La Gestapo Sadorski : Le livre de Romain Slocombe

Fin 1943, la résistance communiste est au cœur des préoccupations des autorités allemandes à Paris. Pour Sadorski, il s’agit de naviguer à vue, de faire son beurre et peut-être d’engranger une promotion. Mais, c’est un homme qui joue avec le feu et les ficelles qu’il agite pourrait bien s’emmêler et provoquer un retour de bâton. La capitale est sur les dents. L’auteur, comme à chaque ouvrage, nous fait entrer dans l’époque comme si nous y étions. Et heureusement, nous n’y étions pas. La peur, la rancœur, la haine y côtoyaient la fidélité, le courage et l’abnégation. Une époque très difficile.

Léon Sadorski est de la pire espèce. Inspecteur aux Renseignements généraux pendant l’Occupation, il collabore allègrement, il traque les Juifs avec une joie perverse, il est corrompu, bref, il ne travaille que pour son intérêt. En outre, c’est un obsédé sexuel pervers et sadique. Il n’est pas exempt de paradoxes et, s’il est loin du personnage attachant, il reste fascinant tant on sent en lui une authentique laideur d’âme. À ce point, ça mérite bien une série de plusieurs tomes que Romain Slocombe continue ici avec le quatrième opus. Sadorski a donc les qualités requises pour plaire aux brutes nazies qui composent la Gestapo, cette police secrète qui torture avec un art barbare agrémenté d’une haine viscérale. Comme toujours, ce roman est extrêmement documenté, la bibliographie de fin d’ouvrage est vertigineuse. Des personnages réels aux détails de la vie quotidienne, le lecteur est immergé en eaux profondes dans une époque qu’on préférerait fictionnelle. Je mets le tome suivant sur le haut de ma PAL.

Comme le bon vin, la série se bonifie chemin faisant… C’est addictif au possible même si certaines descriptions des tortures infligées par la Gestapo soulèvent parfois le cœur. Il faut saluer non seulement les qualités de plume de l’auteur et son hallucinant travail de documentation… Je vous laisse ici, j’ai laissé Léon en prison et j’ai hâte de me plonger dans le cinquième.

La Gestapo Sadorski de Romain Slocombe, La Bête noire, Robert Laffont, 2020 Ce roman ouvre la Trilogie de la guerre civile en octobre 1943. La Gestapo est sur les dents après l’assassinat, en plein Paris, d’un important dignitaire nazi. Elle convoque l'inspecteur principal adjoint Sadorski pour lui confier la direction d'une petite unité de policiers français gestapistes chargée de traquer les terroristes juifs FTP-MOI (Francs-tireurs et Partisans-Main d’Œuvre Immigrée). Sadorski espère de l'avancement en effectuant un brillant coup de filet. Côté vie privée, joignant l'utile à l'agréable, l’ignoble personnage cache dans son appartement la jeune Juive Julie Odwak, qu'il a mise enceinte, situation délicate car sa femme Yvette, qui ignore la véritable identité du père, doit simuler pour elle-même une grossesse afin d'éviter la curiosité des voisins lorsque l'enfant naîtra... Côté perversion personnelle, il manipule une lycéenne pour laquelle il éprouve une attirance obsédante et forcément malsaine, menant une sorte de jeu érotique, se faisant passer pour un résistant pour arriver à ses fins. Ainsi que l’annonce l’auteur, les actes et les propos de Léon Sadorski, inspiré d’un homme qui a réellement existé (l'inspecteur principal adjoint Louis Sadosky [1899-1967] de la 3e section de la direction générale des Renseignements généraux et des Jeux, qui dirigeait le Rayon juif au sein de ce service) sont le reflet de son époque, comme ils peuvent présager celles qui nous attendent. Car « le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde ». Il faut tout l’art et le manière de Romain Slocombe, sa parfaite connaissance de la période, et sa magnifique écriture, alternant des scènes terriblement réalistes, des situations malaisantes, des moments cocasses, des extraits d’articles de journaux, des rapports de police et de belles descriptions de Paris pour garder ses lecteurs présents et réceptifs. Les dialogues sont parfois savoureux, souvent à vomir, théâtralisés juste ce qu’il faut pour nous tenir en haleine, avec l’emploi de quelques mots d’argot habilement dispersés dans les propos, un zeste d’humour aussi. Le dénouement est jubilatoire ! Personnellement, j’ai volontairement étalé cette lecture dans le temps, lisant à chaque fois deux-trois chapitres, pas plus. Romain Slocombe continue de nous proposer non seulement des romans policiers historiques, mais aussi de véritables romans noirs qui illustrent et analysent les réalités sociales et le climat de violence, de haine et d’antisémitisme paroxystiques de la période dite de l’occupation. Léon Sadorski est un héros dérangeant, négatif, mais son parcours est aussi didactique. #LagestapoSadorski #NetGalleyFrance #lesglosesdelapiratedespal