encore réduit à une célébration du vide, décrivait en réalité, avec ironie et compassion, la misère de la jeunesse dorée de Beverly Hills ou de Bel Air. Misère de la drogue devenue pharmaceutique, du sexe cadenassé par la pornographie, de l'argent fétichisé, du langage édulcoré surtout. Jamais la richesse n'avait été aussi pauvre.
Mais, indifférent au sort des particules pétrifiées, trop savant pour se soucier de l'avenir, assez élégant pour dissimuler ses inspirations, Bret Easton Ellis détournait déjà son regard de la religion cathodique pour le poser ailleurs : " [...] ils se retournaient pour lever les yeux vers l'écran monolithique sur lequel on balançait les images. Certains prononçaient les paroles de la chanson en cours. Mais je me concentrais sur ceux qui ne prononçaient pas les paroles ; sur ceux qui les avaient oubliées ; sur ceux qui ne les avaient peut-être jamais sues ".
Impassible, Bret Easton Ellis invite à le lire ceux qui savent se taire, ceux qui savent oublier, ceux qui n'ont jamais cru devoir apprendre.
Pierre Guglielmina
De (auteur) : Bret Easton Ellis
Traduit par : Brice Matthieussent
Expérience de lecture
Avis Babelio
Sardanapale
• Il y a 7 mois
« Les gens ont peur de se perdre ». C’est sur cette phrase que s’ouvre Moins que zéro, premier roman de Bret Easton Ellis. Sur la Santa Monica Freeway ou la California Road, le réseau autoroutier complexe qui dessert Los Angeles, ils roulent à 200 et ont peur de se perdre. Formidable métaphore de la vie moderne où planqués derrière leurs lunettes de marque et leurs ensembles Gucci, isolés dans l’habitacle solitaire de leur boite crânienne, les citadins errent hagards à la recherche d’un bonheur qui n’existe pas. Alors ils consomment. Belles maisons, grosses voitures, jeunes femmes et lignes blanches. Serrez sur la droite. C’est tout le propos du bouquin que de déplorer l’American way of Life des années 1980 où les relations sociales s’effritent dans un contexte de libéralisme économique et de consumérisme exacerbé. De retour dans la Cité de Anges pour les vacances de Noël, Clay, un étudiant à l’Université du New Hampshire, pourrait mener une vie de rêve. Une grande villa avec piscine sur Mullholland Drive, une plastique avantageuse, de nombreux amis d’enfance et une belle petite amie. Pourtant ce jeune homme paumé nage dans un monde de désillusion, de vide existentiel et de déchéance morale. Son réveillon s’annonce compromis, coincé entre sa mère alcoolique, ses sœurs écervelées et son père trop occupé par son boulot dans la pub ou le ciné. Avec une surenchère malsaine, les évènements abjects se succèdent : son ami contraint de vendre sa Porsche et de se prostituer pour rembourser ses dettes de drogues, les autres qui consomment du snuff movie, ces films clandestins qui mettent en scène tortures ou viols non simulés. La monstruosité atteint son paroxysme avec la séquestration d’une très jeune adolescente. Le roman dépeint donc une génération de jeunes californiens aisés confrontés à l’ennui, à la superficialité et aux comportements autodestructeurs. Leurs conversations sont creuses, personne ne s’intéresse à rien. L’amour leur est impossible. « Je ne veux pas de l'amour » nous dit Clay. « Si je me mets à aimer des trucs, je sais que ça va être pire, que ce sera encore une chose qui me causera du souci. Tout est moins douloureux quand on n'aime pas ». Ellis dépeint sans concession la MTV generation et son narcissisme. Abandonnée par ses parents ; elle trouve refuge dans la drogue et le culte de l’apparence. Bret Easton Ellis use d’un style minimaliste et monotone qui reflète l’état émotionnel proche du néant de ses personnages. Les phrases sont courtes et sèche, la narration détachée, quasi clinique. Les dialogues n’ont aucun sens et sont dénués de toute émotion. Le vocabulaire des personnages est pauvre, répétitif. Leurs centres d’intérêts se concentre sur les marques, les ragots et l’humour malveillant. Il évoque également la nostalgie de l’enfance et la difficulté de passer à l’âge adulte pour une génération matérialiste sans aucun projet d’avenir. J’ai aimé le regard nihiliste et désabusé sur ces classes dites « supérieures » qui n’ont plus rien à s’offrir. La critique féroce d’une génération rouillée. L’envers de la carte postale, le fond de la piscine, derrière les lunettes de soleil, les yeux glauques des morts-vivants. J’ai moins aimé le côté trop trash qui apparait un peu racoleur. L’enchainement des situations sans réelle intrigue, ce qui s’explique car Moins que zéro est en fait la juxtaposition de nombreux fragments de textes écrits par l’auteur de 16 à 20 ans pendant ses ateliers d’écritures. Le style minimaliste pas tout à fait maitrisé et qui s’affinera dans son roman suivant, beaucoup plus réussi, Les Lois de l’attraction.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Étranger
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- EAN
- 9782221123300
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- Collection ou Série
- Pavillons
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- Format
- Livre numérique
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- DRM
- Filigrame numérique
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