Curé de campagne : Le livre de Christophe Bazin, Charles Rouah

Comment vit et travaille le Don Camillo du 21e siècle#8201;? Quelles sont ses attentes et sa vision du monde#8201;? Christophe Bazin, un curé 2.0 du doyenné de Luxueil-les-Bains en Haute-Marne (70), nous l’explique avec beaucoup de sincérité. Il commence par un constat#8201;: faute de vocations, «#8201;Les territoires se sont étendus, notre emploi du temps, lui, s’est tendu.#8201;» Ainsi, son ministère s’exerce aujourd’hui sur 69 villages, 43 églises, des dizaines de petites chapelles et quarante mille âmes#8201;! Même s’il partage cette responsabilité pastorale avec 4 autres prêtres (dont un seul a moins de 75 ans#8201;!) on imagine sans peine les kilomètres parcourus durant une semaine... Évidemment, cette dispersion impacte aussi le contact avec les paroissiens#8201;: fini le temps où le curé connaissait chacun. Heureusement serait-on tenté d’écrire, son doyenné « compte de moins en moins de fidèles pratiquants#8201;». Toutefois, ceux-ci «#8201;se montrent à la fois de plus en plus exigeants et enracinés dans leur foi.#8201;» Alors, faute de pouvoir se démultiplier, Christophe Bazin peut compter sur l’aide d’un diacre permanent et d’une équipe de coordination majoritairement féminine. C’est une chance, car son travail quotidien ne se limite pas au volet religieux#8201;: il doit aussi chercher des fonds pour rénover un toit devenu perméable, chauffer des lieux de culte qui constituent de véritables passoires énergétiques... D’où, l’introduction des «#8201;messes à domicile#8201;»#8201;! Il s’agit ni plus ni moins de se réunir avec une poignée de fidèles autour de la table d’une salle à manger et d’y célébrer l’eucharistie. Si son emploi du temps le permet, l’office est alors suivi d’un café-gâteau qui offre aux paroissiens l’occasion de discuter sans filtre avec le prêtre. Une autre façon d’innover consiste à organiser mensuellement une «#8201;messe des jeunes#8201;» qui, outre son horaire adapté à la nouvelle génération, fait la part belle à la musique et aux chants créant ainsi une atmosphère plus chaleureuse, vivante et moins solennelle qu’habituellement. Naturellement, ces mises en scène alternatives de la liturgie sont critiquées par les tenants de la tradition, mais elles au moins le mérite d’attirer un public renouvelé qui sans ça décrocherait complètement de la communauté de foi. Impossible ici de passer en revue la richesse des thèmes traités sur 170 pages. Mais la lecture au départ sceptique de ce livre m’a très agréablement surpris. Ceci sans doute grâce à la transparence de cet homme d’église dynamique qui n’évite pas des sujets sensibles comme le célibat des prêtres, leur solitude supposée, leur hygiène et leur philosophie de vie... A l’heure même où Emmanuel Todd déplore « la mort clinique » du christianisme dans son essai « la défaite de l’Occident », ce témoignage rassurant vient à point nommé : non, l’Église catholique n’est pas morte ! Et, oui, il existe encore de jeunes prêtres qui ont envie de faire évoluer cette vieille Dame pour assurer sa survie.