Des racines blondes : Le livre de Bernardine Evaristo

Ça a été, pour moi, un véritable coup de cœur. Tout d'abord j'adore cette autrice qui n'utilise pas la ponctuation classique mais utilise des " pauses blanches" comme pour permettre de respirer entre les phrases. Elle sait mettre de la poésie même en décrivant des situations glauques ou déprimantes. J'ai aimé tous ses livres mais celui-ci a été un vrai coup de poing. Évidemment il n'y a rien de neuf en critiquant l'esclavagisme et les ravages conséquents mais ici, l'excellente Evaristo le fait en bouleversant touts les repères et en mettant les Blancs du côté des exploités, des esclaves, à la merci d'une société construite a l'envers par rapport à l'Histoire comme nous la connaissons. Une uchronie très bien réussie, qui met en évidence les justifications ridicules et scientifiquement absurdes de la suprématie d'un peuple sur un autre. Ce livre est intelligent, profond, parfois drôle même dans le tragique. Un des meilleurs livres que j'ai lu dans les dernières années.

« Des racines blondes » par Bernardine Evaristo Un tour de force magistral de l’autrice ! Le livre débute par une citation de Nietzsche on ne peut mieux choisie « Toute chose est sujette à interprétation : l’interprétation qui prévaut à un moment donné est une affaire de pouvoir et non de vérité ». Ici, l’interprétation qui prévaut est celle des Noirs qui ont vaincu tous les combats guerriers et politiques. Ce sont les conquérants, les vainqueurs, les colonisateurs. Les Blancs sont donc réduits en esclavage. Les normes qui prévalent sont celles des Noirs, leur langue, leur beauté, même leur crâne sont étudiés scientifiquement et identifiés comme contenant un cerveau plus important que celui des Blancs. L’héroïne du livre est blanche et travaille chez un antiabolitionniste noir qui exprime ses délires esclavagistes dans un journal local. Elle tentera de rejoindre la résistance pour repartir vers le continent Europa dont elle est originaire. Ici toutes les discriminations sont inversées allant même jusqu’au « white face » pour imiter la pratique raciste du« black face » récemment dénoncée. Les rôles sont inversés, on est pris dans cet incroyable tourbillon, on y croit et ça donne fort à repenser sa position de Blanc/che dans la société actuelle. Une claque ! Merci Bernardine Evaristo ! Je recommande !

Très bien écrit, avec sensibilité et une grande intelligence. Il s'agit d'une dystopie où les noirs africains (Aphrika) ont développé la colonisation de l'Amérique (Amarika) et notamment les îles du Japon Occidental, grâce au commerce et au travail d'esclaves blanc venus du continent d'Europe (Europa). L'héroïne est blonde, issue d'une famille pauvre de cultivateurs de choux, en servage. On est sur une société de type Médiéval-Renaissance. Elle est capturée vers 10 et commence à subir l'horreur de l'esclavage, le transport en cale où un tiers des esclaves mourront pendant la traversée, les violences, les viols, la maladie. Elle aura un destin un peu particulier: prévue pour être la compagne d'une petite fille, elle apprendra à lire et écrire malgré l'interdiction. Elle sera ensuite l'esclave d'un esclavagiste de haut rang pour qui elle fera office de secrétaire, puis son destin basculera et nous fera rencontrer les différents statu, endroits, vies des esclaves. Le livre est divisé en 3 parties. La seconde partie est un discours ou des articles du chef esclavagiste de l'héroïne. On y retrouvera les justifications classiques de l'esclavagisation (bénéfice commercial, infériorité raciale, apport de la civilisation à ces sauvages...). La dernière partie revient sur le destin de l'héroïne après une bascule. Je n'ai pas tellement apprécié ma lecture car j'évite les contenus violents et émotionnellement forts et durs. Cependant le livre est à conseiller dans certains cas. C'est une amie, blonde, qui me l'a recommandé car il l'avait marquée: elle avait été vraiment impactée par le fait que c'était les blancs (beaucoup blonds) qui étaient considérés comme la race inférieure, les esclaves, les personnes en danger permanent. Le récit lui a permis d'augmenter son empathie. De mon côté, j'ai trouvé intéressant les reflets culturels: il ne s'agit pas d'une simple inversion noir/blanc comme on peut le voir dans certaines comédies. L'évolution du monde a été intelligemment pensée à partir des cultures africaines comme étant dominantes. Les valeurs morales sont différentes, les couleurs, les richesses, les activités, etc. Pour les Aphrikains, le Continent Gris (comme son ciel toujours gris) est un repère de sauvages dégénérés, qui se vêtent en se recouvrant de peaux, de poils, avec même des choses aux pieds (chaussures), incapables de vivre en société, tellement asociaux qu'ils apprécient la solitude et veulent la monogamie. Ils n'ont même qu'un dieu et ne reconnaissent pas les nombreuses divinités aphrikaines! Leur nourriture est fade, ils vivent dans des horribles logements carrés étouffants de bois coupé et non dans des belles cases rondes en terre! Pour conclure, je dirai que ce roman est un excellent ouvrage didactique pour traiter du racisme, de nos préjugés, de ce que nous considérons comme bien ou bon car il s'agit de notre norme actuelle qui découle de notre histoire.