Pas de littérature ! : Le livre de Sébastien Rutés
Avril 1950. Gringoire Centon est traducteur pour la Série Noire. Parlant mal l'anglais, il fait traduire son épouse en cachette et se contente de transposer le résultat dans un argot approximatif qu'il apprend dans des bistrots mal famés. Désireux de devenir écrivain lui-même, il se laisse entraîner par un drôle d'Américain dans une rocambolesque affaire de truands lettrés, de faux manuscrits et de vrais gangsters, sur fond de guerre culturelle Est-Ouest et de lutte entre anciens et modernes pour la recomposition du Milieu parisien.
De (auteur) : Sébastien Rutés
Expérience de lecture
Avis Babelio
0skar
• Il y a 2 mois
Une lecture très agréable, divertissante et drôle avec cependant une pincée de réflexion. Sébastien Rutes part d'un fait réel. La Série noire, célèbre collection de polar de Gallimard née dans l'immédiat après- guerre, était pensée comme une collection à but très lucratif, à une époque où le polar était très méprisé, une source de revenus pour la célèbre maison d'édition, capable notamment de compenser les pertes subies sur de la littérature générale prestigieuse mais moins vendeuse. Et pour vendre beaucoup, le plan du directeur de la collection, Georges Duhamel était d'acheter bon marché les droits de romans américains passés de mode aux USA et de les faire traduire afin de profiter de l'engouement des Français d'après 1945 pour les États-Unis. Et si le roman n'était pas assez vendeur ou pas assez américain aux yeux du public, le traducteur était prié de l'"américaniser" c'est à dire de le standardiser, et d'y ajouter tout l'argot, le sexe et la violence que le lecteur français attendait d'un bon polar américain ! Dans Pas de littérature !, cette traduction/trahison est le fait d'une traductrice, Gisèle, et de son époux Grégoire, le "traître " qui se charge d'adapter le roman aux attentes du directeur de collection, sans parler lui-même l'anglais. Mais, pris de conscience professionnelle, Grégoire décide de perfectionner au moins son argot en fréquentant des bars louches... jusqu'à se retrouver mêlé à une ténébreuse affaire mettant aux prises sur fonds de trafic de drogue et de guerre froide pas mal d'Américains, des vrais et des faux, des anciens collabos, de mystérieux militants Vietminh ou un caïd qui aime faire de la théorie littéraire ! Grégoire se trouve happé par un tourbillon polardeux; il passe d'une scène type à une autre. L'intrigue est endiablée, je serais incapable de me souvenir des rebondissements à tiroirs ou même de savoir, de retournements en volte-face, qui travaille pour qui, qui lutte contre qui. Mais le plaisir de ce polar humoristique est dans ses réparties dignes des Tontons flingueurs, ses remarques aussi sentencieuses qu'absurdes, dans sa capacité à créer des enchaînements ou des coq-à-l'âne comiques, à jouer des références polardeuses du lecteur pour l'amuser. Grégoire est un peu le Roger Rabbit de ce monde délirant. Cependant, à côté du plaisir de la simple lecture, on peut aussi lire dans l'intrigue de Pas de littérature !, comme dans les remarques de Grégoire ou du Sachem, un hommage à la Série noire et au plaisir de conter. Selon le Sachem, la bonne littérature est toujours une trahison et une appropriation car elle est toujours une prestidigitation. Les États-Unis qu'aimaient les lecteurs français de 1945 étaient une terre du rêve, de grands espaces et de totale licence, sans rapport avec les USA réels, un pays de roman, ni américain ni français. Et Grégoire, alors même qu'il peste contre l'américanisation du pays, contribue à bâtir cette terre de l'entre- deux. La Série noire a été très critiquée, à sa naissance mais aussi dans les années 80-90 quand François Guériff a montré l'absence de rigueur de ses "traductions". Pas de littérature ! s'amuse à rendre un hommage ironique à une littérature infidèle et ouvertement commerciale, souvent absurde et stéréotypée mais si accueillante et si capable d’offrir l’essentiel au lecteur : le plaisir de se faire conter des histoires !
attrapemots
• Il y a 3 mois
OVNI littéraire, ce roman m'a tout de suite tapé dans l'oeil avec son titre à première vue provoquant, "Pas de littérature !" Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Gallimard de m'avoir permis de découvrir ce roman pour le moins atypique. Roman-hommage à l’univers de la Série Noire et à ses traducteurs des années 1950, confrontés à la tâche de retranscrire l’argot américain des romans policiers sans en maîtriser véritablement la langue source. Le récit met en scène Grégoire Centon, figure fictive représentative de ces artisans du noir. Ne maîtrisant pas l’anglais, Grégoire s’appuie sur sa femme pour la traduction littérale des textes, avant d’y injecter lui-même les éléments requis par l’esthétique du genre : argot fleuri, violence crue, et humour mordant. Pour nourrir sa prose de l’authenticité des bas-fonds, Grégoire s’immerge dans le monde interlope, fréquentant truands et anciens collabos. Le roman prend une tournure burlesque lorsqu’il se retrouve impliqué dans des règlements de comptes mafieux, otage malgré lui, et même sollicité pour traduire les mémoires d’un gangster en quête de légitimité littéraire. Point positif en plus : j'ai aimé toutes les réflexions sur la traduction et la littérature que soulève ce roman !
Barnegat
• Il y a 4 mois
Paris en 1950. L'après guerre et les débuts de la Série Noire. L'oeuvre de Marcel Duhamel Gringoire Centon - nom d'emprunt - est l'un traducteur. En fait c'est sa femme qui traduit et, lui, il transpose dans un jargon approximatif qui puise dans des bars louches. Lors de l'une de ses virées, il croise un "Ricain", on lui confie une mission découvrir qui est chargé d'écrire les Mémoires d'un truand lettré, érudit, vieux et en déclin : Le Sachem. Et savoir où il crèche. Le traducteur se fait détective et ses ennuis commencent. Le Paris trouble, la Goutte d'Or, les boîtes de strip-tease de Pigalle. les malfrats Corses et Italo-Américains, Le Commissaire Maillet au passé louche, la French connection. Et l'ombre de Villon, Voleur-Assassin-Poète ou l'inverse, et, celui de Vidocq, qui pousse truands, flics et traducteur à avoir de la conversation. Surtout quand les flingues ne causent plus. Entre guerre culturelle et recomposition du Milieu parisien. Le vieux malfrat demande à Grégoire Centon de remplacer le nègre littéraire. Etre Porte-plume est moins dangereux que d'être un Porte-flingue. Quoique... Mais pourquoi est-ce dangereux de s'attacher à écrire les mémoires malfrat... je laisse découvrir le dénouement pendant que les protagonistes philosophent : " Il faut toujours mentir sur ses lectures. Les lectures c'est comme des aveux signés. Pas besoin d'interrogatoire , c'est le sérum de vérité. Rien ne vous trahit autant qu'un livre..." "Nous ne sommes pas des hommes, nous sommes que des récits, et les récits, chacun les interprète à sa façon. C'est comme les livres : leur sens n'apparait que lorsqu'ils sont lus." Une histoire curieuse et agréable à lire.
babel95
• Il y a 4 mois
Dans les années cinquante, les Français redécouvrent l’imaginaire américain à travers films et romans noirs. Les romans noirs sont justement la spécialité d’un écrivain en attente d’inspiration, Gringoire Centon qui réalise des traductions pour la Série Noire. Gisèle, sa femme, mariée autrefois à un Américain, réalise les traductions car en dépit des apparences, Gringoire ne parle pas anglais. Il adapte les textes à ce qu’il imagine être les attentes d’un lectorat français. Il émaille les traductions de termes argotiques qu’il recueille dans des bars plus ou moins louches où il se crée un personnage d’écrivain. Dans un de ces bars, il fait la connaissance de Johnny, dit « Le Ricain », qui lui présente à son tour un ami : Jo le Chanceux, un authentique truand. Jo souhaite l’engager : un truand très connu a fait rédiger ses mémoires par un prête-plume, écrivain qui, dépositaire de secrets terribles, a préféré disparaître. Il faut le retrouver au plus vite. Dans le milieu, on semble penser qu’un écrivain est le mieux placé pour retrouver un autre écrivain. Gringoire sera-t-il à la hauteur ? L’idée de base du roman est vraiment originale. J’ai beaucoup ri en lisant les adaptations que fait Grégoire des textes que traduit Gisèle. Il s’agit d’une véritable réécriture argotique – mais l’argot de Gringoire est aussi pauvre que son anglais, et l’écrivain raté navigue comme il peut entre les deux langues, fournissant pourtant des textes assez originaux, qui semblent correspondre à l’attente d’un public français… J’ai aimé découvrir comment Gringoire Senton va peu à peu changer de personnalité, devenir Gregor G. Senton (son nom de plume), alors qu’il va être confronté à d’authentiques truands, des acolytes hauts en couleur, un commissaire de police douteux… Gringoire, se trouve soudain plongé dans une histoire délirante qui ressemble à si méprendre à celles qu’il traduit si mal. Petit bémol : je regrette que les réflexions sur les traductions, sur le rôle de la littérature qui sont par ailleurs intéressantes soient « plaquées » sur le texte. Elles sont nombreuses, et, à mon avis, alourdissent l’action. Par ailleurs, l’argot du roman, bien que compréhensible, ne m'a pas vraiment convaincue. Je n’ai pas découvert dans Pas de littérature ! le plaisir de lire de l’argot que j’ai pu trouver dans des ouvrages plus classiques, de la série des San Antonio par exemple. Je remercie Masse Critique de Babelio, ainsi que les éditions 1018 Gallimard de m’avoir adressé Pas de littérature ! de Sébastien Rutés, afin d’en faire la critique.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Policiers & Thrillers , Thrillers
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- EAN
- 9782264084804
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- Collection ou Série
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- Format
- Poche
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- Nombre de pages
- 240
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- Dimensions
- 179 x 109 mm
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8,60 € Poche 240 pages